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29/03/2024 | FRANCE | N°24NT00113

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 29 mars 2024, 24NT00113


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2023 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.



Par un jugement n° 2306657 du 11 janvier 2024, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 17 novembre 2023, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder au réexamen de la sit

uation de Mme B... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2023 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 2306657 du 11 janvier 2024, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 17 novembre 2023, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder au réexamen de la situation de Mme B... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 janvier 2024 du président du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Rennes.

Il soutient que Mme B... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir en France en qualité de demandeuse d'asile dès lors que sa demande avait été définitivement rejetée par les instances chargées de l'asile : sa présentation devant le service de pré-accueil ne saurait être regardée comme l'introduction d'une demande de réexamen de sa demande d'asile.

Par un mémoire enregistré le 28 février 2024, Mme D... B..., représentée par

Me Le Strat, conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;

- à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- à titre principal, qu'aucun des moyens invoqués par le préfet n'est fondé,

- à titre subsidiaire, que les arrêtés préfectoraux du 17 novembre 2023 doivent être annulés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson, rapporteure ;

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public ;

- et les observations de M. C... pour le préfet d'Ille-et-Vilaine et de Me Berthaut pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ivoirienne, est entrée en France le 15 juillet 2020 via l'Espagne. Après avoir échoué à obtenir la reconnaissance de la qualité de réfugiée, le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris à son encontre un arrêté du 17 novembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 11 janvier 2024 par lequel le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 41 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, relatif au droit au maintien sur le territoire : " 1. Les États membres peuvent déroger au droit de rester sur le territoire lorsqu'une personne : / a) n'a introduit une première demande ultérieure, dont l'examen n'est pas poursuivi en vertu de l'article 40, paragraphe 5, qu'afin de retarder ou d'empêcher l'exécution d'une décision qui entraînerait son éloignement imminent de l'État membre concerné ; ou / b) présente une autre demande ultérieure de protection internationale dans le même État membre à la suite de l'adoption d'une décision finale déclarant une première demande ultérieure irrecevable en vertu de l'article 40, paragraphe 5, ou à la suite d'une décision finale rejetant cette demande comme infondée. / (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pris pour l'application de ces dispositions : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : (...) 2° lorsque le demandeur : (...) b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ; / c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; (...) ". Et, aux termes des dispositions des 3° et 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : " (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3°; (...) ".

3. Par ailleurs, ainsi que l'a jugé la CJUE dans son arrêt C-670/16 du 26 juillet 2017, si une demande de protection internationale est, sur le fondement des dispositions de l'article 20 § 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (point 77), cette juridiction a également précisé qu' " une demande d'asile doit être considérée comme effectivement introduite dès que l'intention du demandeur d'asile a été confirmée auprès d'une autorité compétente " (point 90).

4. En l'espèce, après que, par une décision du 21 juin 2023, la CNDA a rejeté les demandes présentées par Mme B... tant en son nom personnel qu'en celui de sa fille mineure A..., l'intéressée a, le 18 juillet 2023, saisi la structure de premier accueil des demandeurs d'asile (SPADA) de Rennes afin de pouvoir déposer une demande de réexamen dans les conditions précisées par le schéma régional des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés (STRADAIR) de Bretagne. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la teneur du mail du

13 novembre 2023, adressé par ce service au conseil de la requérante, que cette dernière a été inscrite sur une liste d'attente, un rendez-vous ne pouvant être envisagé qu'en fonction des " créneaux rendus disponibles par la préfecture ". Mme B... doit ainsi être regardée comme ayant clairement manifesté son intention de déposer une demande de réexamen de sa demande de protection internationale. Alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, qu'un étranger pourrait déposer une demande de réexamen en dehors de tout rendez-vous fixé par la SPADA, mandatée par les services de l'Etat, la circonstance qu'un tel rendez-vous permettant à Mme B... de déposer tous documents utiles à l'instruction d'une demande n'a pu, en l'espèce, lui être accordé ne saurait faire obstacle à ce que l'intéressée bénéficie d'un droit au maintien sur le territoire en qualité de demandeur d'asile dans les conditions précisées par l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit en l'espèce jusqu'à ce que l'OFPRA se prononce sur la première demande de réexamen de sa demande d'asile.

5. Par suite, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a annulé, en raison de l'erreur de droit dont elle était entachée, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme B....

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Le Strat, avocate de Mme B..., de la somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Le Strat la somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à

Mme D... B....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.

La présidente-rapporteure

C. BRISSON

Le président-assesseur

G.V. VERGNE

Le greffier

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT001132

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00113
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET GAELLE LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-29;24nt00113 ?
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