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07/06/2024 | FRANCE | N°23NT00978

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 07 juin 2024, 23NT00978


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 9 décembre 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier I... a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois.



Par un jugement n° 2100264 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 5 avril

2023, Mme C... B..., représentée par

Me Gisserot, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 9 décembre 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier I... a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois.

Par un jugement n° 2100264 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2023, Mme C... B..., représentée par

Me Gisserot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 9 décembre 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier I... a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier I... une somme de

3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant pour la procédure de première instance que pour celle portée devant la cour.

Elle soutient que :

- il appartient au centre hospitalier de justifier de la compétence du signataire de la décision attaquée, sur laquelle apparaît une signature qui ne correspond pas à celle qui figure sur les délégations de signature accessibles sur l'internet ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas reçu les documents complémentaires à la convocation du conseil de discipline quinze jours avant la date de la réunion de ce conseil et ce, en méconnaissance de l'article 2 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- les droits de la défense ont été méconnus dès lors qu'elle n'a eu connaissance de l'intégralité de son dossier que peu de temps avant la séance du conseil de discipline et que sa demande de report de cette séance a été refusée ;

- la décision litigieuse est entachée d'inexactitude matérielle des faits ; l'ensemble des faits qui lui sont reprochés sont contestés ;

- la sanction prononcée est disproportionnée ;

- elle est illégale du fait de sa rétroactivité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2023, le centre hospitalier H... de E..., représenté par la SELARL Minier Maugendre et Associées, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Berthon,

- et les observations de Me Gisserot, représentant Mme B..., et de Me Lacroix, représentant le CH de E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., aide-soignante diplômée en 2015, a été recrutée au centre hospitalier I... (CH F...) comme contractuelle en 2015, puis nommée comme stagiaire le 1er août 2018. Elle exerce ses fonctions, depuis le 4 janvier 2016, au sein de l'établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Elle y est affectée, depuis le 12 janvier 2017, dans l'équipe de nuit. Les 9 et 10 janvier 2020, le personnel d'encadrement de nuit du secteur médico-social a informé la direction de l'hôpital des faits de harcèlement et de dégradation de biens personnels survenus dans la nuit du 6 au 7 janvier 2020, puis la nuit suivante, qui lui étaient signalés par une aide-soignante contractuelle affectée à l'EHPAD, laquelle dénonçait plusieurs membres d'une des équipes d'aides-soignantes de nuit. Une enquête administrative a été diligentée, qui a conclu au comportement inadapté d'un groupe de six aides-soignantes, au nombre desquelles Mme B..., envers les résidents et les autres agents. Après avis du conseil de discipline, le directeur du centre hospitalier de E... a prononcé le 9 décembre 2020 à l'encontre de Mme B... une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois à compter du 16 décembre 2020, dont la prise d'effet a été reportée, par une décision modificative du 25 janvier 2021, à l'issue de l'arrêt maladie de l'intéressée, en cours depuis le 1er décembre 2020. Mme B... relève appel du jugement du

9 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cette sanction disciplinaire.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. La requête de Mme B..., qui ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte de ses écritures de première instance, est suffisamment motivée. La fin de non-recevoir opposée par le CH de E... doit donc être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, la décision attaquée comporte la signature manuscrite de M. D..., directeur du centre hospitalier H..., identifiable et authentifiable par rapprochement avec d'autres documents produits par la requérante elle-même et comportant la signature de ce fonctionnaire, Alors, en outre, que M. D... a attesté par écrit le 7 juillet 2021 être le signataire de la décision litigieuse du 9 décembre 2020, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière alors applicable : " (...) Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. / L'autorité investie du pouvoir de nomination et le fonctionnaire poursuivi peuvent faire entendre des témoins ". Aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée ". L'article 2 de ce même décret dispose que : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion de ce conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il peut, devant le conseil de discipline, présenter des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Le report de l'affaire peut être demandé par le fonctionnaire poursuivi ou, lorsqu'elle n'est pas membre du conseil de discipline, par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire ; il est décidé à la majorité des membres présents. Le fonctionnaire et l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire ne peuvent demander qu'un seul report ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été convoquée à un conseil de discipline fixé le mercredi 2 décembre 2020 à 15h, par un courrier recommandé du 4 novembre 2020 qui lui rappelait l'ensemble de ses droits, en particulier la possibilité d'obtenir communication de son dossier administratif, de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix, de présenter des observations écrites et orales devant le conseil, de citer des témoins et de demander le report de la tenue du conseil de discipline. Le rapport disciplinaire concernant l'intéressée, comportant 18 annexes, était joint à ce courrier de convocation. Si, d'une part,

Mme B... fait valoir que trois documents complémentaires ne figurant pas dans ce dossier lui ont été communiqués par un courrier du 16 novembre 2020, aucune disposition législative ou règlementaire n'exige que l'ensemble des documents produits devant le conseil de discipline soit communiqué à l'agent dans un délai déterminé avant la réunion de celui-ci et il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante n'aurait pas disposé d'un délai suffisant, eu égard à la nature et à la portée des pièces en cause, pour prendre connaissance de celles-ci et préparer utilement sa défense avant la séance du 2 décembre 2020. D'autre part, si le conseil de Mme B... a adressé, par un courrier recommandé et un courriel du jeudi 26 novembre 2020, une demande de report de la réunion du conseil de discipline prévue le mardi suivant, précisant, d'une part, qu'il venait d'être saisi des intérêts de Mme B... et ne pourrait se " mettre en état " pour la date de la convocation, et, d'autre part, " qu'au regard du contexte sanitaire ", il ne pourrait se déplacer le 2 décembre pour soutenir oralement cette demande de report, il ne démontre ni qu'il lui aurait été assuré le 1er décembre par téléphone, ainsi qu'il le soutient, que l'affaire serait renvoyée à une séance ultérieure, ni que la réponse qui lui a été faite par courriel après cet appel téléphonique le 1er décembre à 15 h, l'informant de ce que sa demande de report serait examinée le lendemain et que le report ne serait validé qu'en cas de vote majoritaire des membres de la commission, ne lui serait pas parvenue en temps utile pour qu'il puisse prendre ses dispositions. L'existence, alléguée de manière imprécise par l'appelante, de " raisons erronées " ou d'éléments " cachés " par la direction de l'hôpital, de nature à vicier l'information du conseil de discipline et, par suite, la délibération par laquelle celui-ci a décidé de ne pas faire droit à la demande de report qui lui était présentée, n'est pas établie. La circonstance que Mme B..., déjà destinataire du rapport disciplinaire la concernant et de ses annexes, n'a effectivement accédé à l'ensemble des pièces de son dossier de fonctionnaire que le lundi 30 novembre 2020 à 10h après en avoir fait la demande le jeudi précédent en débit d'après-midi, ne démontre pas, eu égard à la date à laquelle elle a exercé son droit d'accès à son dossier et aux éléments dont elle disposait déjà, qu'il aurait été porté atteinte, dans le cadre de la procédure disciplinaire, au principe du respect des droits de la défense. Le conseil de discipline, qui n'était pas tenu de renvoyer l'affaire, a donc pu légalement rejeter cette demande et émettre un avis hors la présence de Mme B... ou de son conseil dès lors que la requérante avait disposé d'un délai suffisant pour se faire représenter ou pour adresser ses observations écrites. Le moyen tiré de ce que la sanction aurait été prononcée au terme d'une procédure irrégulière doit donc être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation ".

7. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. La sanction prononcée à l'encontre de Mme B... l'a été, selon les termes mêmes de la décision litigieuse, en raison d'un comportement inadapté à un travail en équipe entraînant un climat malsain et un mal-être chez certains collègues, d'un comportement inadapté envers les résidents, de l'organisation et de la participation à des fêtes dans l'enceinte de l'établissement, et du défaut de surveillance des résidents de l'EHPAD qui en découle. Pour prononcer cette sanction l'autorité disciplinaire s'est fondée sur les rapports circonstanciés des 9 et 10 janvier 2020 établis par les trois cadres de nuit et le cadre supérieur de santé de l'EHPAD, sur l'avis motivé émis le 2 décembre 2020 par le conseil de discipline, et sur l'ensemble des pièces du dossier présenté à cette instance, comportant notamment les nombreux comptes rendus d'entretiens menés avec des agents lors de l'enquête administrative diligentée par le centre hospitalier de E.... Ces derniers éléments, contrairement à ce que fait valoir la requérante pour soutenir qu'il s'agit d'éléments de preuve irrecevables, ne constituent pas des témoignages anonymes, mais des déclarations faites par des personnels de l'EHPAD convoqués et reçus pour être entendus par le directeur du personnel de l'hôpital, la coordinatrice des soins et la cadre supérieure de santé. L'authenticité des propos rapportés n'est pas remise en cause du seul fait qu'ils ne sont pas signés par les personnes entendues. Leur anonymisation, qui pouvait être justifiée par les importantes tensions interpersonnelles existant entre les agents au sein de l'établissement et les craintes de réactions de collègues que pouvaient entraîner les déclarations des personnes entendues, n'a pas été contraire à l'obligation de loyauté de l'employeur public et n'interdisait pas à celui-ci de les prendre en compte. Enfin, s'il est soutenu par la requérante que le caractère anonyme de ces pièces ne lui permet pas de contredire utilement leur contenu, il ressort de ces documents, qui ont été soumis au débat contradictoire, qu'ils contiennent des précisions sur les circonstances dans lesquelles les personnes appelées à témoigner ont été amenées à travailler avec la requérante ou à être témoins de son comportement, ces précisions permettant ainsi à l'intéressée de présenter des observations en réponse aux reproches qui lui étaient faits. En outre, les témoignages de supérieurs hiérarchiques versés au dossier administratif de la requérante en vue d'établir les faits en litige ne sont pas anonymes et confortent la teneur des témoignages anonymisés.

9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, dans un contexte tendu entre l'encadrement de proximité des personnels du secteur G... de l'EHPAD et l'une des deux équipes d'aides-soignantes de nuit, Mme B... faisait partie d'un groupe de 6 aides-soignantes assumant ouvertement, devant les autres agents du service, notamment les nouveaux agents ou les agents contractuels, souvent en des termes grossiers, oralement ou dans des échanges avec les collègues sur les réseaux sociaux, leur hostilité à tout droit de regard et de contrôle des responsables hiérarchiques dans le fonctionnement concret du service et l'organisation du travail en équipe et leur refus de toute remise en cause de leurs méthodes et de leur organisation, qu'elles avaient fixées à leur convenance, ce comportement s'accompagnant d'une mise à l'écart et de propos agressifs ou blessants envers certains personnels considérés comme gênants, suspectés de ne pas être d'accord avec elles ou de faire le jeu de l'encadrement en rapportant auprès de celui-ci ce qu'ils avaient pu constater dans le service. Un tel comportement collectif de dissimulation et de dénigrement de l'autorité, auquel Mme B... a contribué activement, constitue un manquement au devoir d'obéissance hiérarchique et de loyauté et doit lui être imputé personnellement, plusieurs témoignages la désignant comme jouant un rôle de premier plan.

10. D'autre part, il doit être reproché à Mme B... sa contribution active à l'organisation et à la logistique ainsi que sa participation à l'occasion de plusieurs réunions festives organisées en soirée ou de nuit sur le lieu de travail, à l'insu de la direction et de l'encadrement, au moins à trois reprises en août, septembre 2019 et janvier 2020, auxquelles elle s'est rendue, notamment une fois avec sa fille mineure et alors qu'elle était en congé de maladie, d'autres personnes de l'extérieur étant présentes, et au cours desquelles de la nourriture et des boissons ont pu être consommées ainsi que de l'alcool. Un témoignage d'un résident fait état des nuisances sonores engendrées par ces soirées et de la gêne ressentie à plusieurs occasions. Dans plusieurs comptes rendus d'entretien, des membres du personnel expriment qu'ils ont été choqués par cette attitude désinvolte aboutissant à dégarnir les services au détriment des résidents ou à laisser les agents non invités ou n'ayant pas accepté leur invitation à assurer la charge de travail. Un tel comportement est en contradiction avec l'obligation de tout agent public d'accomplir son service.

11. Ensuite, s'il n'est pas établi en l'état du dossier, bien qu'un agent en ait fait état lors de son entretien avec la direction, que des faits de maltraitance avérée par paroles ou par gestes pourraient être reprochés à Mme B..., plusieurs déclarations d'agents démontrent que

celle-ci négligeait ses fonctions, privilégiant ses convenances et choix personnels, notamment les pauses avec les collègues de son groupe d'affinité, les pots ou les fêtes organisés sur le lieu de travail, au détriment de son service, encourageant par ailleurs, par son exemple et son influence, d'autres personnels à l'imiter. Mme A..., faisant fonction de cadre de santé de nuit, expose l'opposition systématique qu'elle a rencontrée, de la part notamment de Mme B..., face à ses initiatives tendant à la restauration d'un service mieux organisé et plus assidu ou régulier envers les résidents, à la suppression de certaines dérives ou arrangements de convenance tels que les changements de binômes opérés dans le but de ne pas avoir à travailler avec tel ou tel agent, au rappel de l'obligation des équipes à " bien passer dans chaque chambre et faire tous les changes en binôme ", ou encore au renforcement de certaines tâches telles que le nettoyage de certains équipements.

12. Enfin, s'il ne peut être reproché à Mme B... un comportement qui, par sa nature et son intensité pourrait être qualifié de harcèlement, notamment envers l'agent désigné sous le nom " Mme 15 ", ni imputé à la requérante personnellement plutôt qu'à une autre personne de son groupe, la responsabilité des agressions verbales dont cet agent contractuel a été victime dans la nuit du 6 au 7 janvier 2020, puis la nuit suivante, et de la dégradation matérielle portée à son véhicule et à son casier de vestiaire, il n'en demeure pas moins que la requérante a régulièrement adopté une attitude hostile, d'exclusion ou simplement non collaborative envers cet agent ou d'autres collègues avec qui elle n'avait pas choisi de travailler ou qu'elle soupçonnait de ne pas être en accord avec sa manière de servir, ou de rapporter ce qu'ils pouvaient avoir constaté d'anormal dans le service, contribuant à l'isolement de certains de ces personnels, notamment des agents remplaçants ou récemment recrutés, ou des plus fragiles.

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits retenus par l'autorité territoriale pour sanctionner Mme B..., qui présentent un caractère fautif, doit être écarté.

14. En quatrième lieu, les fautes analysées ci-dessus sont intrinsèquement graves et doivent s'apprécier eu égard à la nature des missions d'aide-soignante exercées par Mme B..., au sein d'un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes, donc vulnérables. Elles témoignent d'une dérive profonde du comportement professionnel de cet agent, affectant ses devoirs de fonctionnaire les plus fondamentaux. Elles ont fortement et durablement perturbé le fonctionnement du service, alimentant une défiance des personnels entre eux et envers l'encadrement et une perte de confiance envers la direction. Elles ne sont que très partiellement expliquées et ne sauraient être excusées par l'analyse de la situation générale du service faite par un cabinet de conseil extérieur auquel a fait appel l'hôpital en lien avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui a notamment constaté un environnement dégradé par une recherche d'autonomie de certains personnels, l'apparition de fonctionnements fermés, des organisations faiblement contrôlées par un encadrement insuffisant ou parfois maladroit, et des règlements de compte entre personnels, tout en s'abstenant de se prononcer sur les mesures disciplinaires devant être prises. Il s'ensuit qu'alors même que Mme B..., employée depuis 2015 au centre hospitalierH...n de E..., n'a pas fait l'objet de sanctions antérieurement et justifie d'évaluations satisfaisantes pour les années 2018 et 2019, mentionnant une aptitude au travail de nuit, une bonne collaboration avec les collègues, une bonne connaissance du secteur et un comportement adapté avec les résidents, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire pour une durée de neuf mois prononcée à son encontre n'est pas disproportionnée. Le moyen tiré d'une telle disproportion doit, par suite, être écarté.

15. En dernier lieu, la décision d'exclusion temporaire de fonctions du 9 décembre 2020 disposait qu'elle prendrait effet à compter du 16 décembre 2020, soit à une date postérieure à celle de son édiction et ne rétroagissait pas par rapport à la date de son édiction. En outre, par une décision modificative du 25 janvier 2021, le centre hospitalier de E..., prenant acte de ce que, à la date du 16 décembre 2020, Mme B... se trouvait statutairement en position de congé de maladie, a reporté la prise d'effet de cette mesure au premier jour suivant la fin de l'arrêt de travail de Mme B..., retirant ainsi, implicitement mais nécessairement, la décision litigieuse en tant qu'elle fixait la date de son entrée en vigueur. Dans ces conditions, le moyen tiré du caractère rétroactif de la décision du 9 décembre 2020 doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

17. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par le centre hospitalier de E... au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de E... tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme C... B... et au centre hospitalierH...n de E....

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00978
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : GISSEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23nt00978 ?
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