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05/04/2024 | FRANCE | N°23NT02682

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 05 avril 2024, 23NT02682


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 20 juin 2022 des autorités consulaires françaises à New Delhi (Inde) refusant de lui délivrer un visa de court séjour.



Par un jugement n° 2213504 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la déci

sion implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 20 juin 2022 des autorités consulaires françaises à New Delhi (Inde) refusant de lui délivrer un visa de court séjour.

Par un jugement n° 2213504 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer à M. A... un visa de court séjour dans un délai de deux mois et mis la somme de 1 200 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A....

Il soutient que :

- il existait un risque sérieux de détournement de l'objet du visa sollicité ; l'intéressé a initialement indiqué qu'il souhaitait " profiter de son séjour pour flâner et prendre du bon temps en France afin de souffler et oublier ses responsabilités en Inde " ; son frère est entré irrégulièrement en France en 2007, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en 2013 et ne bénéficiait que d'une carte de séjour temporaire valable un an jusqu'au 13 janvier 2023, qui n'a pas été renouvelée ; il ne justifie pas d'une assurance de voyage mais seulement d'un devis pour une complémentaire santé en méconnaissance des dispositions des articles L.311-1, R. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 32 du règlement n° 810/2009 ; le document produit indique qu'il est célibataire et réside à Sainte Geneviève, ce qui atteste qu'il avait l'intention de s'installer en France ; il importe peu que l'intéressé ait respecté la durée de validité des visas qui lui ont été délivrés précédemment par les autorités norvégiennes ; il n'est pas exclu qu'il ait l'intention de faire venir sa famille ensuite dans le cadre du regroupement familial.

M. A..., qui a reçu communication de la requête, n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le règlement (CE) n°810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel du jugement du 10 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours formé par M. A... contre la décision du 20 juin 2022 des autorités consulaires françaises à New Delhi (Inde) refusant de lui délivrer un visa de court séjour.

2. Aux termes de l'article 10 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas : " (...) 3. Lorsqu'il introduit une demande, le demandeur (...) f) produit les documents justificatifs conformément à l'article 14 et à l'annexe II ; g) le cas échéant, prouve qu'il est titulaire d'une assurance maladie en voyage adéquate et valide, conformément à l'article 15 ". Aux termes de l'article 15 de ce règlement : " 1. Les demandeurs de visa uniforme à une ou deux entrées prouvent qu'ils sont titulaires d'une assurance maladie en voyage adéquate et valide couvrant les éventuels frais de rapatriement pour raison médicale, de soins médicaux d'urgence et/ou de soins hospitaliers d'urgence ou de décès pendant leur(s) séjour(s) sur le territoire des États membres (...) 3. Cette assurance est valable sur l'ensemble du territoire des États membres et pendant toute la durée du séjour ou du transit prévu de l'intéressé. La couverture minimale est de 30 000 EUR. ". Au terme de l'article 32 du même règlement : " 1. Sans préjudice de l'article 25, paragraphe 1, le visa est refusé : a) si le demandeur : (...) vii) s'il y a lieu, n'apporte pas la preuve qu'il dispose d'une assurance maladie en voyage adéquate et valide ; ou b) s'il existe des doutes raisonnables sur l'authenticité des documents justificatifs présentés par le demandeur ou sur la véracité de leur contenu, sur la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. ".

3. En premier lieu, la décision des autorités consulaires françaises refusant le visa de court séjour sollicité par M. A... est fondée sur le fait qu'" il existe des doutes raisonnables quant à la fiabilité, à l'authenticité des documents justificatifs présentés ou à la véracité de leur contenu " ce qui démontre qu'il existait un risque sérieux de détournement de l'objet du visa sollicité.

4. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

5. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. Le sous-directeur des visas, au sein de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, est chargé d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de court séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de l'une ou l'autre de ces autorités, selon la nature du visa sollicité, est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". L'article D 312-8-1 du même code, applicable, en vertu de l'article 3 du même décret, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise à compter du 1er janvier 2023, dispose : " En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours ".

6. Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.

7. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.

8. Si la décision consulaire n'est pas motivée, le demandeur qui n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs de la décision implicite de rejet prise sur son recours préalable obligatoire, ne peut utilement soutenir devant le juge qu'aurait été méconnue l'obligation de motivation imposée par l'article L. 211-2 du même code. Si la décision consulaire est motivée, l'insuffisance de cette motivation peut être utilement soulevée devant le juge, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement. Si, dans l'hypothèse où la décision consulaire était motivée, une telle demande a néanmoins été présentée et l'autorité administrative y a explicitement répondu, cette réponse doit être regardée comme une décision explicite se substituant à la décision implicite de rejet initiale du recours administratif préalable obligatoire.

9. Il ressort de l'accusé de réception du recours formé par M. B... A... devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France que celui-ci a été informé de ce qu'en l'absence de réponse expresse sur celui-ci, le recours est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire contestée, lesquels ont été rappelés au point 3.

10. En second lieu, en application des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est tenue d'inviter les demandeurs à régulariser, soit les recours qui ne comporteraient pas les pièces et informations exigées, le cas échéant, par les textes relatifs au recours préalable obligatoire devant cette commission, soit ceux que la commission envisage de rejeter en se fondant sur l'incomplétude du dossier de la demande de visa alors que les autorités diplomatiques ou consulaires n'ont pas préalablement invité le demandeur de visa à compléter sa demande dans un délai déterminé.

11. Pour établir que la décision portant refus de visa de court séjour est légale et justifier qu'" il existe un risque sérieux de détournement de l'objet du visa sollicité ", le ministre de l'intérieur soutient que l'intéressé ne justifie pas d'une " assurance maladie en voyage " dès lors que M. A... n'a produit à l'appui de sa demande de visa qu'un devis, non signé, concernant une couverture en santé complémentaire au régime obligatoire d'assurance maladie. Toutefois, si cette circonstance est exacte, il est constant que ni l'autorité consulaire ni la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'ont invité M. A... à produire la pièce manquante, ni mis à même le demandeur de compléter le dossier de demande par la production des documents exigés par les dispositions précitées des articles 10, 15 et 32 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 13 juillet 2009. M. A... a ainsi été privé d'une garantie procédurale qui entache d'illégalité la décision de refus de visa contestée qui ne pouvait qu'être annulée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 20 juin 2022 des autorités consulaires françaises à New Delhi refusant de délivrer un visa de court séjour à M. A....

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 8 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT02682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02682
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-05;23nt02682 ?
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