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12/04/2024 | FRANCE | N°23NT03794

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 12 avril 2024, 23NT03794


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination il est susceptible d'être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2304613 du 21 novembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée les 20 décembre 2023, M. C..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination il est susceptible d'être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2304613 du 21 novembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée les 20 décembre 2023, M. C..., représenté par Me Maral, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 novembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa requête ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant nigérian né le 1er octobre 1984, est entré en France le 18 août 2004 sous couvert d'un visa " étudiant ". Il a bénéficié d'un titre de séjour temporaire en cette même qualité jusqu'au 23 septembre 2009. Par un arrêté du 14 octobre 2009, le préfet du Tarn a rejeté sa demande de changement de statut pour obtenir un titre de séjour en qualité de salarié et a assorti ce refus d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. M. B... s'est finalement vu délivrer un titre de séjour en qualité de " salarié " le 17 juillet 2013, renouvelé jusqu'au 30 juillet 2019. Il a sollicité le 22 juillet 2022 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du 21 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet

d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. B... entend mettre en cause la régularité du jugement attaqué en soutenant que les premiers juges auraient entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas en compte l'ensemble de son insertion personnelle et professionnelle, un tel moyen tend en réalité à remettre en cause l'appréciation des premiers juges et ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de la régularité du jugement.

Sur le refus de titre de séjour :

3. Pour refuser à M. B... la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet d'Ille-et-Vilaine lui s'est fondé, d'une part, sur ce que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public et, d'autre part, sur ce que son parcours sur le territoire français, et notamment l'expérience professionnelle dont il justifie, ne permet pas de caractériser des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail au sens des dispositions de l'article L. 435-1.

4. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation que M. B... reprend en appel sans apporter d'élément nouveau peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...). " L'article L. 432-1 de ce même code prévoit que " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été d'abord condamné le 11 décembre 2014 par le tribunal correctionnel de Toulouse à une peine de deux mois d'emprisonnement et d'interdiction du territoire français pendant trois ans pour soustraction à une mesure d'éloignement. Si ces faits sont anciens et si l'intéressé a obtenu en 2018 le relevé de cette interdiction du territoire et l'absence d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, M. B... a également été condamné par la cour d'appel de Douai le 5 janvier 2021 à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant dix-huit mois pour des faits de violences volontaires avec arme n'ayant pas entraîné d'incapacité temporaire de travail commis le 25 octobre 2018. L'intéressé a exposé, tant devant la commission du titre de séjour qu'au cours de l'audience, s'être rendu, armé, au domicile des parents de deux jeunes pour récupérer l'argent liquide que ces derniers lui auraient dérobé. Le procès-verbal des délibérations de la commission du titre de séjour fait état d'autres procédures pénales dans lesquelles M. B... a été mis en cause, notamment pour des faits d'escroquerie et de menaces, et l'ensemble des éléments défavorables recueillis sur le comportement de M. B... a conduit la commission à émettre un avis défavorable à la régularisation de l'intéressé en raison d'un risque de trouble à l'ordre public. Eu égard notamment à la gravité des faits de violence avec arme commis, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que la présence en France de M. B... représentait une menace pour l'ordre public.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Et aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. "

8. M. B... fait valoir qu'il séjourne en France depuis 2004, soit depuis près de vingt ans. Il ressort plus précisément des pièces du dossier qu'il y a résidé en qualité d'étudiant du 18 août 2004 au 23 septembre 2009, période au cours de laquelle il a seulement obtenu un diplôme d'études universitaires générales (DEUG) de biologie, en raison, selon ses déclarations, de difficultés matérielles l'ayant obligé à travailler. Il a ensuite fait l'objet, le 14 octobre 2019, d'une obligation de quitter le territoire français, à laquelle il s'est soustrait volontairement, et, après s'être ainsi maintenu irrégulièrement sur le territoire français, il a été admis à titre exceptionnel au séjour en qualité de salarié du 17 juillet 2013 au 16 juillet 2015, puis du 2 août 2016 au 30 juillet 2019. M. B... n'a pas retiré la dernière carte de séjour temporaire dont il était titulaire du 31 juillet 2018 au 30 juillet 2019, période au cours de laquelle il a commis le délit de violences avec arme n'ayant pas entrainé d'incapacité, pour lequel il a été condamné par la cour d'appel de Douai le 5 janvier 2021 à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis probatoire le soumettant à des obligations de travail et d'indemnisation des victimes et à une interdiction de détenir une arme. M. B..., qui s'est ainsi maintenu de manière irrégulière sur le territoire d'août 2009 à janvier 2013 et d'août 2019 à juillet 2022, est célibataire et sans enfant et il ne justifie pas, malgré les attestations qu'il produit, de liens personnels d'une particulière intensité sur le territoire français. Il a démarré une activité en tant qu'auto-entrepreneur depuis le 1er septembre 2022, pour laquelle il n'apporte pas, néanmoins, d'informations sur les résultats obtenus ou les perspectives, justifiant en revanche, pour les années précédentes, d'une importante expérience professionnelle en France dans les domaines de la sécurité, de l'entretien et du ménage, et de la mécanique, qui lui a permis de valider 60 trimestres de travail entre 2006 et 2020. Toutefois, son parcours professionnel et l'ancienneté de son séjour en France ne suffisent pas, compte tenu des considérations d'ordre public retenues à bon droit par le préfet, et en l'absence de justification de liens personnels et familiaux sur le territoire, pour considérer que son insertion dans la société française serait telle que le refus de séjour litigieux porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés d'une inexacte application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, dès lors, être écartés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen particulier que M. B... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

10. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'inexacte application du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. En premier lieu, l'illégalité du refus de titre et de l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de ces décisions ne peut qu'être écarté.

12. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales peut être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent être annulées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Lellouch, première conseillère ;

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

Le président,

G.-V. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03794
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MARAL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;23nt03794 ?
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