Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
1/ Sous le n°2213404, Mme F... G... agissant en qualité de représentante légale de l'enfant J... D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite née le 27 septembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 25 mai 2022 de l'ambassade de France en République démocratique du Congo refusant de délivrer à l'enfant J... D... A... un visa de long séjour en qualité de membre de la famille d'une réfugiée, ainsi que cette décision consulaire, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, une somme de 1400 euros à verser à leur conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 440 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2/ Sous le n°2213405, Mme F... G... agissant en qualité de représentante légale de l'enfant I... D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite née le 27 septembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 25 mai 2022 de l'ambassade de France en République démocratique du Congo refusant de délivrer à l'enfant I... D... B... un visa de long séjour en qualité de membre de la famille d'une réfugiée, ainsi que cette décision consulaire, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, une somme de 1400 euros à verser à leur conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 440 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3/ Sous le n° 2213408, Mme F... G... agissant en qualité de représentante légale de l'enfant H... D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite née le 27 septembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 25 mai 2022 de l'ambassade de France en République démocratique du Congo refusant de délivrer à l'enfant H... D... un visa de long séjour en qualité de membre de la famille d'une réfugiée, ainsi que cette décision consulaire, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, une somme de 1400 euros à verser à leur conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 440 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2213404, n°2213405, n° 2213408 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France née le 27 septembre 2022 et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à J... D... A..., à I... D... B... et à H... D... les visas de long séjour sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 25 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... G... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'une erreur d'appréciation dès lors que les demandeurs, qui allèguent appartenir à la même fratrie ne se connaissent pas entre eux et ne connaissent pas leur mère alléguée. Ces auditions révèlent également que la filiation paternelle des demandeurs n'est pas établie contrairement à ce que les actes de naissance indiquent. Enfin, ces auditions révèlent que l'âge du demandeur D... A... n'est pas fiable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., ressortissante congolaise, s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée par décision du directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 janvier 2020. J... D... A..., I... D... B... et H... D..., ressortissants congolais nés respectivement les 1er janvier 2005, 2 février 2006 et 8 mars 2008, qu'elle présente comme ses enfants, ont déposé des demandes de visa de long séjour auprès de l'ambassade de France en République démocratique du Congo au titre de la réunification familiale. Par une décision du 14 juin 2022, cette autorité a refusé de leur délivrer ces visas. Par une décision implicite née le 27 septembre 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. demande au tribunal d'annuler ces deux décisions.
2. Mme G... a, le 11 octobre 2022, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande qui a été regardée comme tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2022 de cette commission laquelle s'est substituée à la décision consulaire. Par un jugement du 10 juillet 2023, cette juridiction a annulé cette décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à J... D... A..., à I... D... B... et à H... D... les visas de long séjour sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ". Aux termes de l'article L. 561-5 du même code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ".
4. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
6. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.
7. Si la décision consulaire n'est pas motivée, le demandeur qui n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs de la décision implicite de rejet prise sur son recours préalable obligatoire, ne peut utilement soutenir devant le juge qu'aurait été méconnue l'obligation de motivation imposée par l'article L. 211-2 du même code. Si la décision consulaire est motivée, l'insuffisance de cette motivation peut être utilement soulevée devant le juge, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement. Si, dans l'hypothèse où la décision consulaire était motivée, une telle demande a néanmoins été présentée et l'autorité administrative y a explicitement répondu, cette réponse doit être regardée comme une décision explicite se substituant à la décision implicite de rejet initiale du recours administratif préalable obligatoire.
8. Pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par Mme G..., l'autorité consulaire a coché sur le formulaire de notification de refus une case numéro 10 où il est indiqué que les déclarations de l'intéressée " conduisent à conclure à une tentative frauduleuse pour obtenir un visa au titre de la réunification familiale. ". Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire par Mme G..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est réputée, par la décision implicite née le 27 septembre 2022 et ainsi que la commission l'avait indiqué à la requérante dans l'accusé de réception du recours administratif préalable, s'être approprié ces motifs.
9. En s'appuyant sur l'examen des différentes pièces versées au dossier, le tribunal a jugé que la commission de recours avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de délivrer les visas sollicités Les premiers juges se sont ainsi fondés, d'abord, sur les jugements supplétifs n° RC 9493/20.728, RC 9493/20.727 et RC 9493/20.726, rendus le 24 octobre 2019 par le tribunal pour enfants de E... C..., versés aux débats, lesquels indiquent que J... D... A..., I... D... B... et H... D... sont nés les 1er janvier 2005, 2 février 2006 et 8 mars 2008, de Mme G... et Joseph D..., ensuite, sur les volets n° 1 des actes de naissance pris en transcription, ainsi que sur les actes de signification de ces jugements, et enfin, sur le fait que Mme G... avait déclaré lors de l'établissement de sa fiche familiale de référence l'existence de ses trois enfants. Si, pour soutenir que " les demandeurs ne se connaîtraient pas entre eux et ne connaîtraient pas leur mère alléguée ", le ministre de l'intérieur se réfère aux déclarations - au demeurant fort générales - faites au consulat par les jeunes enfants et adolescents qui ont indiqué " être nés de père inconnu, ne pas connaitre la vie de leur mère et vivre chez leur grand-mère ", il ne formule cependant pas, devant la cour, de critiques ou d'observations sur les trois jugements supplétifs précédemment évoqués, de nature à démontrer leur caractère frauduleux. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la commission de recours avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de délivrer les visas sollicités.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 27 septembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant à Mme G... la délivrance de visas de long séjour pour ses enfants J... D... A..., I... D... B... et H... D....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme F... G....
Délibéré après l'audience du 22 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23NT02689 2