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09/02/2024 | FRANCE | N°23NT02718

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 09 février 2024, 23NT02718


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2300735 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête de M. D....



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 septembre 2023 et 17 janvier 2024,

M. B... D..

., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023 ;



2°) d'annuler l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2300735 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 septembre 2023 et 17 janvier 2024,

M. B... D..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, sans délai, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 décembre 2023 et le 19 janvier 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision 27 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., ressortissant de la République démocratique du Congo né en 1949, déclare être entré sur le territoire français le 5 septembre 2011 muni d'un visa C délivré par les autorités consulaires françaises à Kinshasa, valable du 24 août au 18 septembre 2011. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 7 août 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 14 mars 2013. Le 19 avril 2013, le requérant a sollicité une carte de séjour temporaire pour raison de santé qu'il a obtenue et qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 27 novembre 2018. Toutefois, par un arrêté du 9 juillet 2019, le préfet du Calvados a rejeté sa demande de renouvellement de ce titre. Le recours contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Caen du 29 novembre 2019 et l'appel contre cette décision juridictionnelle par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 novembre 2020. M. D... a sollicité le 5 août 2021 un titre de séjour sur le fondement des articles

L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement n° 2300735 du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 1er février 2023 par laquelle le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer ce titre.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

3. Pour soutenir que les stipulations et dispositions précitées ont été méconnues, le requérant fait valoir qu'il réside en France depuis juillet 2011, soit depuis plus de 11 ans, et qu'il a été titulaire d'une carte de séjour " étranger malade " de mai 2014 à novembre 2018, puis de récépissés de renouvellement de ce titre. Toutefois, il a fait l'objet d'un arrêté du 19 juillet 2019 portant refus de renouvellement du titre qui lui avait été précédemment accordé et obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée successivement par le tribunal administratif de Caen en 2019 puis par la cour de céans en 2020, et il ne s'est pas conformé à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre. S'il soutient être isolé dans son pays d'origine et fait valoir que son frère, sa sœur et trois de ses enfants résident en France en situation régulière, qu'un autre de ses enfants est en Belgique et que son épouse est décédée, les documents qu'il produit pour attester de l'état civil et du séjour régulier en France de personnes qu'il présente comme étant membres de sa famille sont difficilement lisibles. En tout état de cause, le préfet fait valoir, sans être contredit, que deux de ses fils, C... et A..., ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement et le requérant lui-même n'établit pas, d'une part, entretenir des liens d'une intensité particulière avec les membres de sa famille séjournant sur le territoire français, dans d'autres régions que celle où il réside, ni, d'autre part, ne plus avoir d'attaches en République démocratique du Congo, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 61 ans. Il ne justifie pas non plus d'une intégration particulière dans la société française malgré une implication comme bénévole pour l'Hospitalité diocésaine Notre-Dame-de-Lourdes de Bayeux-Lisieux et pour la paroisse de son quartier à Hérouville-Saint-Clair. Par ailleurs, la seule attestation manuscrite transmise, peu circonstanciée, ne permet pas, même complétée de pièces établissant que des virements ont été effectués sur son compte à la Banque Postale à partir de juillet 2023, soit postérieurement à la décision contestée et au jugement attaqué, d'établir que ses enfants le prennent en charge en France ainsi qu'il le soutient. M. D... fait aussi valoir son état de santé et démontre être suivi médicalement au centre hospitalier universitaire Caen Normandie pour une myosite dysimmunitaire séronégative constituant, selon le certificat médical fourni en date du 23 avril 2023, une maladie invalidante justifiant un " traitement chronique notamment injectable hebdomadaire dont l'arrêt pourrait conduire à une rechute et une mise en jeu du pronostic vital du patient ". Mais les documents transmis n'établissent pas que son état de santé nécessite une prise en charge médicale indisponible dans son pays d'origine et il lui est loisible, s'il s'y croit fondé, de déposer une demande de titre de séjour pour raison de santé sur fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou de faire valoir, pour la régularisation de sa situation administrative, sa qualité d'ascendant à charge. Dans ces conditions, et alors que la décision attaquée n'a pas pour objet son éloignement du territoire français, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour attaquée porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'atteinte disproportionnée portée à sa vie privée et familiale, en violation des stipulations citées ci-dessus au point 2, doivent être écartés.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". L'article L. 435-1 du même code dispose que " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".

5. Eu égard à ce qui a déjà été dit ci-dessus au point 3, et même si la commission du titre de séjour a émis un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point précédent, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Calvados aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le titre de séjour qu'il avait sollicité sur ce fondement. D'autre part, malgré son âge et les éléments qu'il fait valoir relatifs à son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait fait une appréciation manifestement erronée des faits de l'espèce en estimant que son admission exceptionnelle au séjour ne répondait pas à des considérations humanitaires ou ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du même code. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions citées au point 4 doivent être écartés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet du Calvados lui refusant un titre de séjour.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction dont ces conclusions sont assorties ne sauraient être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par l'avocat de M. D... ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de

l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- M. Catroux, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02718
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;23nt02718 ?
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