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09/04/2024 | FRANCE | N°23NT03202

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 09 avril 2024, 23NT03202


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juin 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'enfant étranger de ressortissante française.



Par un jugement n° 2210518 du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer d

e faire délivrer le visa sollicité à Mme B... dans un délai de deux mois.



Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juin 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'enfant étranger de ressortissante française.

Par un jugement n° 2210518 du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer le visa sollicité à Mme B... dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2023 le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 septembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par Mme B....

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas pris en considération la levée d'acte auprès des autorités maliennes démontrant le caractère apocryphe de l'acte de naissance produit, la production de plusieurs actes de naissance pour la même personne et l'absence d'élément de possession d'état ;

- Mme C... n'a pas indiqué qu'elle était la mère de Mme B... lors de sa naturalisation et n'a pas davantage sollicité le regroupement familial avant cette date ;

- l'extrait d'acte de naissance n° 291/REG06 de l'année 2017 dressé le 17 mai 2017, délivré le 25 février 2019 par le centre principal de Missira Commune II, district de Bamako à Mme B... est apocryphe ; il correspond à une autre personne ;

- la production de l'acte n° 034/REG01 établi le 11 avril 2002 délivrée le 31 août 2018 par le centre secondaire de TSF est incohérent avec le jugement supplétif n° 3041 rendu le 9 mai 2017 par le TI de la commune II du district de Bamako ;

- Mme B... n'établit pas que son parent français aurait contribué à son éducation et à son entretien et ne produit aucun élément de possession d'état ;

- le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

- en l'absence de filiation, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ; au surplus, Mme C... est entrée en France en 2003, alors que Mme B... était alors âgée de moins de deux ans.

La requête a été communiquée le 20 novembre 2023 à Mme B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du statut personnel mauritanien ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel du jugement du 25 septembre 2023, par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 8 juin 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à Mme B..., ressortissante malienne, un visa de long séjour en qualité d'enfant étranger d'une ressortissante française.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

3. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

4. Pour fonder sa décision de refus de visa long séjour opposée à Mme B... en qualité d'enfant étranger d'une ressortissante française, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le fait qu'après enquête des autorités consulaires françaises, le document d'état civil produit par l'intéressée concerne une autre personne, que la production de ce document relève d'une intention frauduleuse et qu'en conséquence, sa filiation avec Mme C... n'est pas établie.

5. Après avoir produit devant le tribunal administratif, à l'appui de sa requête introductive d'instance, un extrait d'acte de naissance n° 34/REG01 de la commune II du district de Bamako établi le 11 avril 2002, Mme B... s'est prévalue, dans un mémoire en réplique enregistré le 22 août 2023, de l'extrait d'acte de naissance n° 291/RG06 de la commune II du district de Bamako, joint lors de sa demande de visa, se référant à un jugement supplétif n° 3041 du 9 mai 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Missira de la commune II du district de Bamako. Ce document indique que l'intéressée est née le 31 mars 2002 de l'union de M. B... et de Mme D... C.... En réponse à une demande de levée d'acte sollicitée par les autorités consulaires françaises, l'acte de naissance n° 291 de la commune II du district de Bamako a été produit. Ce document concerne une autre personne, née le 28 février 2017, de l'union de M. E... et de Mme A.... Le ministre soutient en outre que lors de sa naturalisation, le 24 décembre 2020, Mme C..., qui séjourne en France depuis 2003, n'a pas indiqué avoir une fille née en 2002. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que l'extrait d'acte de naissance n° 291/RG06 transcrivant le jugement supplétif n° 3041 du 9 mai 2017 est entaché d'anomalies remettant en cause la valeur probante la filiation entre Mme B... et Mme C.... Par ailleurs, les quelques éléments produits par Mme B..., consistant notamment en des preuves d'envois d'argent effectués au cours des seules années 2021 et 2022 à son profit mais qui ne mentionnent pas l'identité du titulaire du compte débiteur, ne suffisent pas davantage à établir le lien de filiation allégué par possession d'état. Par suite, le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ces éléments pour annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 8 juin 2022.

6. Il appartient alors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.

7. En premier lieu, la décision contestée mentionne les dispositions des articles L. 311-1, R. 311-2 et L. 423-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fondé. Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé au point 4 du présent arrêt, elle comporte une motivation en fait. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée manque en fait et ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort de la feuille de présence communiquée en appel par le ministre, que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est réunie le 8 juin 2022 en présence de ses membres. Par suite, le moyen tiré de ce le président ne peut rejeter un recours sans réunir la commission manque en fait et ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

9. En troisième lieu, dans l'appréciation que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France porte sur le comportement d'un étranger qui a utilisé des faux documents pour chercher à pénétrer ou séjourner en France, l'existence d'une menace pour l'ordre public peut résulter des seules conditions de recherche, d'obtention et d'usage de ces faux documents. Eu égard à ce qui a été dit au point 5, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne constituerait pas une menace pour l'ordre public.

10. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, par les justificatifs qu'elle produit Mme B... n'établit pas qu'elle aurait toujours été prise en charge par Mme C.... Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

11. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'un refus de visa.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission du 8 juin 2022 refusant de délivrer à Mme B... un visa de long séjour en qualité d'enfant étranger d'une ressortissante française.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2210518 du 25 septembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme F... B....

Délibéré après l'audience du 22 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03202
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23nt03202 ?
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