Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 24 juillet 2019 par laquelle la ministre des armées a implicitement rejeté sa demande tendant à l'attribution de la protection fonctionnelle, la décision implicite née le 19 novembre 2019 rejetant son recours gracieux et la décision expresse du 1er septembre 2022 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande de protection fonctionnelle.
Par un jugement n° 1906558 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 décembre 2022, 7 mars 2024 et 20 mars 2024 (ce dernier non communiqué), M. B... E..., représenté par Me Lagadec, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 octobre 2022 ;
2°) d'annuler les décisions implicites des 24 juillet 2019 et 19 novembre 2019 et la décision expresse du 1er septembre 2022 rejetant sa demande de protection fonctionnelle ;
3°) d'enjoindre au ministre des armées de faire droit à sa demande en lui accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du ministre des armées la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés en première instance et la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions en litige portant refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle méconnaissent l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dès lors, d'une part, qu'il a fait l'objet de poursuites pénales engagées à la suite d'un examen médical réalisé à la demande de son administration, d'autre part, que sa convocation par les services de la gendarmerie en vue de son audition a provoqué chez lui une anxiété manifeste constitutive d'une " atteinte volontaire à l'intégrité de la personne " et, de troisième part, qu'il a été victime d'une violation du secret médical à l'occasion de ses fonctions d'agent public ;
- la décision du 1er septembre 2022 est entachée de l'incompétence de sa signataire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2009-1179 du 5 octobre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellouch,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a intégré le corps des ingénieurs d'étude et de fabrication du ministère des armées le 15 février 2006. Il a exercé à compter du 1er novembre 2008 les fonctions de chef de projet à la direction F... à Brest. Victime d'un accident de service le 12 novembre 2012, M. E... a été placé en congé de maladie imputable au service. La prolongation de ses arrêts de travail et la question de leur imputabilité au service et d'une éventuelle consolidation de l'état de santé de M. E... ont justifié la consultation à plusieurs reprises des instances médicales compétentes et la réalisation d'expertises. A l'occasion d'un examen réalisé à la demande de l'administration, un différend s'est élevé entre M. E... et le Docteur D..., médecin psychiatre qui l'avait examiné, le premier saisissant le conseil de l'ordre des médecins d'une plainte pour des faits de maltraitance psychologique à l'encontre du second et celui-ci déposant plainte pour " accusation de dénonciation calomnieuse " à l'encontre de M. E.... Informé de cette plainte, ce dernier a sollicité, le 20 mai 2019, auprès du ministre de la défense, le bénéfice de la protection fonctionnelle. Cette demande a été implicitement rejetée, et ce refus a été implicitement confirmé sur recours gracieux de l'intéressé. M. E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces décisions. En cours d'instance, par une décision expresse du 1er septembre 2022, le ministre des armées a refusé à M. E... le bénéfice de la protection fonctionnelle. M. E... relève appel du jugement du 20 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision, qui s'est substituée aux décisions implicites de rejet précédemment intervenues.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) / 2° Les chefs de service (...) ". En vertu de l'article 19 du décret du 5 octobre 2009 fixant les attributions et l'organisation du secrétariat général pour l'administration du ministère de la défense, la direction des affaires juridiques a en charge la protection fonctionnelle. Il suit de là que Mme A... C..., nommée directrice des affaires juridiques du ministère de la défense par décret du 2 août 2017 publié au Journal officiel de la République Française, était compétente pour signer au nom du ministre le refus d'accorder à M. E... le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de cette décision doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 134-1 du code de la fonction publique : " L'agent public ou, le cas échéant, l'ancien agent public bénéficie, à raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire, dans les conditions prévues au présent chapitre. " L'article L. 134-4 de ce code prévoit que : " Lorsque l'agent public fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. / L'agent public entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection. / La collectivité publique est également tenue de protéger l'agent public qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale. ". L'article L. 134-5 dispose que : " La collectivité publique est tenue de protéger l'agent public contre les atteintes volontaires à l'intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. / Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. "
4. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a fait l'objet d'une plainte pour dénonciations calomnieuses déposée à son encontre par le psychiatre agréé qui a réalisé une contre-expertise à la demande de la direction des ressources humaines du ministère de la défense. Après avoir été informé de cette plainte, M. E... a lui-même déposé plainte le 20 mai 2019 à l'encontre de ce médecin pour la même infraction, dénonçant également la violation par ce praticien du secret médical. Par un courrier du même jour, M. E... a saisi son administration d'une demande de protection fonctionnelle sur le fondement des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, codifiées à la date de la décision litigieuse aux articles L. 134-1 et suivants du code de la fonction publique.
5. Toutefois, d'une part, si M. E... a bien fait l'objet, de la part du docteur D..., d'une plainte classée sans suite le 11 mars 2019, et s'il a lui-même déposé à l'encontre de ce psychiatre agréé une plainte qui était encore en cours d'enquête au 14 octobre 2020, il ne ressort des pièces du dossier ni que des poursuites pénales avaient été engagées à l'encontre de M. E... à la date de la décision en litige, ni que l'intéressé aurait été entendu en qualité de témoin assisté ou placé en garde à vue, ni enfin qu'il se serait vu proposer une mesure de composition pénale dans le cadre de cette procédure, évènements qui auraient été de nature à justifier que la protection fonctionnelle lui soit accordée par application de l'article L. 134-4 du code de la fonction publique. Si le requérant fait valoir que sa convocation par les services de la gendarmerie en vue de son audition l'a profondément affecté sur le plan psychologique, une telle convocation ne saurait être qualifiée d'atteinte à l'intégrité physique de la personne au sens et pour l'application des dispositions l'article L. 134-5 du code de la fonction publique. Au surplus, il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 20 mai 2019 à laquelle M. E... a présenté sa demande de protection fonctionnelle, la plainte déposée à son encontre avait déjà été classée sans suite.
6. D'autre part, si M. E... fait valoir que le psychiatre agréé a transmis à son administration des documents médicaux le concernant, et notamment un certificat de consolidation comportant des éléments de cette nature, en violation du secret médical, une telle transmission, bien qu'illégale, ne peut être regardée comme constituant une atteinte volontaire à l'intégrité de la personne de cet agent, au sens de l'article L. 134-5 du code de la fonction publique. Il s'ensuit que le ministre des armées n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions en refusant à M. E... la protection fonctionnelle qu'il a sollicitée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Vergne, président,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.
La rapporteure,
J. LELLOUCH
Le président,
G.-V. VERGNE
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03970