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29/03/2024 | FRANCE | N°23NT01171

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 29 mars 2024, 23NT01171


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Orne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2202547 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, M. A... B..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Orne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2202547 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, M. A... B..., représenté par Me Launis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 21 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2022 du préfet de l'Orne ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en omettant d'examiner sa situation au regard de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2024, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 1er février 1998, déclare être entré irrégulièrement en France le 23 juillet 2020. Il a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint d'une ressortissante française. M. B... relève appel du jugement du 21 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, le refus de titre de séjour litigieux vise l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M. B... est entré irrégulièrement en France et qu'il ne justifie pas de six mois de communauté de vie avec son épouse de nationalité française. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

4. Il ressort de la demande de titre de séjour présentée par M. B... que celui-ci a sollicité un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en se prévalant de son mariage avec une ressortissante française sans préciser les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers sur lesquelles il entendait se fonder. Il ressort également du formulaire de demande de titre de séjour qu'il a transmis au préfet que M. B... n'a pas indiqué aux services préfectoraux en charge de l'instruction de sa demande s'il était entré régulièrement sur le territoire français, en dépit de la case du formulaire expressément prévue à cet effet et n'a a fortiori pas justifié d'un visa de long séjour. Dès lors, le préfet de l'Orne, après avoir relevé que M. B... était entré irrégulièrement en France, n'a pas commis d'illégalité en s'estimant saisi d'une demande de titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le seul fondement de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont la première délivrance n'est pas subordonnée, contrairement au titre prévu par l'article L. 423-1 du même code, à la production d'un visa d'entrée et de long séjour sur le territoire français. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'était pas tenu d'instruire sa demande sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation et de l'erreur de droit à n'avoir pas examiné sa demande sur le fondement de ces dernières dispositions doivent être écartés.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. " Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ".

6. Pour refuser de délivrer le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Orne a opposé à M. B... son entrée irrégulière sur le territoire français et l'absence de justification d'une communauté de vie effective d'une durée de six mois avec son épouse. Or, le requérant ne conteste pas être entré irrégulièrement sur le territoire français en se bornant à produire un billet de train Antibes-Paris daté du 23 juillet 2020, date à laquelle il allègue être entré en France. Ce seul motif tiré de son entrée irrégulière sur le territoire français suffit à justifier légalement la décision de refus de délivrance du titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il résulte de l'instruction que le préfet de l'Orne aurait pris la même décision en ne se fondant que sur ce seul motif. Par suite, et à supposer que l'intéressé justifie d'une vie commune et effective de six mois en France avec son épouse, ressortissante française, le préfet de l'Orne n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement en France en juillet 2020, soit deux ans avant l'intervention de l'arrêté litigieux, et qu'il s'y est maintenu depuis lors. Il justifie d'une communauté de vie réelle et effective avec son épouse et les enfants que celle-ci a eus d'une précédente union, ainsi que de sa contribution à leur éducation et à l'entretien du foyer. M. B... justifie en outre avoir conclu un contrat de travail à durée déterminée du 7 décembre 2021 au 31 mai 2022 en qualité de plombier, puis du 13 au 30 septembre 2022. Toutefois, ces circonstances ne suffisent pas, eu égard à la brièveté du séjour en France de l'intéressé, à établir que le refus de lui délivrer un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par ce refus tenant notamment au respect des conditions d'entrée en France. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. ".

10. L'obligation de quitter le territoire français, fondée sur le 3° de l'article

L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de titre de séjour, qui est suffisamment motivé, ainsi qu'il a été exposé au point 2. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse doit être écarté.

11. En deuxième lieu, le refus de titre de séjour n'étant pas annulé, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus.

12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure d'éloignement sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. L'obligation de quitter le territoire français litigieuse n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01171


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01171
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL LAUNOIS-FONDANECHE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-29;23nt01171 ?
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