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09/02/2024 | FRANCE | N°23NT00844

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 09 février 2024, 23NT00844


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement Morlaix Communauté et la SAS Suez Eau France à lui verser la somme de 24 332,58 euros avec intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice que lui a causé son accident survenu le 2 décembre 2018.



Par un jugement n° 2001278 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête et un mémoire enregistrés les 27 mars et 16 août 2023, Mme B... A..., représentée par Me Plateaux demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement Morlaix Communauté et la SAS Suez Eau France à lui verser la somme de 24 332,58 euros avec intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice que lui a causé son accident survenu le 2 décembre 2018.

Par un jugement n° 2001278 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 mars et 16 août 2023, Mme B... A..., représentée par Me Plateaux demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement Morlaix communauté et la SAS Suez Eau France à lui verser la somme de 24 332,58 euros en réparation des préjudices qu'elle indique avoir subis à la suite de l'accident survenu le 2 décembre 2018, majorée des intérêts de droit et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge solidaire de Morlaix communauté et de la SAS Suez Eau France la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la minute du jugement attaqué n'est pas signée et, compte tenu de cette irrégularité, le jugement doit être annulé ;

- la responsabilité du concédant et du concessionnaire doit être engagée solidairement dès lors que, tiers à l'ouvrage public constitué par la plaque métallique couvrant une fosse maçonnée affectée au service public de l'assainissement collectif, elle a été victime d'un dommage accidentel, et que la preuve d'un entretien normal de l'ouvrage n'est pas rapportée ;

- la responsabilité principale du concessionnaire du service public et celle, subsidiaire, de la collectivité concédante doivent être constatées, en l'absence de signalisation adéquate du danger, dans un environnement non nettoyé, et en l'absence de fixation fiable du regard ;

- aucune imprudence ne peut lui être reprochée ;

- les préjudices liés à cet accident devront être réparés par le versement d'une somme totale de 24 332,58 euros en réparation des préjudices dont elle justifie précisément.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2023, la société Suez Eau France, représentée par Me Ben Zenou, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, si sa condamnation devait être retenue, à la réduction du quantum des demandes de Mme A... et à ce que Morlaix Communauté soit condamnée à la garantir de toute condamnation mise à sa charge ;

3°) à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en sa qualité de fermier, elle n'est pas responsable de l'existence, ni de la conception d'un ouvrage public qui ne lui appartient pas ;

- Mme A... n'avait pas la qualité d'usager de l'ouvrage public et elle n'établit pas le lien de causalité ;

- l'ouvrage en litige faisait l'objet d'un entretien normal ;

- Mme A... est seule responsable de l'accident dont elle déclare avoir été victime ;

- Mme A... n'apporte pas la preuve des préjudices qu'elle allègue.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2023, Morlaix Communauté, représentée par la SELARL Saout et Galia, conclut :

1°) au rejet de la requête de Mme A... et de l'appel en garantie présenté par la société Suez Eau France ;

2°) à titre subsidiaire, à la réduction à plus justes proportions des demandes de Mme A... et à ce que la société Suez Eau France soit condamnée à la garantir de toute condamnation mise à sa charge ;

3°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... et de la société Suez Eau France solidairement, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, seule la responsabilité de la société Suez Eau France peut être engagée, en sa qualité de fermière ;

- à titre subsidiaire, aucun défaut d'entretien normal relevant de sa responsabilité ne peut être retenu et la demande indemnitaire de Mme A... n'est pas fondée dans la mesure où elle est seule responsable de l'accident dont elle déclare avoir été victime ;

- les montants d'indemnisation réclamés par Mme A... en réparation des préjudices qu'elle allègue avoir subis ne sont pas justifiés ou sont excessifs.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- les observations de Me de Lespinay, représentant Mme A..., et de Me Racinet, représentant la société Suez Eau France.

Considérant ce qui suit :

1. Le dimanche 2 décembre 2018, Mme A... s'est garée près de l'étang du Guic, lac de retenue dont l'exploitation pour l'alimentation en eau potable a été confiée par Morlaix Communauté à la société Suez Eau France dans le cadre d'un contrat d'affermage, et lieu de promenade et de pêche fréquenté par le public, situé sur le territoire de la commune de Guerlesquin (Finistère). Alors que, en fin d'après-midi, vers 18h, elle commençait à faire demi-tour pour quitter son lieu de stationnement et repartir, son véhicule a roulé sur une plaque métallique, formant capot, couvrant la chambre maçonnée en béton abritant des vannes du barrage de retenue de ce plan d'eau artificiel. Le véhicule de Mme A... se trouvant endommagé et immobilisé, sa conductrice s'en est extraite et, en en faisant le tour pour constater les dégâts, a chuté dans la fosse, découverte par le déplacement de son capot métallique. L'intéressée, à laquelle la chute a causé divers dommages corporels et matériels, est restée bloquée dans la fosse, pendant près de deux heures, avant de pouvoir en sortir. Par l'intermédiaire de son assureur, elle a sollicité l'indemnisation de ses préjudices, tant auprès de Morlaix Communauté que de la SAS Suez Eau France, qui ont toutes deux rejeté sa demande. Elle a sollicité en vain devant le tribunal administratif de Rennes la condamnation solidaire, sur le fondement du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, de Morlaix Communauté et de la SAS Suez Eau France à lui verser la somme de 24 332,58 euros en réparation du préjudice que lui a causé son accident. Elle relève appel du jugement du 2 mars 2023 par lequel cette juridiction a rejeté sa requête indemnitaire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort du jugement attaqué qu'il comporte l'ensemble des signatures prévues par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, aucune disposition n'imposant, par ailleurs, que l'expédition notifiée aux parties comporte ces signatures. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article, et, par suite, de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.

Sur la responsabilité :

4. Si Mme A... met en cause la responsabilité solidaire de Morlaix Communauté et de la SAS Suez Eau France en invoquant le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public constitué par la fosse maçonnée, couverte d'un capot métallique, abritant des vannes du barrage de l'étang du Guic, que son véhicule a heurté et où elle-même est tombée, elle ne saurait obtenir réparation de ses préjudices qu'à la condition que ceux-ci soient imputables à cet ouvrage et ne résultent pas de son propre fait.

5. Il résulte de l'instruction que, lors de l'accident, le véhicule de Mme A... ne roulait pas sur une voie publique ou sur les dépendances ou accessoires indissociables de celle-ci, tels que des accotements stabilisés situés à proximité immédiate de la chaussée de circulation. Si le stationnement sur le terrain utilisé par la requérante pour y garer sa voiture n'était pas interdit, et si ce terrain était même, selon la requérante, fréquemment utilisé, malgré la présence à proximité d'un parking, en raison de la forte fréquentation du plan d'eau pour des activités de loisir, il appartenait à Mme A..., si elle souhaitait se garer à cet endroit, non aménagé et non prévu pour un tel usage, d'observer une vigilance et même une prudence particulières pour manœuvrer son véhicule en toute sécurité. Or il ressort des photographies versées au débat que l'accident n'a pu survenir que par l'effet d'une collision d'une puissance significative du véhicule de Mme A... avec l'ouvrage maçonné et capoté, qui dépassait pourtant de 15 cm de son terrain d'assiette, sur lequel la voiture de Mme A... est montée et s'est trouvée bloquée après avoir déplacé le capot en tôle cadenassé en assurant la couverture et la fermeture.

6. Il ne résulte pas de l'instruction, d'abord, qu'en raison de sa forte fréquentation par le public, le lieu de l'accident, ou plus généralement le site, où se trouve un chemin de promenade ou de randonnée, le chemin de ronde de Tro Guic, aurait dû être mieux aménagé. En particulier, l'élément d'ouvrage particulier constitué par la fosse abritant les vannes, qui se trouvait à une distance significative des zones de circulation ou de stationnement automobiles ouvertes au public et aux agents en charge de l'entretien et de l'exploitation de l'ouvrage public d'alimentation en eau potable, n'avait pas à faire l'objet d'une signalisation ou d'un éclairage particuliers. Sur ce point il ne peut être considéré que cette zone naturelle, même fréquentée pour les activités de loisirs, aurait dû être spécialement éclairée, notamment à l'endroit où l'accident s'est produit, ni que la cuve béton et son capot, qui dépassaient du sol d'environ 15 cm, même susceptibles d'être masqués par la végétation environnante ou l'accumulation de feuilles mortes, constituaient un danger qui aurait dû être signalé. D'autre part, la plaque métallique couvrant la fosse n'était pas conçue pour supporter le poids d'un véhicule automobile et il n'est pas anormal qu'elle ait cédé ou ait été déplacée lorsque la voiture de Mme A... est montée dessus. Enfin, s'il ne peut être reproché à la requérante d'avoir quitté son véhicule après le choc qui a immobilisé celui-ci, il lui appartenait en revanche, d'être particulièrement prudente dans sa reconnaissance des lieux environnants compte tenu du choc ayant immobilisé son véhicule et du faible éclairement dont elle se plaint par ailleurs.

7. Il résulte de ce qui précède que l'accident automobile et la chute dont a été victime Mme A... ne peuvent être considérés comme imputables, même partiellement, à l'ouvrage public en cause. Par suite, la requérante, qui ne peut utilement faire valoir que, depuis son accident, cet ouvrage public a été aménagé pour prévenir tout nouvel accident, ni la circonstance qu'un élu de Morlaix Communauté lui aurait dit qu'elle serait indemnisée, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a considéré que la responsabilité de Morlaix Communauté et de la SAS Suez Eau France n'était pas engagée et a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

8. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme A... doivent dès lors être rejetées. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge Mme A..., au bénéfice de la société Suez Eau France et de Morlaix Communauté les sommes que celles-ci réclament sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Morlaix Communauté et de la SAS Suez Eau France présentées

sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la caisse primaire d'assurance

maladie du Finistère, à Morlaix Communauté et à la société Suez Eau France.

Copie du présent jugement sera adressée au préfet de la région Bretagne.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- M. Catroux, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au préfet du Finistère, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00844
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL PUBLI-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;23nt00844 ?
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