Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office.
Par un jugement n° 2300946 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2024, Mme A... C... épouse B..., représentée par Me Leudet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 15 décembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour portant la mention " accompagnant d'enfant malade ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; ou à titre subsidiaire, d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le refus de séjour méconnaît l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il est entaché d'une erreur d'appréciation quant à la disponibilité du traitement en Tunisie ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'enfant Saifallah ;
- il méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle et familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;
- elle méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellouch,
- et les observations de Me Leudet, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C... épouse B..., de nationalité tunisienne née le 17 septembre 1982, est entrée en France le 9 janvier 2019 accompagnée de ses quatre enfants mineurs sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour en qualité d'accompagnante d'enfant malade, sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile jusqu'au 18 septembre 2022. Par un arrêté du 15 décembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office une fois ce délai expiré.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". L'article L. 425-9 du même code dispose quant à lui que : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) . / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. En vertu des dispositions de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 425-10, doit émettre son avis, au vu, d'une part, du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
4. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme B... en raison de l'état de santé de son fils, ... le préfet de la Loire-Atlantique s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 19 juillet 2022, lequel conclut que si l'état de santé de l'enfant de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il a aussi précisé que l'intéressé pouvait voyager sans risque à destination de son pays d'origine.
5. Mme A... épouse B... établit que son fils ... est atteint d'un diabète de type 1 nécessitant un traitement quotidien par insuline pour lequel il est suivi au CHU de Nantes depuis le mois de juin 2019. Elle produit plusieurs certificats du praticien hospitalier qui le suit au sein de cet établissement attestant que le traitement de l'enfant a fait l'objet de plusieurs modifications, en dernier lieu en mars 2022, et que l'insuline lui est désormais administrée au moyen d'une pompe à insuline permettant une diffusion en continu. Pour contester l'avis du collège de médecins de l'OFII, Mme B... se prévaut des certificats médicaux établis par le praticien hospitalier qui suit son enfant, retraçant l'évolution du traitement, desquels il ressort que le schéma multi-injections d'insuline d'action rapide et lente avec des stylos à insuline (cinq fois par jour) a été remplacé, à compter du mois de mars 2022, par une diffusion en continu de l'insuline à action rapide administrée par le biais d'une pompe à insuline, et qu'au mois d'octobre 2022, a été ajouté à ce dispositif, un capteur qui mesure en continu la glycémie et interagit avec la pompe à insuline. Elle produit également une attestation d'un médecin généraliste tunisien affirmant que " la pompe à insuline n'est pas encore disponible en Tunisie ", ainsi que des documents de presse à caractère général relatifs à des ruptures de stock de certains médicaments, dont l'insuline, en Tunisie. Toutefois, le préfet de la Loire-Atlantique a produit devant les premiers juges un ensemble de données médicales, en particulier la nomenclature hospitalière de 2018 et une fiche " Medical country of origin information " établie en août 2016, desquelles il ressort que des injections d'insuline à action rapide, longue et intermédiaire sont disponibles en Tunisie. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, s'il ressort des attestations médicales du praticien hospitalier qui suit son fils que la pompe à insuline est moins contraignante et permet un contrôle glycémique mieux accepté, il n'en ressort pas que le traitement de son enfant ne pourrait, de nouveau, être administré sous schéma multi-injections de manière appropriée. Enfin, si la requérante soutient que le Glucagen, prescrit à son fils pour réguler sa glycémie, n'est pas disponible en Tunisie, elle ne soutient pas, ni même n'allègue, que des molécules d'effet équivalent ne pourraient être prescrites dans ce pays. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'erreur d'appréciation de la disponibilité d'une prise en charge médicale doivent être écartés.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Il ressort des pièces du dossier que les enfants de Mme B... sont nés en Arabie Saoudite entre 2010 et 2017 et sont entrés en France avec leur mère près de quatre ans avant l'intervention de l'arrêté litigieux. Dès lors que l'arrêté en litige n'a pas pour effet de séparer les enfants de leur mère ni de faire obstacle à la poursuite de leur scolarité dans un autre pays, et notamment en Tunisie dont ils ont la nationalité, les circonstances que les enfants de Mme B... sont scolarisés et bien intégrés socialement en France, et que le traitement dont bénéficie l'enfant ... est plus qualitatif que celui dont il peut bénéficier en Tunisie ne suffisent pas à établir que l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. En dernier lieu, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de la situation de l'enfant ..., et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de séjour sur la situation personnelle et familiale de Mme B..., que l'intéressée reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. Le présent arrêt n'annulant pas le refus de séjour, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence doit être écarté.
10. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation sont serait entachée cette décision, que Mme B... reprend en appel, peuvent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Le présent arrêt n'annulant pas l'obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de ce que le refus de séjour doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et la demande présentée au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024.
La rapporteure,
J. LELLOUCH
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00060