Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 du préfet du Morbihan portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2302290 du 13 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2024, M. A..., représenté par Me Roilette, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 septembre 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 du préfet du Morbihan ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2024, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;
- le motif tiré de ce que l'intéressé ne justifie pas de la viabilité économique de son activité, substitué au motif de la décision portant refus de titre de séjour, est de nature à légalement la fonder.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la République du Congo, est entré régulièrement en France le 22 novembre 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Après avoir été débouté de l'asile, l'intéressé a bénéficié d'une carte de séjour portant la mention " étudiant ", valable jusqu'au 16 octobre 2018. Le renouvellement de ce titre de séjour lui a été refusé par le préfet du Morbihan. Ayant sollicité de nouveau, le 11 avril 2022, la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Morbihan a, par un arrêté du 9 novembre 2022, rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. A... relève appel du jugement du
13 septembre 2023 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour adressée aux services de la préfecture du Morbihan le 11 avril 2022, M. A... a sollicité sa " régularisation dans le cadre de sa création d'entreprise " en faisant valoir ses activités de traiteur ambulant sur les marchés du pays de Lorient et de restaurateur sur la commune de Lanester. Ainsi, l'intéressé doit être regardé comme ayant demandé un titre de séjour en qualité d'étranger exerçant une activité non salariée sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Morbihan, en se fondant sur le motif tiré de ce l'intéressé ne pouvait pas bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour pour motif professionnel, a examiné cette demande, ainsi qu'il l'admet dans ses écritures, sur le seul fondement des dispositions de l'article
L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Morbihan s'set mépris sur la portée de la demande dont il était saisi et n'a pas procédé à un examen de particulier de la situation de M. A....
3. Pour établir la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, le préfet du Morbihan demande implicitement de substituer au motif initial un autre motif, celui tiré de ce que M. A... ne justifie pas de la viabilité économique de son activité à l'appui de sa demande de titre de séjour. Toutefois, si ce motif est au nombre de ceux qui auraient pu fonder légalement une décision de refus de titre de séjour prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne saurait permettre de justifier, devant le juge de l'excès de pouvoir, la décision attaquée, qui n'avait pas cet objet. Il s'ensuit que la demande de substitution de motif sollicitée ne peut qu'être rejetée.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour qui lui a été opposée, et, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard à son motif, l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2022 implique seulement qu'il soit enjoint au préfet du Morbihan de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte, et de munir M. A..., dans l'attente de cet examen, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me Roilette, conseil de M. A..., d'une somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 13 septembre 2023 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 9 novembre 2022 du préfet du Morbihan sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Morbihan de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'Etat versera à Me Roilette la somme de 1 200 euros hors taxe en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le7 juin 2024.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON
Le président-assesseur,
GV. VERGNE
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT004672