La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2024 | FRANCE | N°23NT00467

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 23 avril 2024, 23NT00467


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 6 janvier 2020 par laquelle le directeur régional des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine a refusé de faire droit à sa demande de congés bonifiés ainsi que la décision du 25 février 2020 de la même autorité rejetant sa demande complétée de congés bonifiés, et la décision du 9 juin 2020 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2003015 du 22

décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 6 janvier 2020 par laquelle le directeur régional des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine a refusé de faire droit à sa demande de congés bonifiés ainsi que la décision du 25 février 2020 de la même autorité rejetant sa demande complétée de congés bonifiés, et la décision du 9 juin 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2003015 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2023, M. B..., représenté par Me Rabbé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 décembre 2022 ;

2°) d'annuler les décisions des 6 janvier, 25 février 2020 et 9 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, au directeur régional des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine de lui accorder un congé bonifié dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 310 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le droit d'un agent à bénéficier d'un congé bonifié doit être fondé uniquement sur les intérêts moraux et matériels qu'il conserve dans le département visé et non sur ceux qu'il possède en métropole ;

- l'appréciation de la légalité de la décision contestée doit tenir compte des éléments intervenus postérieurement à sa demande présentée initialement le 8 octobre 2019 ;

- il conserve des liens étroits avec son département d'origine qu'il souhaite rejoindre soit temporairement dans le cadre d'un congé bonifié, soit de manière plus durable au terme d'une mutation de sorte que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 78-399 du 20 mars 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., agent administratif principal devenu contrôleur, est affecté à la direction régionale des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine. Par une décision du 6 janvier 2020, le directeur de ce service a refusé de lui accorder le congé bonifié qu'il avait sollicité au titre de l'année 2020 pour se rendre dans le département de Mayotte où il est né au motif que le centre de ses intérêts moraux et matériels ne s'y trouvait plus. Par deux décisions des 25 février et 9 juin 2020, sa demande complétée ainsi que son recours gracieux dirigé contre ces décisions ont été rejetés. M. B... relève appel du jugement du 22 décembre 2022, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulations des décisions contestées :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 20 mars 1978 relatif à la prise en charge des frais de voyage du congé bonifié accordé aux magistrats, aux fonctionnaires civils de l'Etat et aux agents publics de l'Etat recrutés en contrat à durée indéterminée, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions contestées : " Les dispositions du présent décret s'appliquent (...) aux fonctionnaires relevant du statut général des fonctionnaires de l'Etat qui exercent leurs fonctions : (...) b) Sur le territoire européen de la France si leur lieu de résidence habituelle est situé dans un département d'outre-mer. ". Aux termes de l'article 3 du même texte : " Le lieu de résidence habituelle est le territoire européen de la France ou le département d'outre-mer où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels de l'intéressé.". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Les personnels mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier, dans les conditions déterminées par le présent décret, de la prise en charge par l'Etat des frais d'un voyage de congé, dit A... bonifié. ". Selon l'article 9 de ce texte : " La durée minimale de service ininterrompue qui ouvre à l'intéressé le droit à un congé bonifié est fixée à trente-six mois. ".

3. Il résulte des dispositions précitées qu'il incombe aux agents demandant à bénéficier de congés bonifiés d'apporter les éléments permettant d'établir qu'ils ont leur " résidence habituelle ", c'est-à-dire le centre de leurs intérêts matériels et moraux, dans un département d'outre-mer. Pour apprécier la localisation du centre des intérêts matériels et moraux d'un fonctionnaire, il peut être tenu compte de son lieu de naissance, du lieu où se trouvent sa résidence et celle des membres de sa famille, du lieu où le fonctionnaire est soit propriétaire ou locataire de biens fonciers, soit titulaire de comptes bancaires, de comptes d'épargne ou de comptes postaux, ainsi que d'autres éléments d'appréciation parmi lesquels le lieu du domicile avant l'entrée dans la fonction publique de l'agent, celui où il a réalisé sa scolarité ou ses études, la volonté manifestée par l'agent à l'occasion de ses demandes de mutation et de ses affectations ou la localisation du centre des intérêts moraux et matériels de son conjoint ou partenaire au sein d'un pacte civil de solidarité. Cette localisation s'apprécie à la date de la décision prise sur chaque demande d'octroi du congé bonifié. Il incombe ainsi à l'administration d'apprécier le droit d'un agent à bénéficier de congés bonifiés sur la base d'un faisceau d'indices. La circonstance que le fonctionnaire a déjà bénéficié d'un tel congé est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

4. En premier lieu, si les décisions contestées rappellent notamment la présence de M. B... sur le territoire européen de la France depuis 2007, le fait qu'il y a conclu un pacte civil de solidarité, que sa fille y soit née en 2019, et qu'il y est imposable, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur régional des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine s'est fondé sur ces critères pour rejeter sa demande. En effet, ces décisions ne rappellent ces éléments que pour souligner que depuis 2007, l'intéressé ne s'est rendu à Mayotte qu'à deux reprises en 2011 et 2014, et n'a exprimé le souhait ni d'être nommé en priorité à Mayotte à l'issue du concours d'agent administratif, ni par la suite d'y être muté, avant qu'il ne présente sa demande de congés bonifiés en 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que ces décisions seraient entachées d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est né à Mayotte le 5 novembre 1987 et que ses parents, décédés en 2014 et 2017, y sont inhumés. L'intéressé y a suivi sa scolarité jusqu'au baccalauréat avant de poursuivre, à compter du mois de septembre 2007, ses études universitaires en métropole où il a obtenu un master en 2014-2015. Au cours de ces dernières années, M. B... a exercé certaines fonctions en mairie ou dans un lycée au titre du service civil. Lors de sa réussite au concours d'agent administratif des finances publiques, il a exprimé le choix d'être affecté en priorité dans les départements bretons et seulement en 13ème choix à Mayotte. Affecté à la DDFIP de Seine-Saint-Denis du 12 juin 2017 au 31 août 2019, il a obtenu sa mutation à la DRFIP Bretagne Ille-et-Vilaine à compter du 1er septembre 2018. Si l'intéressé se prévaut de sa demande mise à disposition du centre de service partagé interministériel de Mayotte présentée au cours du mois de janvier 2020, alors que sa demande de congés bonifiés déposée le 8 octobre 2019 avait été rejetée par une première décision intervenue le 6 janvier 2020, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier qu'il avait effectué la même demande pour la Martinique et la Guadeloupe. M. B... fait valoir par ailleurs qu'il figure sur une liste électorale à Mayotte. S'il justifie d'un vote par procuration aux élections du mois de mars 2020, il est toutefois constant qu'à cette date plusieurs décisions de refus opposés à sa demande soulignaient que le centre de ses intérêts moraux et matériels ne se trouvait plus sur ce territoire. Il n'est en revanche pas contesté que la mère de son enfant, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 11 janvier 2018 et qui vit avec lui en Bretagne, est également née à Mayotte, et que ses frères et sœurs, issus d'une précédente union, résident sur cette île. Si l'intéressé invoque le manque de moyens financiers ne lui permettant pas de se rendre plus régulièrement à Mayotte, il ne justifie depuis 2007 que de deux voyages dans cette île, la première fois en 2011 dans le cadre d'une prise en charge au titre du " passeport mobilité études " et en 2014 pour assister aux obsèques de sa mère. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le centre des intérêts moraux et matériels de M. B... ne peut être regardé comme se situant à Mayotte. Par suite, en rejetant sa demande de congés bonifiés, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine n'a pas entaché ses décisions d'erreur d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs, ses conclusions à fin d'injonction présentées en appel doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 avril 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00467
Date de la décision : 23/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : RABBE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-23;23nt00467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award