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12/04/2024 | FRANCE | N°23NT01084

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 12 avril 2024, 23NT01084


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Kerhuel a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet de la région Bretagne a autorisé l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) de Kerlouaver à exploiter des parcelles situées à Bourbriac (Côtes-d'Armor), d'une surface de 9 hectares 60 ares et 20 centiares.



Par un jugement n°2101892 du 13 février 2023, le tribunal admin

istratif de Rennes a annulé l'arrêté du 22 février 2021.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Kerhuel a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet de la région Bretagne a autorisé l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) de Kerlouaver à exploiter des parcelles situées à Bourbriac (Côtes-d'Armor), d'une surface de 9 hectares 60 ares et 20 centiares.

Par un jugement n°2101892 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 22 février 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2023, l'EARL de Kerlouaver, représentée par

Me Leroy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°2101892 du 13 février 2023 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande du GAEC de Kerhuel devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge du GAEC de Kerhuel la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a jugé que la décision contestée était entachée d'une erreur de fait et de droit, dès lors que, si le congé pour reprise délivré au GAEC de Kerhuel a été contesté par ce dernier devant le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Guingamp, lequel a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'obtention par l'EARL de Kerlouaver d'une autorisation d'exploiter définitive, il n'a pas été annulé ;

- le préfet de la région Bretagne n'a commis aucune erreur d'appréciation, en lui reconnaissant un rang de priorité n° 4.2 au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles ;

- il n'avait pas besoin d'une autorisation préalable pour exploiter les terres en litige, dès lors qu'il remplissait les conditions prévues au II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime pour bénéficier du régime dérogatoire de la déclaration préalable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2023, le GAEC de Kerhuel, représenté par Me Guillois, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'EARL de Kerlouaver au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'EARL de Kerlouaver ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire s'en remet à la sagesse de la cour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., propriétaire de trois parcelles d'une superficie totale de 9 hectares 60 ares et 20 centiares sur la commune de Bourbriac (Côtes-d'Armor), a fait signifier, le 26 janvier 2018, un congé pour reprise de ces parcelles au 29 septembre 2019 à M. et Mme A... qui les exploitaient en leur qualité de titulaires du bail. Ce congé était motivé par le souhait de cette propriétaire de faire exploiter ces parcelles par son fils, M. B..., ainsi que par l'EARL de Kerlouaver, au sein duquel ce dernier est associé. L'EARL avait auparavant déposé, le

29 septembre 2017, une demande d'autorisation d'exploiter ces terres, qui avait été rejetée, par une décision du 12 décembre 2017, au motif que cette demande relevait d'un rang de priorité inférieur à celui du GAEC de Kerhuel, au sein duquel exercent les époux A..., au regard des critères édictés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Bretagne. L'EARL de Kerlouaver a déposé le 29 janvier 2018 un recours gracieux contre cette décision en se prévalant de la nécessité de rétablir son plan d'épandage et de la priorité 9-5 du SDREA. Par une décision du 21 mars 2018, le préfet de la région Bretagne a alors retiré sa décision du 12 décembre 2017 et délivré à l'EARL de Kerlouaver l'autorisation d'exploiter les parcelles en litige. Le GAEC de Kerhuel a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 21 mars 2018 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement du 1er février 2021 devenu définitif, le tribunal a fait droit à cette demande. Au cours de l'instance, l'EARL de Kerlouaver avait déposé, le 16 septembre 2020, une demande d'autorisation d'exploiter les terres en litige dans le but de leur reprise. Par un arrêté du 22 février 2021, le préfet de la région Bretagne lui a accordé l'autorisation demandée. Le GAEC de Kerhuel a demandé au tribunal d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 13 février 2023, dont l'EARL de Kerlouaver relève appel, le tribunal a fait droit à cette demande.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " I. -Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) / II.-Les opérations soumises à autorisation en application du I sont, par dérogation à ce même I, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies : / 1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au a du 3° du I ; / 2° Les biens sont libres de location ; / 3° Les biens sont détenus par un parent ou allié, au sens du premier alinéa du présent II, depuis neuf ans au moins ; / 4° Les biens sont destinés à l'installation d'un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l'exploitation du déclarant, dès lors que la surface totale de celle-ci après consolidation n'excède pas le seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du II de l'article L. 312-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 411-58 du même code : " Le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé. (...). / Si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre III du livre III relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, le tribunal paritaire peut, à la demande d'une des parties ou d'office, surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive. (...) / Lorsque le sursis à statuer a été ordonné, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle l'autorisation devient définitive. (... ) ".

3. Le préfet de la région Bretagne s'est fondé, pour autoriser l'EARL de Kerlouaver à exploiter les parcelles en litige, sur la circonstance que le GAEC de Kerhuel n'était pas preneur en place, et ne pouvait donc pas se prévaloir du rang de priorité 1 défini à l'article 3 du SDREA de Bretagne pour cette catégorie d'exploitants, dès lors que le congé pour reprise du bail rural au 29 septembre 2019 qui lui avait été signifié était devenu définitif, faute pour le groupement de l'avoir contesté. Or il ressort, au contraire, des pièces du dossier que ce congé a fait l'objet d'une contestation devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Guingamp, qui, par un jugement du 19 septembre 2019, a sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal administratif sur le recours du GAEC contre la décision préfectorale du 21 mars 2018 autorisant l'EARL à exploiter les mêmes parcelles. Cette décision de sursis à statuer prise par le tribunal paritaire des baux ruraux a été confirmée par une ordonnance du premier président de la cour d'appel de Rennes du 24 décembre 2019. A la date de la décision contestée, le bail en litige avait dès lors été prorogé en vertu des dispositions précitées de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime. Ainsi, le préfet de la région Bretagne a commis une erreur de fait qui a déterminé le sens de la décision qu'il a prise en relevant que ce congé pour reprise était devenu définitif ainsi qu'une erreur de droit en considérant que le GAEC de Kerhuel ne pouvait se prévaloir du rang de priorité 1 en sa qualité de preneur en place.

4. Il résulte de ce qui précède que l'EARL de Kerlouaver n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 22 février 2021 lui accordant l'autorisation demandée.

Sur les frais de l'instance :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge du GAEC de Kerhuel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EARL de Kerlouaver demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de

l'EARL de Kelouaver la somme que demande le GAEC de Kerhuel au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EARL de Kerlouaver est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le GAEC de Kerhuel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise agricole à responsabilité limitée de Kerlouaver, au groupement agricole d'exploitation en commun de Kerhuel et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

Le rapporteur

X. CATROUXLe président

G.-V. VERGNE

Le greffier

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01084
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : KOVALEX

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;23nt01084 ?
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