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29/03/2024 | FRANCE | N°23NT01277

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 29 mars 2024, 23NT01277


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination où elle est susceptible d'être éloignée d'office.



Par un jugement n° 2300401 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 4 mai 2023, Mme C..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination où elle est susceptible d'être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2300401 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2023, Mme C..., représentée par Me Buors, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 du préfet du Finistère ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans sa réponse aux moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation et de la méconnaissance des articles L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté litigieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une inexacte application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2024, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Par un courrier du 7 mars 2024, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, que la cour était susceptible d'enjoindre d'office au préfet du Finistère de délivrer à Mme B... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante arménienne née le 2 octobre 1959, déclare être entrée en France irrégulièrement en 2011. Après le rejet définitif de sa demande d'asile le 1er octobre 2013, elle a obtenu un titre de séjour pour raisons de santé, régulièrement renouvelé jusqu'au 30 décembre 2017. Par un arrêté du 29 août 2018, le préfet du Finistère lui en a cependant refusé le renouvellement en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. En dépit du rejet de ses recours contre cet arrêté par le tribunal administratif de Rennes puis la cour, Mme B... a obtenu un nouveau titre de séjour pour raisons de santé, renouvelé jusqu'au 25 avril 2022. Elle relève appel du jugement du 11 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., entrée en France en 2011, y réside depuis plus de dix ans. Si sa demande de protection internationale a été rejetée par les instances en charge de l'asile, elle a bénéficié de titres de séjour pour raisons de santé de 2014 à 2017 puis de 2019 à 2022. Mme B... justifie avoir suivi des cours de français pendant six ans et avoir exercé des activités bénévoles régulières en particulier au Secours Populaire depuis son entrée en France. En outre, il ressort des pièces du dossier que son fils, sa belle-fille ainsi que ses petits-enfants, mineurs et scolarisés, résident régulièrement en France et vivent auprès d'elle à Quimper. Elle soutient ne plus avoir de famille en Arménie en précisant que son ancien époux est décédé et que son second fils, dont elle n'aurait plus de nouvelles, a lui aussi fui l'Arménie. Enfin, il est constant qu'elle est atteinte de multiples pathologies de longue durée et il ressort de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que son état de santé impose un suivi médical dont le défaut serait susceptible d'entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, au regard de son âge, des attaches familiales qu'elle a en France, de l'ancienneté et des conditions de son séjour sur le territoire français, et en dépit de la précédente mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet en 2018, le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, la délivrance à Mme B... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un tel titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros hors taxe à Me Buors dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 avril 2023 et l'arrêté du préfet du Finistère du 30 septembre 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Buors une somme de 1 000 euros hors taxe au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01277
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : FRANCK BUORS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-29;23nt01277 ?
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