Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2301486 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 octobre 2023 et le 27 octobre 2023, M. D..., représenté par Me Baudet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler cet arrêté du 6 décembre 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de quarante-huit heures à compter de cette notification ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'une saisine de la commission du titre de séjour dès lors qu'il remplissait les conditions de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade et qu'il justifie résider en France depuis plus de dix ans ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas produit le rapport médical établi par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et que l'avis de l'Office ne permet pas de connaître les conditions dans lesquelles le collège des médecins a rendu cet avis ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23, L. 425-9 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2023.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., né le 27 septembre 1989, de nationalité arménienne, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile sous l'identité de M. B... C.... Par une décision du 31 mars 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 juillet 2011. L'intéressé, qui déclare être revenu en France le 17 décembre 2017, a fait l'objet d'un arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, le 11 avril 2017. Le tribunal administratif de Rennes, le 24 avril 2017, puis la cour administrative d'appel de Nantes, le 8 décembre 2017, ont rejeté les demandes présentées par l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté. M. D... n'a pas exécuté la décision d'éloignement, et a sollicité, le 11 avril 2019, un titre de séjour pour raisons de santé. Il s'est vu délivrer un tel titre, valable à compter du
7 août 2019. L'intéressé a demandé le renouvellement de son titre de séjour auprès du préfet d'Ille-et-Vilaine le 3 mai 2022. Par un arrêté du 6 décembre 2022, le préfet a refusé à
M. D... le renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 16 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni aucune autre disposition n'impose la communication du rapport médical au demandeur d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade préalablement à l'édiction d'une décision lui refusant un titre.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l'avis de l'Office ne permet pas de connaître les conditions dans lesquelles le collège des médecins a rendu cet avis n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de destination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort des pièces du dossier que par un avis 9 août 2022, sur lequel s'est fondé le préfet d'Ille-et-Vilaine pour prendre l'arrêté litigieux, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de soins de ce pays et que son état de santé lui permet d'y voyager sans risque.
6. M. D..., qui souffre d'une cirrhose hépatique nécessitant un suivi régulier et un traitement antiviral à vie, soutient que le médicament qui lui est prescrit, le " Baraclude", n'est pas disponible en Arménie, et se prévaut sur ce point, non seulement des précédents avis du collège de médecins de l'OFII des 7 août 2019 et 13 octobre 2020, mais également de documents et certificats médicaux, remontant aux années 2016, 2019, 2021 et 2022, et dont le plus récent est daté du 26 juin 2023. L'intéressé produit, en outre, une attestation du 12 janvier 2023 du ministère de la santé arménien indiquant que le " Baraclude (Entécavrir) " n'est pas importé en Arménie. Toutefois, l'ensemble de ces éléments n'est pas suffisamment probant pour remettre en cause l'analyse du collège des médecins de l'OFII selon laquelle, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, dès lors notamment qu'il n'est pas établi qu'un substitut au traitement antiviral de M. D... à base de " Baraclude " ne serait pas disponible dans son pays d'origine, et que seul ce médicament serait compatible avec l'état de santé du requérant. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, en obligeant M. D... à quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En quatrième lieu, M. D..., qui a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en sa qualité d'étranger malade, n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23, relatif à la vie privée et familiale, et L. 435-1, relatif à l'admission exceptionnelle au séjour, du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait entendu examiner sa demande au regard de ces dispositions. Par suite, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de leur méconnaissance.
8. En cinquième lieu, M. D..., qui ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut se prévaloir utilement de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit la consultation de la commission du titre de séjour dans les hypothèses qu'il prévoit. En outre, l'intéressé, qui n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet avait obligation de consulter la commission du titre de séjour en raison de sa présence en France depuis plus de dix ans. Le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté comme inopérant.
9. En sixième lieu, la décision refusant d'accorder un titre de séjour à M. D... n'étant pas annulée par le présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence doit être écarté.
10. En septième lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de ce que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées et n'ont pas été précédées d'un examen suffisant de la situation de M. D..., de la méconnaissance, par ces décisions, des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON
Le président-assesseur,
G-V. VERGNE
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT030882