Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions implicites par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leurs recours formés contre les décisions des autorités consulaires françaises à Alger refusant de leur délivrer un visa d'établissement en qualité de visiteur.
Par un jugement n° 2216432 du 30 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Bochnakian, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 octobre 2023 ;
2°) d'annuler les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, au ministre de l'intérieur de faire délivrer les visas sollicités en qualité de visiteur ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur demande de visa dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les décisions contestées, qui n'ont pas statué sur leur demande de visa en qualité de visiteur mais sur une demande de visa en qualité d'ascendants d'un ressortissant français, lesquels ne répondent pas aux mêmes conditions, sont entachées d'illégalité ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors qu'ils justifient, ainsi que leur fille chez qui ils seraient hébergés, de ressources financières suffisantes ;
- ils justifient de la nécessité d'un séjour de longue durée sur le territoire français en raison des refus de visas de court séjour qui leur ont été opposés et de la présence de plusieurs membres de leur proche famille en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants algériens, relèvent appel du jugement du 30 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leurs recours formés contre les décisions des autorités consulaires françaises à Alger refusant de leur délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.
3. Le mécanisme d'appropriation des motifs ne fait pas obstacle à ce que l'administration puisse faire valoir devant le juge un ou plusieurs autres motifs et que le juge fasse droit, dans les conditions de droit commun, à cette demande de substitution de motifs dès lors que celle-ci ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. La circonstance que l'administration puisse faire valoir un ou plusieurs autres motifs ne peut être regardée comme privant l'intéressé de la garantie que constituerait l'examen de son recours administratif préalable obligatoire.
4. Le 7 septembre 2022, M. et Mme B... ont contesté devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France les décisions du 2 août 2022 par lesquelles les autorités consulaires françaises à Alger ont rejeté leurs demandes de visas au motif que " les informations communiquées pour justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé [étaient] incomplètes et/ou [n'étaient] pas fiables ". Les accusés de réception de ces recours qui leur ont été adressés le 13 septembre 2022 mentionnent qu'en l'absence de réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois, les décisions implicites de rejet intervenues seraient réputées prises pour les mêmes motifs que les décisions consulaires. Dès lors, les décisions contestées sont réputées fondées sur le caractère incomplet et non fiable des demandes présentées par M. et Mme B....
5. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens (...) ; a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " (...). ". Aux termes de l'article 7 bis du même texte : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b) (...) - b) (...) aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ". Aux termes de l'article 9 de cet accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles (...) 7 (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité et un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. / Ce visa de long séjour accompagné des pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, sur les formulaires de demande de visa de long séjour enregistrés le 19 mai 2022, M. et Mme B... ont coché la case " établissement privé/visiteur " en précisant qu'ils seraient pris en charge en France par leur fille. A l'appui de cette demande, les intéressés ont produit un courrier en date du 18 mai 2022 adressé au consulat de France à Alger, dans lequel ils réitèrent leur souhait d'obtenir un visa en qualité de " visiteur ". Ils indiquaient solliciter ces visas pour des raisons familiales afin de pouvoir rendre visite à leurs deux enfants et assister aux préparatifs du mariage de leur fille, tout en ajoutant qu'ils avaient ensuite l'intention de retourner en Algérie où ils venaient d'acquérir un bien immobilier qu'ils envisageaient de réhabiliter. Le 2 août 2022, les autorités consulaires françaises à Alger ont rejeté leurs demandes en indiquant qu'elles avaient été présentées " en qualité d'ascendant d'un ressortissant de nationalité française ou de son conjoint ". Les accusés de réception de leurs recours présentés devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui leur ont été adressés le 13 septembre 2022, se bornent à mentionner qu'ils ont sollicité des visas de long séjour sans autres précisions. En première instance, le ministre de l'intérieur a demandé au tribunal de procéder à une substitution de motif, sans se prononcer sur le fondement des décisions rejetant les demandes de visa d'entrée en France litigieuses. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que ces décisions, qui ne statuent pas sur leurs demandes de visa en qualité de " visiteur ", lesquelles ne sont pas régies par les mêmes dispositions que les visas en qualité d'ascendant ainsi qu'il a été rappelé au point 5 et n'emportent pas les mêmes droits, sont entachées d'illégalité et doivent en conséquence être annulées à raison de ce motif.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant leurs demandes de visas de long séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt implique seulement, eu égard au motif qui le fonde, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire procéder au réexamen des demandes de visa de long séjour en qualité de " visiteur " présentées par M. et Mme B.... Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme B... de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2216432 du tribunal administratif de Nantes du 30 octobre 2023 ainsi que les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer des visas de long séjour à M. et Mme B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire procéder au réexamen des demandes de visa de long séjour présentées par M. et Mme B... en qualité de " visiteur " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B... une somme de 1 200 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... C..., épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2021.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
C. VILLEROT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03544