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06/02/2024 | FRANCE | N°22NT02205

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 06 février 2024, 22NT02205


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite de rejet par laquelle la ministre des armées a refusé de tirer les conséquences de sa reconnaissance des travaux insalubres du 29 août 2019 et lui a refusé le bénéfice du coefficient de majoration de retraite de 5 points prévu par le décret du 12 juillet 2005, ainsi que des indemnités de travaux insalubres pour la période de 1982 à 2005.

Par un jugement n°2000496 du 11 mai 20

22, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite de rejet par laquelle la ministre des armées a refusé de tirer les conséquences de sa reconnaissance des travaux insalubres du 29 août 2019 et lui a refusé le bénéfice du coefficient de majoration de retraite de 5 points prévu par le décret du 12 juillet 2005, ainsi que des indemnités de travaux insalubres pour la période de 1982 à 2005.

Par un jugement n°2000496 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Lafforgue, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 11 mai 2022 ;

2°) d'enjoindre au ministre des armées de lui octroyer le bénéfice du coefficient de majoration de retraite de 5 points prévu dans le décret du 12 juillet 2005 ainsi que les indemnités de travaux insalubres pour la période de 1982 à 2005 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il a obtenu de l'administration une décision de reconnaissance des travaux insalubres pour la période du 1er janvier 1982 au 5 septembre 2006, mais cette décision datant du 29 août 2019, il n'était pas en mesure, à la date de cette décision, de solliciter un départ anticipé au titre des travaux insalubres. C'est pourquoi il a été radié des cadres le 8 mai 2014 et qu'il a liquidé sa pension de retraite sur le fondement du décret du 21 décembre 2001, relatif à l'attribution d'une allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (ASCAA) au titre de son exposition à l'amiante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2023, le ministre des armées conclut, à titre principal, à l'incompétence de la cour et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2001-1269 du 21 décembre 2001 ;

- le décret n° 2005-785 du 12 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 8 mai 1954, a été employé à la direction des constructions navales (DCN) de B... du 1er juin 1982 au 8 mai 2014 en qualité d'ouvrier de magasinage. Il a souhaité bénéficier des dispositions du décret du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, lequel permet à un ouvrier ayant accompli 17 ans de service dans un emploi comportant des risques particuliers d'insalubrité de prendre une retraite anticipée. Par un courrier du 19 décembre 2013, il a demandé au ministre de la défense de prendre en compte, au titre des travaux insalubres, son activité pour la période s'étendant de 1982 à 2005. Les travaux qu'il a accomplis à la DCN de B... n'ayant été regardés comme insalubres que pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2011, M. A... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de la défense a implicitement refusé de reconnaître comme insalubres les travaux qu'il avait accomplis à la DCN de B... entre 1982 et 2005. Cette requête a été rejetée par un jugement du 14 juin 2016, qui a été annulé par un arrêt du 12 janvier 2018 de la Cour administrative d'appel de Nantes. Par un arrêt du 5 juillet 2019, la Cour administrative d'appel de Nantes a condamné le ministre de la défense à verser une astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt s'il ne justifiait pas avoir, dans ce délai, entièrement exécuté l'arrêt de la Cour du 12 janvier 2018 en reconnaissant le caractère insalubre des travaux accomplis par M. A.... Par une décision du 29 août 2019, en exécution de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nantes du 5 juillet 2019, le ministre de la défense a reconnu le caractère insalubre des travaux accomplis par M. A... entre 1982 et 2005. Par un courrier du 28 octobre 2019, M. A... a sollicité de la ministre des armées qu'elle tire les conséquences de sa décision du 28 août 2019, et qu'elle lui octroie le bénéfice du coefficient de majoration de 5 points de sa pension prévu par le décret du 12 juillet 2005 et des indemnités de travaux insalubres pour la période de 1982 à 2005. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 11 mai 2022 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet par laquelle la ministre des armées a refusé de tirer les conséquences de sa reconnaissance des travaux insalubres du 29 août 2019 et lui a refusé le bénéfice du coefficient de majoration de retraite de 5 points prévu par le décret du 12 juillet 2005, ainsi que des indemnités de travaux insalubres pour la période de 1982 à 2005.

Sur la compétence matérielle de la cour administrative d'appel de Nantes :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions ".

3. Le recours juridictionnel exercé contre une décision par laquelle la ministre des armées refuse le bénéfice du coefficient de majoration de retraite prévu par le décret du 12 juillet 2005, entre dans la catégorie des litiges relatifs aux pensions pour lesquels, en application des dispositions du 7° de l'article R. 811-1 précité du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Il suit de là que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 11 mai 2022 tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la ministre des armées refusant à l'intéressé le bénéfice du coefficient de majoration de retraite de 5 points prévu par le décret du 12 juillet 2005, revêtent le caractère d'un pourvoi en cassation. Par suite, la cour administrative d'appel de Nantes est incompétente pour statuer sur ce litige. Il y a donc lieu de transmettre le dossier de la requête de M. A... au Conseil d'Etat en tant qu'il est relatif au litige de pension.

4. En revanche, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 11 mai 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à obtenir des indemnités de travaux insalubres pour la période de 1982 à 2005, relève de la compétence de la cour administrative d'appel de Nantes en appel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de M. A... :

5. D'une part, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 8° Sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. (...)".

6. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ".

7. En premier lieu, s'agissant du point de départ du délai de prescription, ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions précitées, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'administration, qui a opposé la prescription quadriennale devant le tribunal administratif puis de nouveau en appel, a reconnu l'éligibilité de M. A... à l'obtention des indemnités de travaux insalubres pour la période de 1982 à 2005 à la date du 14 janvier 2014, date de l'établissement de l'état général des services de l'intéressé. En application des dispositions précitées, la prescription quadriennale expirait donc le 31 décembre 2018. M. A... ayant formé une réclamation préalable indemnitaire tendant à l'obtention des indemnités de travaux insalubres pour la période de 1982 à 2005 le 29 octobre 2019, l'administration est fondée à lui opposer la prescription quadriennale.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à obtenir des indemnités de travaux insalubres pour la période de 1982 à 2005.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de M. A... à fin d'annulation du jugement du 11 mai 2022 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet par laquelle la ministre des armées a refusé le bénéfice du coefficient de majoration de retraite de 5 points prévu par le décret du 12 juillet 2005 sont transmises au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT02205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02205
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22nt02205 ?
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