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12/04/2024 | FRANCE | N°24NT00020

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 12 avril 2024, 24NT00020


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Sarthe lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office.



Par un jugement nos 2207185, 2302631 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



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Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2024, M. B... A..., représenté par Me Rodrigues Devesas, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Sarthe lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office.

Par un jugement nos 2207185, 2302631 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2024, M. B... A..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 du préfet de la Sarthe ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, et subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai et dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son avocate sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet de la Sarthe a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en remettant en cause son état civil ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre dont elle procède ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2024, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant malien né le 10 janvier 2003, est entré en France en 2019. Il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance de la Loire-Atlantique en qualité de mineur non accompagné sur ordonnance du juge des tutelles. A sa majorité, il a sollicité un titre de séjour. Par un arrêté du 12 janvier 2023, le préfet de la Sarthe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office. M. A... relève appel du jugement du 28 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2023.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".

3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis dans le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet de la Sarthe a estimé, en se fondant sur un rapport de la police de l'air et des frontières, que les documents d'état-civil présentés par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour, soit un extrait d'acte de naissance, un extrait de jugement supplétif et une carte consulaire, ne permettaient pas de justifier de son état civil.

5. Afin de justifier de son identité et de son état civil, M. A... produit un extrait de son acte de naissance n° 034 du 26 mars 2009, le volet n° 3 de cet acte de naissance, ainsi qu'un extrait du jugement supplétif du tribunal civil de la justice de paix à compétence étendue de Kolondieba n° 198 du 25 mars 2009 en transcription duquel son acte de naissance a été établi. La cellule compétente de la police aux frontières a conclu à l'illégalité pour contrefaçon de l'acte de naissance produit en relevant que le document présente une faute d'orthographe évidente à hauteur de la mention pré-imprimée " OFFIER " apposée sur la marge verticale de l'acte. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'extrait du jugement supplétif comporte également une faute d'orthographe évidente dans son titre, comportant le mot " GRREFFE ". Le jugement supplétif complet n'est pas produit. Au regard de l'ensemble de ces sérieuses anomalies, et malgré la production par l'intéressé d'une carte consulaire, le préfet de la Sarthe n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que M. A... ne justifiait pas de son état civil.

6. En deuxième lieu, eu égard au motif du refus de titre de séjour retenu par le préfet de la Sarthe, tiré de ce que les documents produits ne permettent pas de justifier de l'état civil de M. A..., contrairement aux exigences de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le requérant ne peut utilement soutenir que l'autorité administrative aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou sur celui de l'article L. 435-1 du même code.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., célibataire et sans enfant, est entré en France en février 2019, soit quatre ans avant l'intervention de l'arrêté litigieux. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance de la Sarthe et a préparé dans ce cadre un CAP cuisine en alternance. L'employeur avec lequel il a conclu un contrat d'apprentissage du 10 mars 2020 au 4 mars 2022 atteste de son sérieux et a émis le souhait de l'embaucher à la fin de sa formation d'apprenti. Toutefois, alors que M. A... ne justifie pas d'attaches personnelles ou familiales particulières sur le territoire français, ces circonstances ne permettent pas de considérer que le refus titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, l'illégalité du refus de titre de séjour n'étant pas établie, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de la mesure d'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

10. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point 8, les moyens tirés de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. A... et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Lellouch, première conseillère ;

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

Le président,

G.-V. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00020
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;24nt00020 ?
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