Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, dans le dernier état de ses écritures, de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser la somme de 91 178,04 euros à titre principal, ou, à titre subsidiaire, la somme de 44 158,40 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle a subis du fait des licenciements prononcés illégalement à son encontre par décisions du 30 juin 2016 et du 17 octobre 2017.
Par un jugement n° 1802987 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier universitaire d'Angers à verser à Mme A... la somme de
2 000 euros tous intérêts compris et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 novembre 2022 et 7 mars 2023,
Mme B... A..., représentée par Me Deniau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté toute indemnisation du préjudice financier qu'elle a subi du fait des licenciements qu'elle a subis ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser la somme de 89 178,04 euros à titre principal, ou, à titre subsidiaire, la somme de 42 158,40 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle a subis en raison de l'illégalité de ces licenciements ;
3°) d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018, avec capitalisation de ces intérêts à chaque échéance annuelle ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers la somme de
2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- quand bien même le code de la santé publique ne prévoit pas l'octroi d'une indemnité de licenciement pour les contrats conclus sur la base de l'article R. 6152-402, ces dispositions ne font pas obstacle à la reconnaissance d'un droit à indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels le salarié aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ;
- la conclusion d'un contrat à durée indéterminée alors qu'un tel recrutement n'était pas licite au regard de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique dont il a été fait application était abusive, notamment en ce qu'elle faisait espérer à l'agent une situation de sécurité dont il ne pouvait bénéficier ; quand bien même la conclusion d'un tel contrat était illégale, une telle circonstance n'est pas de nature à faire obstacle au paiement d'une indemnité de licenciement en vertu de l'exigence de loyauté des relations contractuelles ;
- le contrat était en fait un contrat à durée déterminée qui a été renouvelé de manière abusive à plusieurs reprises en lui ouvrant droit à indemnisation ;
- il est faux d'affirmer que le contrat qui a couru sur la période du 6 septembre 2006 au 1er septembre 2016 aurait été transformé à partir de cette date en contrat à temps partiel sur sa demande, puisqu'il a été mis fin à ses fonctions par une décision du 30 juin 2016 ayant le caractère d'un licenciement, le contrat conclu ultérieurement étant un nouveau recrutement et non un avenant au contrat initial ; dans son courrier du 25 mai 2016, elle a simplement indiqué vouloir poursuivre son CDI avec le CHU d'Angers, avec une réduction temporaire de sa quotité de travail de 100% à 40%, ce qui impliquait une simple modification de son contrat par avenant, qui était possible et avait d'ailleurs été envisagée ;
- s'agissant du contrat ayant couru à partir du 1er septembre 2016 et rompu à compter du 31 décembre 2017, une indemnité de licenciement lui est bien due pour cette rupture, alors même que ce contrat ne pouvait être conclu à durée indéterminée, les exigences du principe de loyauté des relations contractuelles exigeant que les stipulations soient appliquées, ou, à défaut, qu'une régularisation du contrat lui soit proposée ou un emploi équivalent proposé et que, à défaut d'acceptation de sa part, elle soit licenciée ; or rien de tel n'a été fait ;
- alors qu'elle ne pouvait être recrutée durant plus de trois ans sur le fondement de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique, elle l'a été durant plus de 10 ans sur le même poste, durée totale dont il y a lieu de tenir compte, et le contrat qu'elle a conclu le 30 juin 2016 constituait un renouvellement abusif de son engagement lui ouvrant droit à une indemnisation évaluée en fonction des avantages financiers auxquels elle aurait pu prétendre en cas de licenciement si elle avait été employée dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ;
- l'article R. 6152-413-1 du code de la santé publique, au regard duquel il convient de raisonner par analogie, prévoit que le praticien contractuel bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée auquel il est mis un terme a droit à un préavis de trois mois et à une indemnité de licenciement ;
- elle est fondée à demander, pour les deux licenciements fautifs dont elle a fait l'objet les 30 juin 2016 et 17 octobre 2017, l'indemnisation des préjudices qu'elle a subis, consistant en le non-respect du préavis de licenciement, le non-paiement des indemnités de licenciement qui lui étaient dues, tout en étant privée de l'indemnité de précarité prévue aux articles R. 6152-418 du code de la santé publique et L.1243-8 du code du travail ;
- au titre du préjudice matériel, son indemnité de licenciement au 1er septembre 2016 alors qu'elle était employée sans discontinuité et à temps plein depuis le 5 septembre 2006, eu égard à ses émoluments versés lors de son dernier mois d'activité, doit être calculée à la somme de 77 935,80 euros à laquelle il convient d'ajouter une indemnité de 2 810,56 euros correspondant à son second licenciement intervenu le 31 décembre 2017, ou doit être calculée, s'il n'est tenu compte que du seul licenciement du 31 décembre 2017, à la somme de
33 726,72 euros, ces indemnités étant dues sans que lui soit opposable la condition qu'elle n'aurait pas retrouvé d'emploi ;
- elle est fondée à réclamer de surcroît, dans les deux hypothèses, la somme de
8 431,68 euros correspondant aux trois mois de préavis prévus par les dispositions de l'article R. 6152-413-1 du code de la santé publique ou, à tout le moins, la somme de 4 215,84 euros si le raisonnement du centre hospitalier selon lequel le non-respect ne serait que partiel était retenu ;
- au titre du préjudice moral, l'illégalité de son licenciement et l'absence de proposition de reclassement sérieuse conduisent à évaluer ce préjudice à la somme de 2 000 euros ; son préjudice moral est évident et les conclusions d'appel incident de l'hôpital doivent être rejetées.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2023, le centre hospitalier universitaire d'Angers, représenté par Me Brossard, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mme A... ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et en tant qu'il a mis à sa charge la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- aucun des moyens présentés à l'appui de la requête n'est fondé ;
- Mme A... ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral en lien avec les conditions de son recrutement et susceptible de lui ouvrir droit à réparation, de sorte que le jugement du tribunal administratif le condamnant à indemniser ce préjudice à hauteur de 2 000 euros doit être annulé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 93-701 du 27 mars 1993 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Deniau représentant, Mme A... et de Me Brosset, représentant le centre hospitalier universitaire d'Angers.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., docteur en médecine, a conclu le 8 septembre 2004 avec le centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers un contrat d'engagement de service public exclusif. Elle a, un peu moins de deux ans plus tard, été recrutée par ce même établissement par contrat du 5 septembre 2006, pour y exercer, à compter du 6 septembre 2006, en qualité de praticien hospitalier contractuel à temps plein, les fonctions de médecin délégué à la qualité et à la gestion des risques, sans que cet engagement ne prévoie de terme. Par une décision du 30 juin 2016, le centre hospitalier a mis fin à ces fonctions à compter du 1er septembre 2016 et, par un contrat du même jour, Mme A... a été recrutée en tant que praticien hospitalier à temps partiel à raison de quatre demi-journées hebdomadaires, soit 40% d'un temps plein, pour assurer des fonctions au sein du réseau Aquarel, structure régionale d'appui à la qualité et à la sécurité des soins des Pays de la Loire (20%), et pour l'agence régionale de santé (ARS) (20%), dans le cadre d'une mise à disposition. Par la suite, toutefois, par un courrier du 17 octobre 2017, Mme A... a été informée que l'ARS entendait mettre fin à la convention de mise à disposition la concernant et que l'établissement hospitalier ne souhaitait plus être porteur des recrutements avec le réseau Aquarel. En conséquence le CHU d'Angers a mis fin au contrat de l'intéressée à la date du
31 décembre 2017. Par un courrier du 29 janvier 2018, Mme A... a présenté une demande indemnitaire auprès du CHU d'Angers, que ce dernier a rejetée par une décision du 30 mars 2018. L'intéressée a alors saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à ce que son ancien employeur soit condamné à lui verser la somme de 91 178,04 euros en réparation des conditions, selon elle illégales, dans lesquelles ont pris fin ses fonctions en 2016, puis en 2017. Elle relève appel du jugement du 9 novembre 2022, par lequel le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser la somme de
2 000 euros tous intérêts compris, en tant que ce jugement a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'indemnisation. L'hôpital d'Angers présente des conclusions d'appel incident par lesquelles il demande l'annulation de ce même jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et qu'il a mis à sa charge la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : " Les praticiens contractuels mentionnés à l'article R. 6152-401 ne peuvent être recrutés que dans les cas et conditions suivants : (...) 4° Pour occuper, en cas de nécessité de service et lorsqu'il s'avère impossible d'opérer un tel recrutement en application des dispositions statutaires en vigueur, un poste de praticien à temps plein ou à temps partiel resté vacant à l'issue de chaque procédure statutaire de recrutement. Le contrat peut être conclu pour une période maximale de six mois renouvelable dans la limite d'une durée totale d'engagement de deux ans (...) II. - Un même praticien ne peut bénéficier de recrutements successifs en qualité de contractuel au titre d'un ou de plusieurs des alinéas ci-dessus que pour une durée maximale d'engagement de trois ans. " Aux termes de l'article R. 6152-403 du même code : " Les praticiens contractuels mentionnés à l'article R. 6152-401 peuvent également être recrutés pour assurer certaines missions spécifiques, temporaires ou non, nécessitant une technicité et une responsabilité particulières et dont la liste est définie par arrêté des ministres chargés du budget et de la santé. Le contrat peut être conclu pour une période maximale de trois ans, renouvelable par reconduction expresse. La durée des contrats conclus successivement ne peut excéder six ans. Si, à l'issue de la période de reconduction, le contrat du praticien est renouvelé sur le même emploi dans le même établissement, il ne peut l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ". L'article R. 6152-413-1 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable disposait que " Sans préjudice des dispositions de l'article R. 6152-413, le praticien contractuel qui bénéficie d'un contrat à durée indéterminée prévu à l'article R. 6152-403 peut être licencié, après avis de la commission médicale d'établissement ou, le cas échéant, de la commission médicale d'établissement locale. Le préavis est alors de trois mois. La décision de licenciement prononcée par le directeur est motivée. Le praticien a droit à une indemnité égale au montant des émoluments afférents au dernier mois d'activité, multiplié par le nombre d'années de services effectifs réalisées dans l'établissement concerné, dans la limite de douze (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 6152-418 du code de la santé publique : " Les dispositions du code du travail sont applicables aux praticiens contractuels en tant qu'elles sont relatives, à l'indemnité prévue à l'article L. 1243-8 du code du travail et aux allocations d'assurance prévues à l'article L. 5424-1 du code du travail. " L'article L. 1243-8 du code du travail dispose que : " Lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation (...) égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant. ".
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a été employée irrégulièrement comme praticien hospitalier contractuel par l'hôpital d'Angers, à partir du
6 septembre 2006 et pendant une période continue de près de 10 ans, dans le cadre d'un seul contrat, conclu le 5 septembre 2006 pour une durée non déterminée contrevenant aux dispositions de l'article R. 6152-402 alors en vigueur du code de la santé publique, qui limitent les cas et les durées d'emploi applicables à ces personnels, et plafonnent notamment à une durée maximale de trois ans les recrutements successifs d'un même praticien au sein d'un même établissement. Elle conteste les conditions dans lesquelles il a été mis fin par l'hôpital à ce contrat, constitutives selon elle d'un licenciement.
5. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment d'une lettre adressée par le CHU le
28 janvier 2016 à Mme A..., que celle-ci souhaitait une évolution de ses conditions d'emploi lui permettant de baisser à 40% d'un temps plein son emploi comme praticien hospitalier et de pouvoir être recrutée par la Société mutuelle d'assurance des professionnels de la santé (MACSF). Par un courrier du 25 mai 2016, Mme A... a elle-même demandé au CHU de ne plus assurer, à partir du 1er septembre 2016, la mission de coordinatrice des risques et déléguée à la qualité qu'elle assurait à l'hôpital depuis septembre 2004, tout en conservant son " rattachement comme praticien contractuel en CDI du CHU d'Angers mis à disposition de la structure d'appui Aquarel Santé à hauteur de deux jours par semaine (soit 40%) ", temps partiel lui permettant de " continu[er] d'exercer [s]es missions régionales outre la mission de conseiller scientifique de la SRAE [structure régionale d'appui et d'expertise] ", le déploiement de la simulation en santé et l'animation du DU/Mastère Gestion des risques ". C'est sur la base de ces orientations témoignant du souhait de Mme A... de dégager du temps pour d'autres activités que celles constituant l'essentiel, voire la totalité, de ses fonctions antérieures exercées au sein de l'hôpital d'Angers que cet établissement, d'une part, a mis un terme au contrat en cours signé avec l'intéressée le 5 septembre 2006, et, d'autre part, lui a proposé d'être recrutée à partir du
1er septembre 2016 sur des fonctions et selon une quotité horaire substantiellement redéfinies, dans le cadre des partenariats noués avec l'ARS et le réseau santé Aquarel. Le caractère volontaire et non imposé d'une telle réorientation professionnelle, qui doit être regardée comme ayant été opérée d'un commun accord, est corroboré, d'une part, par le fait que la décision de l'hôpital mettant un terme aux fonctions de Mme A... comme praticien contractuel à temps plein à compter du 1er septembre 2016, qui visait le contrat précédent, n'a pas été contesté par Mme A..., d'autre part, que celle-ci a signé le contrat de travail qui lui a été présenté le même jour, prenant exactement le relais du précédent sans discontinuité, et, enfin, que l'intéressée n'a pas remis en cause ses nouvelles modalités de collaboration avec le CHU avant octobre 2017, date à laquelle ces modalités, définies plus d'un an auparavant et dont il n'est pas démontré, ni même soutenu, que la requérante ne s'y serait pas conformée, ont elles-mêmes été remises en cause par son employeur. Il ne peut être considéré, dans ces conditions, que Mme A... aurait été licenciée dès le 30 juin 2016 de telle sorte qu'elle pourrait prétendre à une quelconque indemnité à ce titre.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'il a été mis fin unilatéralement par l'hôpital, avec prise d'effet au 31 décembre 2017, au contrat, qualifié par les parties elles-mêmes de contrat à durée indéterminée, conclu le 30 juin 2016 entre Mme A... et le CHU à partir du
1er septembre 2016 sur le fondement de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique, en raison, d'une part, de la décision de l'ARS de ne pas prolonger au-delà de la fin de l'année civile la convention de mise à disposition concernant Mme A..., et, d'autre part, du souhait du CHU de ne plus assurer le portage salarial de l'intéressée dans le cadre des missions qu'elle assurait pour le réseau Aquarel santé, structure régionale d'appui à la qualité et à la sécurité des soins. Une telle décision unilatérale du CHU, portant interruption d'un contrat de travail en cours, constitue de la part de l'hôpital, qui avait la qualité d'employeur de Mme A... et nonobstant la circonstance que les fonctions de l'intéressée consistaient en une mise à disposition de celle-ci auprès de structures de santé partenaires, un licenciement lui ouvrant droit aux garanties prévues en une telle hypothèse. Il est indifférent, sur ce point, que l'hôpital, sans que Mme A... puisse se prévaloir du principe de loyauté des relations contractuelles, ait été tenu de mettre un terme au contrat conclu, eu égard aux irrégularités dont celui-ci était entaché, une telle situation l'obligeant toutefois à proposer à l'agent concerné la régularisation de son contrat, ou celle de sa situation en lui proposant un autre emploi, et, en cas d'impossibilité, à le licencier, comme cela fut le cas en l'espèce.
7. D'une part, s'il est vrai qu'il ne résulte pas de l'instruction que des diligences auraient été effectuées par l'hôpital pour que celui-ci propose à Mme A..., comme il devait le faire, un reclassement lui permettant de conserver une quotité d'emploi équivalente à 40% d'un temps plein, il ne résulte pas de l'instruction qu'un quelconque préjudice financier ait résulté de ce manquement, Mme A... ayant retrouvé immédiatement un emploi à 80 %, conformément d'ailleurs à une réorientation professionnelle engagée depuis plusieurs mois.
8. D'autre part, Mme A..., qui n'a pas été recrutée comme praticien hospitalier contractuel pour occuper l'une des missions spécifiques figurant dans la liste définie par les ministres chargés du budget et de la santé, ne peut, pour ce motif, se prévaloir des dispositions des articles R. 6152-403 et R. 6152-413-1 du code de la santé publique, citées au point 2, qui prévoient le renouvellement pour une durée indéterminée du contrat de recrutement du praticien non titulaire occupant ces fonctions, après six ans d'exercice de celles-ci, et, par la suite, en cas d'interruption de ce contrat à l'initiative de l'employeur, le versement d'une indemnité de licenciement. De même, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyait expressément, dans sa situation particulière, à la différence des personnels non titulaires employés par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics hospitalier, à l'exception des médecins, le paiement d'une telle indemnité ainsi que les modalités de calcul de celle-ci. Il suit de là que les conclusions de Mme A... tendant au versement d'une indemnité de licenciement calculée conformément aux modalités fixées à l'article R. 6152-413-1 du code de la santé publique, c'est à dire en multipliant le montant des émoluments afférents au dernier mois d'activité par le nombre d'années de services effectifs réalisés dans l'établissement concerné, ne peuvent être accueillies.
9. Enfin, en ce qui concerne le délai de préavis auquel l'hôpital devait se conformer pour procéder au licenciement de Mme A..., celle-ci ne peut se prévaloir de la durée de trois mois prévue au deuxième alinéa de l'article R. 6152-413-1 du code de la santé publique, qui n'était pas applicable à sa situation. Il y a lieu de faire application du délai de préavis de deux mois stipulé au contrat signé par l'intéressée le 30 juin 2016 et qui, en l'espèce, a été respecté puisque Mme A... a été informée le 17 octobre 2017 d'un licenciement prenant effet au 31 décembre 2017.
10. En troisième lieu, la requérante d'apporte pas la preuve d'heures supplémentaires qu'elle aurait effectuées sans pouvoir les récupérer et n'est pas fondée, par suite, à en demander l'indemnisation.
11. En dernier lieu, toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, qu'hormis durant ses deux premières années d'emploi, entre le 8 septembre 2004 et le
4 septembre 2006, période au cours de laquelle il peut être considéré que Mme A... a travaillé sous couvert d'un contrat à durée déterminée de six mois tacitement renouvelé, l'intéressée a été constamment, durant plus de dix ans, employée de façon irrégulière par le centre hospitalier universitaire d'Angers, sous couvert de contrats à durée indéterminée dont le caractère irrégulier lui a assuré une fausse stabilité d'emploi, à laquelle l'hôpital a pu, pour ce motif, mettre un terme unilatéralement sans avoir à lui verser d'indemnité de licenciement, non prévue en une telle hypothèse. Mme A... n'a pas non plus bénéficié des indemnités de précarité prévues dans l'hypothèse, prévue par les textes, d'une succession de contrats à durée déterminée, dont peuvent bénéficier les praticiens hospitaliers contractuels par un renvoi par l'article R. 6152-418 du code de la santé publique à l'article L.1243-8 du code du travail. L'hôpital, qui avait la qualité d'employeur de la requérante bien que celle-ci ait été mise à disposition d'autres structures, ne justifie pas, une fois que les raisons d'être de ces mises à disposition ont disparu, de démarches actives au sein de ses propres services en vue de lui assurer un reclassement dans ses effectifs en interne à hauteur de 40% d'un temps plein, bien qu'il semble être intervenu en vain pour que le réseau Qualirel Santé, ex Aquarel santé, devenu son propre employeur, reprenne Mme A... comme salariée selon les mêmes modalités qu'antérieurement, soit pour 20% d'un temps plein. Dans ces conditions, et alors même que, de façon favorable, Mme A... a été maintenue dans les effectifs de l'hôpital pendant plus de 10 ans, en contrat à durée indéterminée, alors que les règles applicables ne lui permettaient ni de bénéficier d'un tel contrat, ni d'être employée par l'hôpital en qualité de médecin contractuel pendant une telle durée, la requérante, dont le licenciement intervenu le 17 octobre 2017 a mis un terme définitif à une relation de travail continue de plus de dix ans avec le même employeur, stipulée à durée indéterminée depuis 2006 et à laquelle le changement de contrat intervenu en 2016 n'a pas mis un terme, justifie d'un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 8 000 euros.
12. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de porter à une somme totale de 8 000 euros le montant de l'indemnité due par le CHU d'Angers à Mme A... et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
13. Mme A... a droit aux intérêts de la somme de 8 000 euros à compter du 30 janvier 2018, date de réception par l'administration de sa demande préalable. La capitalisation de ces intérêts ayant été demandée par la requérante dans son mémoire introductif de l'instance devant le tribunal administratif, enregistré le 4 avril 2018, les intérêts échus au 30 janvier 2019, date à laquelle une première année d'intérêts était due, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au CHU d'Angers de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il convient de mettre à la charge du CHU d'Angers la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 2 000 euros que le centre hospitalier universitaire d'Angers a été condamné à verser à Mme A... par le jugement du 9 novembre 2022 est portée à 8 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018. Les intérêts échus à la date du 30 janvier 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif du 9 novembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers versera la somme de 1 500 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions d'appel incident du centre hospitalier universitaire d'Angers sont rejetés.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier universitaire d'Angers.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03642