Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 mars 2022 par laquelle le préfet de l'Orne a décidé son expulsion du territoire français ainsi que la décision du 2 mai 2022 par laquelle le préfet de l'Orne a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2201121 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2022, et une régularisation enregistrée le 22 février 2023, M. A... représenté par Me Largy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 octobre 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 24 mars 2022 par laquelle le préfet de l'Orne a décidé son expulsion du territoire français ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il pouvait être expulsé du territoire français :
* il s'est essentiellement focalisé sur son casier judiciaire, sans prendre en compte sa qualité de parent d'enfant français pouvant lui permettre de se maintenir sur le territoire ;
* il contribue à l'éducation et à l'entretien de sa fille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, indique être entré en France de manière irrégulière en 2003. Par une décision du 24 mars 2022, le préfet de l'Orne a décidé son expulsion du territoire français. Par une décision du 2 mai 2022, le préfet de l'Orne a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de ces deux décisions. M. A... relève appel du jugement du 21 octobre 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 mars 2022 par laquelle le préfet de l'Orne a décidé son expulsion du territoire français.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3. ". Aux termes de l'article L. 631-2 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; (...) / (...) / Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 1° à 4° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ". Aux termes de l'article L. 631-3 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; (...) / La circonstance qu'un étranger mentionné aux 1° à 5° a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ne fait pas obstacle à ce qu'il bénéficie des dispositions du présent article. " ".
4. Il ressort des pièces versées au dossier que M. A..., s'est rendu coupable des crimes de viol sous la menace d'une arme et a été condamné, pour ces faits, par la cour d'assises du Maine-et-Loire, le 3 décembre 2014, à 12 ans de réclusion criminelle. Le tribunal correctionnel d'Angers, le 30 décembre 2015, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement pour des faits d'apologie publique d'un acte de terrorisme et refus de se soumettre aux opérations de relevé signalétiques intégrés dans un fichier de police par personne soupçonnée de crime ou délit. La chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes l'a condamné, le 17 octobre 2018, à six mois d'emprisonnement pour des faits d'apologie publique d'un acte de terrorisme. La chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes l'a condamné, le 12 février 2019, à huit mois d'emprisonnement pour des faits de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement en récidive, de refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques intégrés dans un fichier de police par personne soupçonnée de crime ou délit en récidive et à deux mois d'emprisonnement pour refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique par une personne soupçonnée d'infraction. En outre, en plus de ses condamnations pour apologie du terrorisme, il a refusé l'évaluation en quartier de radicalisation au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Au cours de son incarcération, il a également fait l'objet de quatorze incidents disciplinaires.
5. En premier lieu, M. A... ne saurait se prévaloir de la protection prévue par les articles L. 631-2 et 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où il a été incarcéré le 12 février 2012 et condamné à 12 ans de réclusion criminelle, soit une peine d'emprisonnement ferme d'au moins 5 ans, et que les années passées en détention en exécution d'une peine privative de liberté ne peuvent être prises en compte au titre des dix ans de résidence régulière en France.
6. En second lieu, si M. A... fait valoir qu'il est le père d'une enfant de nationalité française née le 8 décembre 2011, il ressort des pièces du dossier qu'il a entretenu des liens avec l'enfant durant les premières années de sa vie, alors qu'il a été incarcéré à compter du 12 février 2012. Il ressort des pièces du dossier que l'autorité parentale sur cette dernière a été confiée exclusivement à la mère par une ordonnance du 29 juin 2015, situation toujours en vigueur à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, ses droits de visite ont été suspendus par une ordonnance du 16 mai 2017, en raison de menaces et d'un excès de violence envers la mère de son enfant. L'intéressé reconnait d'ailleurs, bien qu'il le déplore, ne plus avoir de nouvelles de sa fille depuis le 17 décembre 2015, date de son dernier parloir à la maison d'arrêt d'Angers. Si le requérant fournit des preuves de virements pour l'enfant en 2013, 2014, 2015, 2018, puis une reprise des virements fin 2021 et en 2022, il est constant qu'il n'a effectué aucun virement entre 2015 et 2018, ni entre 2018 et la fin de l'année 2021. Par ailleurs, il n'a effectué aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative depuis son entrée sur le territoire français. Dans ces conditions, M. A... ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celle-ci et la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. En estimant, sur la base de l'ensemble de ces éléments et compte tenu de la gravité des faits à l'origine de sa condamnation, que la présence sur le territoire de M. A... constituait une menace grave à l'ordre public justifiant une mesure d'expulsion, le préfet d'Indre-et-Loire, qui a, par une décision séparée non contestée, fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 mars 2022 par laquelle le préfet de l'Orne a décidé son expulsion du territoire français.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur.
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT03473 2
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