Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours.
Par un jugement no2206326 du 1er juin 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 16 mai 2022, en tant qu'il renouvèle l'assignation à résidence de M. A... B... jusqu'au 30 juin 2022.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juin 2022, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juin 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant ce tribunal par M. A... B....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté du 16 mai 2022 portant renouvellement de l'assignation à résidence de M. A... B... était privé de base légale du fait de l'expiration du délai de six mois pour exécuter l'arrêté de transfert vers l'Allemagne du 5 janvier 2022 ;
- les autres moyens présentés en première instance ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4, 17 octobre et 4 novembre 2022, M. A... B... conclut :
1°) au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête du préfet de Maine-et-Loire ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine et Loire de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou de prendre une nouvelle décision sur sa demande d'admission au séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- s'il est juste que la requête à l'encontre de l'arrêté portant renouvellement d'assignation à résidence comportait une erreur en ce qu'elle sollicitait l'annulation de l'assignation à résidence au-delà du 21 juin 2022, ce délai est en tout état de cause aujourd'hui écoulé ;
- il a respecté l'ensemble des modalités de son assignation à résidence, le délai de transfert a pris fin le 21 juillet 2022 sans être reporté et il ne peut plus faire l'objet d'une réadmission, but en vue duquel l'arrêté portant assignation à résidence a été pris.
M. A... B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant somalien, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 30 novembre 2021. Par deux arrêtés du 5 janvier 2022, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, de le remettre aux autorités allemandes et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours. Par un arrêté du 16 mai 2022, le préfet de Maine-et-Loire a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours. Le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 1er juin 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 16 mai 2022, en tant qu'il renouvèle l'assignation à résidence de M. A... B... jusqu'au 30 juin 2022.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Il est constant que l'arrêté portant assignation à résidence de M. A... B... a été exécuté et a produit des effets. Il y a donc lieu de se prononcer sur sa légalité. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer soulevé par M. A... B... doit être rejetée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Pour annuler l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a renouvelé l'assignation à résidence de l'intéressé pour une durée de 45 jours, le tribunal a estimé que le préfet de Maine-et-Loire avait méconnu les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en assignant à résidence M. A... B... jusqu'au 30 juin 2022, soit au-delà du délai de six mois fixé par ces mêmes dispositions.
4. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
5. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n°604/2013, qui court à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision.
6. En l'espèce, le délai initial de six mois dont disposait le préfet d'Ille-et-Vilaine pour procéder à l'exécution du transfert de M. A... B... vers l'Allemagne a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes statuant sur la légalité de l'arrêté du 5 janvier 2022. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration du jugement du 21 janvier 2022, soit à cette même date. Par suite, le délai de transfert de M. A... B... vers l'Allemagne expirait le 21 juillet 2022. Les autorités allemandes ont été informées le 26 janvier 2022 du report du délai de réadmission de l'intéressé jusqu'au 21 juillet 2022. C'est donc à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a estimé que l'arrêté du 16 mai 2022 prolongeant l'assignation à résidence de l'intéressé jusqu'au 30 juin 2022 était privé de base légale et que le préfet de Maine-et-Loire avait méconnu les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que devant la Cour.
8. En premier lieu, l'arrêté en cause a été signé par Mme C..., cheffe du pôle régional Dublin à la préfecture de Maine-et-Loire. Par un arrêté du 5 avril 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 6 avril 2022, le préfet de Maine-et-Loire a donné à cette dernière délégation à l'effet de signer, notamment, les arrêtés de transfert et d'assignation à résidence pris dans le cadre de l'application du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté attaqué. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
9. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. A... B..., il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté comporte l'exposé des motifs de droit et considérations de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, l'arrêté renouvelant l'assignation à résidence de l'intéressé est suffisamment motivé.
10. En dernier lieu, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que l'assignation à résidence de M. A... B... est renouvelé pour une durée de 45 jours, qu'il ne peut quitter, sans autorisation, les limites du département de la Sarthe, qu'il devra se présenter, hormis les jours fériés, tous les lundis et mardis à 15 heures au commissariat de police situé 19 boulevard Paixhans au Mans (Sarthe), qu'il devra justifier les causes de force majeure qui l'empêcheraient de se soumettre à cette obligation et qu'il devra remettre son passeport ou tout document justifiant de son identité lors de sa première présentation et recevra en échange une attestation de dépôt. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'exécution de la décision de remise aux autorités allemandes de M. A... B... ne demeurerait pas une perspective raisonnable. D'autre part, il n'est pas sérieusement contesté que le requérant remplissait toutes les conditions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, le requérant, qui n'invoque aucune circonstance particulière, n'établit pas que cette obligation serait non adaptée ou non nécessaire ou porterait à sa liberté d'aller et venir une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que l'arrêté renouvelant l'assignation à résidence de M. A... B... est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une absence d'examen de la situation personnelle de ce dernier doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 16 mai 2022 portant renouvellement de l'assignation à résidence de M. A... B....
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant au non-lieu à statuer présentées par M. A... B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ces conclusions ne sauraient être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°2206326 du 1er juin 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... B... présentée devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire
Délibéré après l'audience du 2 février 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
Le magistrat le plus ancien dans l'ordre du tableau,
V. GELARDLe président-rapporteur
O. COIFFET La greffière,
I.PETTON
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22NT01905 2