La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2024 | FRANCE | N°23NT02992

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 23 février 2024, 23NT02992


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2022 par lequel le préfet du Finistère l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.



Par un jugement n° 2304264 du 12 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 16 décemb

re 2022.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 9 octobre 2023, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2022 par lequel le préfet du Finistère l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 2304264 du 12 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 16 décembre 2022.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2023, le préfet du Finistère demande à la cour d'annuler ce jugement du 12 septembre 2023 du tribunal administratif de Rennes, de rejeter la demande de Mme A... et de prononcer le remboursement des frais versés en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de Mme A... devant le tribunal était tardive ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'obligation de quitter le territoire français contestée était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de

Mme A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, Mme B... A..., représentée par Me Maony, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet du Finistère ne sont pas fondés ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisamment sérieux de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue tel que prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques encourus en cas de retour au Gabon ;

- la décision portant interdiction de retour est illégale en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation particulière ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Thullier, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née en 1975, ressortissante gabonaise, est entrée en France, en dernier lieu, le 20 juin 2018, sous couvert d'un visa valable jusqu'au 6 décembre suivant. Elle a sollicité, le 2 février 2021, le bénéfice du statut de réfugiée. Par décision du 31 mars 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté cette demande et le recours formé par l'intéressée contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 novembre 2022. Par un arrêté du 16 décembre 2022, le préfet du Finistère a, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans les trente jours, a fixé le Gabon comme pays de destination d'une mesure d'éloignement forcé et lui a interdit de revenir en France pendant un an, avec signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 12 septembre 2023, dont le préfet du Finistère relève appel, le tribunal a fait droit à cette demande.

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles

L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...)". L'article L. 614-5 de ce code précise que : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) Conformément aux dispositions de l'article L. 614-5 du même code, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de quinze jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. (...) ". Aux termes du II de l'article R. 776-5 du même code : " (...) les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 16 décembre 2022, qui comportait dans une notice jointe mention des voies et délais de recours, a été envoyé par pli recommandé à Mme A... à l'adresse que celle-ci avait indiquée à l'administration lors du dépôt de sa demande d'asile. Ce pli recommandé a été retourné, le 20 janvier 2023, aux services de la préfecture du Finistère avec la mention " pli avisé et non réclamé " et il ressort du document de suivi postal qu'il a été présenté le 30 décembre 2022 et est resté, à compter de cette date et jusqu'au 16 janvier 2023, à la disposition de son destinataire en point de retrait.

Mme A... fait valoir que l'arrêté en litige ne lui aurait été notifié que le 21 juillet 2023, par courriel, dès lors qu'elle ne se serait jamais vu remettre l'avis de passage lui permettant le retrait du courrier comportant l'arrêté en litige. Toutefois, la seule circonstance que la fiche d'émargement tenue par un employé de l'organisme de domiciliation administrative de l'intéressée ne comporte pas la mention d'une réception d'un courrier recommandé entre le

2 décembre 2022 et le 7 février 2023 ne suffit pas à l'établir, un tel document n'étant pas nécessairement exhaustif. Dans ces conditions, l'arrêté en litige du 16 décembre 2022 doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à Mme A... à la date de la première présentation du pli recommandé, soit le 30 décembre 2022. Il en résulte que la demande de l'intéressée, qui n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif que le 3 août 2023, postérieurement à l'expiration du délai de quinze jours mentionné au deuxième alinéa du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, était tardive, ainsi que le soutient le préfet du Finistère.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Finistère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du

16 décembre 2022. Ce jugement doit, par suite, être annulé, y compris en ce qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une telle annulation entraînant nécessairement l'obligation de rembourser cette somme, dans l'hypothèse où elle aurait déjà été versée.

Sur les frais d'instance :

5. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise, sur leur fondement, à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 12 septembre 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'avocat de Mme A... présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2024.

Le rapporteur

X. CATROUX

Le président

G.-V. VERGNE

Le greffier

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT029922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02992
Date de la décision : 23/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-23;23nt02992 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award