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12/04/2024 | FRANCE | N°24NT00114

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 12 avril 2024, 24NT00114


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 du préfet du Morbihan portant refus de titre de séjour.



Par un jugement n° 2304705 du 20 novembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet du Morbihan de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de

1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 du préfet du Morbihan portant refus de titre de séjour.

Par un jugement n° 2304705 du 20 novembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet du Morbihan de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 janvier 2024 et le 14 mars 2024, le préfet du Morbihan demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 novembre 2023 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé son arrêté du 4 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de cet arrêté.

Il soutient que la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2024, M. A..., représenté par

Me Rajjou, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc, né le 18 mai 1974, est entré en France le 9 janvier 2002. Marié avec une ressortissante française le 26 octobre 2002, M. A... s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire valable du 2 juin 2003 au 1er juin 2005, puis une carte de résident de dix ans, valable jusqu'au 1er juin 2015. Par un arrêt en date du 13 octobre 2008, la cour d'appel de Rennes a prononcé la nullité de ce mariage, estimant que M. A... n'avait d'autre intention que d'obtenir un titre de séjour grâce à cette union afin de régulariser sa situation administrative et pour entretenir sa famille restée en Turquie et plus particulièrement une ressortissante turque avec qui l'intéressé a contracté mariage en 2006. Après un avis de la commission du titre de séjour en date du 16 novembre 2011, favorable au retrait de sa carte de résident, M. A... s'est vu retirer cette carte le 31 décembre 2013. Son épouse, de nationalité turque, ayant obtenu le statut de réfugié puis ayant refusé ce statut par la suite mais étant en situation régulière, la situation administrative de l'intéressé a été régularisée par la délivrance de différentes cartes de séjour valables jusqu'au 30 décembre 2018. Le casier judiciaire de

M. A... révélant, à l'occasion du renouvellement de son titre de séjour, une condamnation de ce dernier à payer une amende de 5 000 euros dont 2 000 euros avec sursis pour emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié et exécution d'un travail dissimulé, le préfet du Morbihan a, par une décision en date du 19 juin 2020, rejeté sa demande de titre de séjour. M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 28 juillet 2022. Après un avis défavorable à l'octroi d'un tel titre de séjour rendu par la commission des titres de séjour réunie le 1er juin 2023, le préfet du Morbihan a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour de M. A... par un arrêté du 4 juillet 2023. Par un jugement du 20 novembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté. Le préfet du Morbihan relève appel de ce jugement.

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... réside sur le territoire français depuis plus de vingt ans, et qu'il y a séjourné durant dix-sept années en situation régulière, en dépit du fait qu'il s'est vu retirer sa carte de résident le 31 décembre 2013 après avis favorable de la commission du titre de séjour. L'intéressé, qui a été simultanément marié à deux femmes différentes durant cinq années, a vu son premier mariage, avec une ressortissante française, être annulé et vit désormais avec son épouse, Mme C..., ressortissante turque résidant en France en situation régulière, avec laquelle il a contracté mariage en 2006, et avec laquelle il a eu trois enfants, nés en 2010, 2012 et 2017 et scolarisés à Lorient. Dès lors, alors même que M. A... a fait l'objet d'une condamnation pénale pour exécution d'un travail dissimulé et emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail par un jugement rendu le 5 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Lorient, l'intéressé doit être regardé, compte tenu de la durée de présence en France en situation régulière, comme ayant établi des liens suffisamment intenses, anciens et stables sur le territoire français. Dans ces conditions, compte tenu de la vie commune établie depuis 2006, le préfet du Morbihan a, en prenant l'arrêté en litige, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Il résulte de ce qui précède que le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté en litige du 4 juillet 2023.

4. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. A... de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Morbihan est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

La présidente-rapporteure,

C. BRISSON

Le président-assesseur,

G-V. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT001142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00114
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : RAJJOU

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;24nt00114 ?
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