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21/05/2024 | FRANCE | N°23NT03813

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 21 mai 2024, 23NT03813


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée pour M. D... en qualité de conjoint de ressortissante française, ensuite, d'enjoind

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée pour M. D... en qualité de conjoint de ressortissante française, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer les visas sollicités dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire de réexaminer la situation de M. D... dans les mêmes conditions, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2216587 du 27 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2023 et 11 février 2024, M. C... D... et Mme A... B..., épouse D..., représentés par Me Rodrigues Devesas, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée pour M. D... en qualité de conjoint de ressortissante française ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de leur délivrer le visa sollicité dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérants d'une somme de 850 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à son conseil d'une somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- la décision de la commission de recours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'existence d'une menace à l'ordre public ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée le 29 décembre 2023 au ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B..., épouse D..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25 %) par une décision du 29 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme B..., ressortissants marocain et français, se sont mariés le 12 février 2022 à Chantonnay (85110 Vendée). M. D..., qui était retourné au Maroc, a demandé à l'autorité consulaire française à Rabat de lui délivrer un visa en qualité de conjoint de français. Par une décision du 8 août 2022, cette autorité lui a opposé un refus au motif que " son projet d'installation en France revêtait un caractère frauduleux car il est sans rapport avec l'objet du visa sollicité ". M. D... et son épouse ont alors saisi la commission de recours préalable contre les décisions de refus de visa d'entrée en France d'un recours préalable, reçu le 24 août 2022, dirigé contre la décision du 8 août 2022.

2. M. D... et son épouse, ont, le 19 décembre 2022, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Rabat et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de leur délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours, sous astreinte. Par un jugement du 27 octobre 2023, cette juridiction, après avoir accueilli la demande de substitution de motif demandée par le ministre de l'intérieur tirée de la menace à l'ordre public que représente M. D..., a rejeté leur demande. Mme et M. D... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. ". L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

4. Il ressort des pièces du dossier que les requérants qui se sont mariés le 12 février 2022 à Chantonnay (Vendée), justifient, notamment par la production d'un contrat de bail et d'avis d'imposition, d'une vie commune antérieure au mariage. Les éléments versés aux débats révèlent également une communauté de vie postérieure au mariage ressortant de nombreuses photos et voyages communs au couple. Le caractère frauduleux de l'union de M. D... et de Mme B... n'est ainsi, comme l'ont justement apprécié les premiers juges, en rien établi. S'il est constant que M. D... a fait l'objet le 17 juin 2020 d'une condamnation à quatre mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Troyes pour des faits de " violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ", il y a lieu de constater que les faits graves incriminés, commis le 1er mai 2016, sont isolés et remontaient à plus de six ans à la date de la demande de visa. Il n'est pas établi que M. D... représentait encore une menace pour l'ordre public à la date de la décision contestée, en l'absence de tout nouvel acte délictueux. C'est donc à tort que le tribunal a accueilli la substitution de motifs demandée par le ministre dans son mémoire en défense présenté le 24 juillet 2023 tirée de la menace à l'ordre public que représente M. D.... Les requérants sont, par suite, fondés à soutenir que la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'une erreur d'appréciation et doit, pour ce motif, est annulée.

5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que Mme et M. D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande dirigée contre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée pour M. D... en qualité de conjoint de ressortissante français.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. D... un visa de long séjour en qualité de conjoint de français dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rodrigues Devesas d'une somme de 1200 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2216587 du 27 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 8 août 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. D... un visa de long séjour en qualité de conjoint de français, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rodrigues Devesas une somme de 1200 euros hors taxes en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Rodrigues Devesas renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme A... B..., épouse D..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

C. VILLEROT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

23NT03813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03813
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;23nt03813 ?
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