Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 par lequel le préfet du Morbihan lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a déterminé le pays de destination.
Par un jugement n° 2303943 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 octobre 2023, M. A... B..., représenté par
Me Fouchard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 4 juillet 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de
100 euros par jour de retard ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour en litige est insuffisamment motivé en fait et entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 435-1, L. 421-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- et les observations de Me Fouchard, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant turc né le 20 février 1990, est entré irrégulièrement en France le 20 septembre 2007. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 8 mars 2011 après deux réexamens. Sa demande d'admission exceptionnelle au séjour formée le 8 février 2013 a été implicitement rejetée. Le 23 octobre 2020, M. B... a sollicité, à nouveau, son admission au séjour, sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 juillet 2023, et en dépit d'un avis favorable de la commission du titre de séjour émis le 1er juin 2023, le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, M. B... séjournait depuis près de quinze ans en France, où il était entré à l'âge de 17 ans, et où il vit, depuis plus de dix ans, avec son épouse ainsi qu'avec leurs quatre enfants, qui sont nés sur le territoire français et y sont scolarisés, pour trois d'entre eux, depuis plusieurs années. D'autres membres de sa famille résident également, sous couvert de titres de séjour, en France. Si le niveau de maîtrise de la langue française par l'intéressé, qui n'a obtenu qu'une note de 9/20 à un test de connaissance générale en mars 2021, est modeste, il dispose sur le territoire national d'un logement et établit avoir, non seulement travaillé ponctuellement entre 2018 et 2021, mais occupé+ un emploi salarié dans le secteur du bâtiment, depuis septembre 2022, lui procurant une rémunération nette mensuelle d'environ 1 500 euros. Par suite, l'ensemble des éléments que fait valoir l'intéressé devant être regardés comme des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour, le préfet a commis, dans les circonstances de l'espèce, une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du même code.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de le requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 4 juillet 2023 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions par lesquelles il l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Morbihan délivre à M. B... un titre de séjour. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 4 juillet 2023 du Morbihan pris à l'encontre de M. B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Morbihan de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
Le rapporteur,
X. CATROUXLa présidente,
C. BRISSON
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03079