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03/05/2024 | FRANCE | N°23NT02354

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 03 mai 2024, 23NT02354


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'EARL de la Mouteillère a demandé au tribunal administratif de Nantes de constater l'inexécution par le préfet de la Mayenne du jugement n°1903641 du 10 mars 2022 et de définir les mesures appropriées à sa situation juridique actuelle afin de parvenir à l'exécution de cette décision de justice.



Par un jugement n° 23003619 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2023 et 12 février 2024, ce dernier n'ayant pas été ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL de la Mouteillère a demandé au tribunal administratif de Nantes de constater l'inexécution par le préfet de la Mayenne du jugement n°1903641 du 10 mars 2022 et de définir les mesures appropriées à sa situation juridique actuelle afin de parvenir à l'exécution de cette décision de justice.

Par un jugement n° 23003619 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2023 et 12 février 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'EARL de la Mouteillère, représentée par Me Chouquer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de constater l'inexécution par le préfet de la Mayenne du jugement n°1903641 du

10 mars 2022 rendu par le tribunal administratif de Nantes ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de prendre les mesures appropriées à sa situation juridique actuelle permettant d'assurer l'exécution de ce jugement en fixant, pour ce faire, un délai au-delà duquel une astreinte quotidienne par jour de retard sera prononcée. ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas respecté le délai de deux mois qui lui était imparti par le jugement pour réexaminer sa demande ;

- en exigeant, pour ce réexamen, qu'elle lui communique dans un délai de 14 jours, soit dans un délai ne permettant pas le respect de ce délai de deux mois, des documents qu'elle n'avait pas produits quatre ans auparavant, le préfet a lui-même rendu impossible l'exécution du jugement qui lui était demandée, commettant ainsi un détournement de procédure ;

- les actes intervenus après l'expiration du délai contraint de deux mois ne peuvent pallier l'inexécution du jugement prescrite à l'autorité administrative dans ce délai ;

- les écritures en défense produites pour le ministre de l'agriculture ne sont pas recevables, faute de justification de la délégation de signature consentie au signataire du mémoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête de l'EARL de la Mouteillère.

Il fait valoir que :

- son prédécesseur a procédé au réexamen de la situation de la requérante, comme le lui enjoignait l'article 2 du jugement n°1903641 du 10 mars 2022 dont l'exécution est demandée ;

- le tribunal ayant uniquement annulé la décision attaquée pour insuffisance de motivation en droit, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), il a procédé au réexamen de la demande de transfert des droits au paiement de base (DPB) ; ainsi, par courrier du 9 mai 2022, il a écrit à l'EARL requérante afin qu'elle complète son dossier pour pourvoir au réexamen de la demande de transfert de DPB ; en l'absence de réponse de l'EARL de la Mouteillère, il a, par décision du 1er août 2022, rejeté cette demande pour incomplétude du dossier en visant l'ensemble des dispositions juridiques applicables ; il s'ensuit qu'il doit être regardé comme ayant exécuté le jugement susmentionné.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL de la Mouteillère a déposé, le 15 mai 2018, auprès des services de la préfecture de la Mayenne, un formulaire " Clause C- transfert indirect " dans le cadre du transfert de droits à paiement de base (DPB) au titre de la campagne 2018. La surface concernée s'élevait, d'une part, à 9,694 hectares (ha) correspondant au bail conclu avec la SAFER et, d'autre part, à 223,2912 ha correspondant à la reprise des baux du GAEC du Grand Gennetay. Le 4 juin 2018, le préfet de la Mayenne a notifié à l'EARL de la Mouteillère la liste des pièces manquantes afin de procéder à l'instruction de sa demande, à savoir, les anciennes conventions de mise à disposition ou les conventions de fin de mise à disposition du cédant, les baux et conventions de mise à disposition du preneur, tout en précisant qu'à défaut de production des documents sollicités avant le 18 juin 2018, son dossier serait considéré comme irrecevable lors du paiement des aides. M. A..., gérant de l'EARL de la Mouteillère, a alors adressé aux services compétents de la préfecture cinq promesses de baux correspondant à la reprise de l'exploitation du Grand Gennetay. Toutefois, constatant que les conventions de mise à disposition du cédant ainsi que les baux définitifs ne lui avaient pas été transmis, le préfet de la Mayenne, par lettre de fin d'instruction du 27 décembre 2018, a signifié à l'EARL de la Mouteillère que seul le transfert des DPB découlant du bail signé avec la SAFER, pour une surface de 9,6940 ha, était accepté. En revanche, à défaut de production des pièces justificatives requises, le transfert pour le reste des surfaces, soit 223,2912 ha, était rejeté pour la campagne 2018. L'EARL requérante a alors formé un recours gracieux contre cette décision le 24 janvier 2019, lequel a été rejeté par une décision implicite de rejet, née le 25 mars 2019. Ces décisions ont été contestées au contentieux devant le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement n°1903641 du 10 mars 2022, a annulé la lettre de fin d'instruction du 27 décembre 2018 pour insuffisance de motivation en droit, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par l'EARL de la Mouteillère concernant sa demande de transfert de droits à paiement de base, et a enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la demande de transfert des droits aux paiements de base de l'EARL de la Mouteillère dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Estimant que ce jugement n'avait pas été exécuté, l'EARL de la Mouteillère a demandé au tribunal administratif, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète de la Mayenne de prendre les mesures qu'implique l'exécution du jugement du 10 mars 2022. Elle relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité du mémoire en défense du ministre :

2. La circonstance que le signataire du mémoire en défense présenté au nom de l'Etat, qui tend seulement au rejet de la requête présentée par l'EARL de la Mouteillière, n'aurait pas disposé d'une délégation régulière de signature est sans incidence sur la solution du litige.

Sur la demande d'exécution :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". L'article L. 911-2 du même code dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

4. D'autre part, l'article L. 911-4 du code de justice administrative dispose que : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". Aux termes de l'article R. 921-5 de ce code : " Le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-4, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes diligences qu'ils jugent utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande. / Lorsque le président estime qu'il a été procédé à l'exécution ou que la demande n'est pas fondée, il en informe le demandeur et procède au classement administratif de la demande. ". L'article R. 921-6 de ce code dispose : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle (...) / Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours. L'affaire est instruite et jugée d'urgence. Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet. ".

5. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le jugement faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà les mesures qu'il implique nécessairement en application de l'article

L. 911-2 du code de justice administrative, il appartient le cas échéant au tribunal administratif, saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du même code, d'en édicter de nouvelles en se plaçant à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le jugement du 10 mars 2022, après avoir considéré que l'annulation pour insuffisance de motivation de la lettre de fin d'instruction du 27 décembre 2018 impliquait nécessairement que le préfet de la Mayenne réexamine la demande de transfert des droits aux paiements de base de l'EARL de la Mouteillère, a enjoint à l'autorité administrative, à l'article 2 de son dispositif, de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois. Or il résulte de l'instruction que le préfet de la Mayenne a exécuté cette injonction et que la demande de l'EARL a fait l'objet d'une nouvelle décision défavorable du 1er août 2022, prise au motif du caractère incomplet du dossier présenté, qui a été notifiée à la requérante le 5 août 2022 et n'a pas été contestée en appel. A la date du 7 février 2023 à laquelle l'EARL a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande d'exécution de son jugement, celui-ci avait donc été entièrement exécuté. Et il ne résulte pas de l'instruction, par ailleurs, que le tribunal administratif de Nantes, qui ne pouvait remettre en cause l'injonction précédemment prescrite dans son jugement du 10 mars 2022 ni méconnaître l'autorité s'attachant aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui était demandée, aurait dû, en se plaçant à la date à laquelle il statuait, édicter de nouvelles mesures d'exécution de son jugement.

7. Il suit de là que l'EARL, qui ne saurait utilement se prévaloir, pour soutenir que le jugement précité du 10 mars 2022 n'aurait pas été exécuté, ni de ce qu'un délai trop bref lui aurait été imparti pour fournir des pièces, de sorte qu'un détournement de procédure devrait être constaté, ni de ce que le préfet de la Mayenne n'a pas respecté le délai de deux mois imparti par le jugement pour réexaminer sa demande de transfert de droits aux paiement de base, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à cette autorité administrative de définir les mesures d'exécution de son premier jugement.

Sur le surplus des conclusions :

8. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions de l'EARL à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EARL de la Mouteillère est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL de la Mouteillère et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera transmise à la préfète de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, présidente,

M. Vergne, président-assesseur,

Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02354
Date de la décision : 03/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CHOUQUER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-03;23nt02354 ?
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