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06/02/2024 | FRANCE | N°22NT01582

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 06 février 2024, 22NT01582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 février 2022 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle le préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°2203701 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23

mai 2022, M. D..., représenté par Me Guinel-Johnson, demande à la cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 février 2022 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle le préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°2203701 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, M. D..., représenté par Me Guinel-Johnson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 mars 2022 ainsi que la décision du 25 février 2022 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert aux autorités autrichiennes et l'a assigné à résidence ;

2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de reconnaitre la France responsable de sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi qu'un formulaire de demande d'asile auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de cinq jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de A... la somme de 2 400 euros à verser à son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de A....

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation s'agissant du rejet du moyen relatif à l'absence de motivation de l'assignation à résidence ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont est entachée la mesure d'assignation à résidence.

Sur la légalité de la décision portant transfert aux autorités autrichiennes :

- le signataire de la décision n'est pas compétent : la délégation de signature du préfet ne pouvant être faite qu'à un membre du pôle régional Dublin ;

- la délégation de signature accordée ne vise pas expressément l'arrêté de nomination de la personne qui reçoit la délégation en méconnaissance de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 ;

- elle est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues : il n'est pas établi qu'il a reçu l'intégralité de l'information par écrit dans une langue comprise et que l'information lui a été apportée en temps utile ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues : il a été demandé au préfet de transmettre en temps utile le compte-rendu complet de l'entretien individuel, de justifier que l'entretien a permis de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations fournies, de justifier que l'entretien individuel a été conduit dans une langue qu'il comprenne, que l'entretien a été mené par une personne qualifiée et l'administration doit rendre possible pour le juge de connaitre le nom, le prénom et la qualité de la personne ayant conduit l'entretien, l'administration doit justifier que l'entretien a eu lieu dans des conditions garantissant la confidentialité et qu'elle a indiqué à l'intéressé le caractère confidentiel de l'entretien ;

* le tribunal a inversé la charge de la preuve administrative ;

- l'administration doit apporter la preuve qu'elle a respecté l'obligation de l'informer le requérant de son droit de bénéficier d'un examen médical gratuit en application de l'article L. 746-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : quant à sa vulnérabilité et au risque de refoulement vers son pays d'origine, il n'y a pas eu d'examen particulier de sa situation personnelle, il a besoin de soins et le seul membre de sa famille encore vivant réside en France, il a déjà été victime d'un refoulement depuis l'Autriche et il risque d'être exposé à de mauvais traitements en Autriche ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : sa situation de vie privée et familiale n'a pas été prise en compte.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant transfert aux autorités autrichiennes ;

- elle est insuffisamment motivée, le préfet ne motivant pas l'usage ni le choix de l'intensité de la mesure ;

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et disproportionnée : elle lui interdit de sortir du Département de Maine et Loire alors même qu'il a déclaré habiter à La Roche-sur-Yon, le préfet ne justifie pas la nécessité du lieu, de l'horaire de cette obligation de présentation et elle est contraire aux droits de la défense.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le délai de transfert du requérant vers l'Autriche a été reporté au 28 septembre 2023 et que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant afghan, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 31 janvier 2022. Il s'est présenté à la préfecture de la Loire Atlantique le 10 février 2022 pour solliciter le statut de réfugié. Les recherches conduites par la préfecture sur le fichier " Eurodac " ont fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées en Autriche le 20 janvier 2022, pays dans lequel il a déposé une première demande d'asile. Les autorités autrichiennes, saisies le 16 février 2022 sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour une reprise en charge de l'intéressé, ont donné leur accord le 18 février 2022. Le préfet de Maine-et-Loire a alors pris à son encontre, le 25 février 2022, la décision de transfert contestée. Par un arrêté du 25 février 2022, le préfet de Maine et-Loire a assigné à résidence l'intéressé pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de Maine-et-Loire. M. D... relève appel du jugement du 28 mars 2022, par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur l'étendue du litige :

2. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de A... membre requérant vers A... membre responsable s'effectue conformément au droit national de A... membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre A... membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, A... membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à A... membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure de remise. Quel que soit le sens de la décision rendue par le premier juge, ce délai court à compter du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution.

4. Il ressort des pièces du dossier que le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer M. D... aux autorités autrichiennes a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 28 mars 2022 rendu par ce dernier, puis il a été prolongé à dix-huit mois du fait du constat de la fuite du demandeur, dont les autorités autrichiennes ont été informées le 28 septembre 2022. Toutefois, ce délai a expiré le 28 septembre 2023 et la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection de M. D.... Par suite, la décision de transfert est devenue caduque à la date du présent arrêt et les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert du 25 février 2022 sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

5. En revanche, l'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à son annulation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Il ressort des paragraphes 16 et 19 du jugement attaqué que le tribunal s'est expressément prononcé sur les moyens tirés de l'absence de motivation de l'assignation à résidence et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision. Le jugement attaqué n'est donc pas irrégulier sur ces deux points.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de transfert aux autorités autrichiennes :

7. Il résulte des dispositions du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019, et de l'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer A... responsable de leur traitement (métropole) que le préfet de Maine-et-Loire est compétent pour déterminer A... responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée par toute personne ayant son domicile dans un département de la région Pays de la Loire, et pour prendre à son encontre une décision de transfert en application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. L'arrêté du 25 février 2022 portant transfert de l'intéressé auprès des autorités autrichiennes a été signé, pour le compte du préfet de Maine-et-Loire et par délégation, par Mme B... F..., cheffe du pôle régional Dublin. Aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 21 décembre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme B... F..., cheffe du pôle régional Dublin, à l'effet de signer notamment les décisions prises en application du Règlement Dublin III. M. D... ne peut donc utilement soutenir que la signataire ne ferait pas partie du Pôle régional Dublin, alors en outre qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de Maine-et-Loire d'accorder une délégation pour signer les décisions prises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 uniquement aux agents du pôle régional Dublin installé au sein des services de la préfecture. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que cet arrêté vise la nomination de l'agent bénéficiaire de la délégation. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de transfert de l'intéressé aux autorités autrichiennes doit être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de A... membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul A..., parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet A..., dit A... membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun A... membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si A... membre responsable est différent de A... membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet A..., qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre A... membre, elle peut être transférée vers cet A..., à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre A... membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre A... membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre A... membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet A..., doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans A... en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

10. L'arrêté prononçant le transfert de M. D... auprès des autorités autrichiennes vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le règlement de la Commission n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de l'intéressé, rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque M. D... s'était présenté devant les services de la préfecture de Loire-Atlantique et précise que la consultation du système Eurodac a montré que M. D... était connu des autorités autrichiennes auprès desquelles il avait sollicité l'asile et indique la date et le numéro de ces demandes. Il en résulte que la décision portant transfert de l'intéressé auprès des autorités autrichiennes est ainsi suffisamment motivée en application des dispositions de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un A... membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un A... membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un A... membre à un autre pendant les phases au cours desquelles A... membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de A... membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un A... membre peut mener à la désignation de cet A... membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

13. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre, le 10 février 2022, l'ensemble des informations requises ainsi qu'il résulte du compte-rendu d'entretien. Cette information qui comprend la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ", et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' " a été remise au requérant en pachto, langue d'audition à l'OFPRA et qu'il a déclaré comprendre. En outre, l'information a également été donnée oralement à M. D..., au cours de l'entretien du 10 février 2022 mené en langue pachto, l'intéressé ayant reconnu avoir compris les informations qui lui ont été communiquées en fin de compte-rendu d'entretien qu'il a signé, sans émettre aucune réserve. Dans ces conditions, et alors même que les informations en cause n'auraient été délivrées qu'à la fin de l'entretien individuel, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de A... membre responsable, A... membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. A... membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

15. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. D... qu'il a bénéficié le 10 février 2022, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue pachto, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours d'un interprète, dont l'identité est portée sur le compte-rendu d'entretien, intervenant pour le compte de la société ISM Interprétariat et dont aucun élément ne permet de douter de la compétence. Il n'est pas établi que l'intéressé n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation, au cours de l'entretien. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, le compte-rendu est signé par l'agent habilité de la préfecture ayant conduit l'entretien et l'absence d'indication de l'identité de cet agent n'a pas privé l'intéressé de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 imposent par ailleurs seulement la communication du résumé du compte rendu de l'entretien, sans mention d'éléments différents de ceux qui figurent sur le résumé présent dans les pièces du dossier. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que le résumé de cet entretien n'aurait pas été communiqué au conseil du requérant en temps utile. En se fondant sur ces éléments, le tribunal n'a pas inversé la charge de la preuve. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé n'aurait pas fait l'objet de l'évaluation prévue ou n'aurait pas été informé de la possibilité de bénéficier d'un examen médical gratuit pour déterminer les besoins particuliers en matière d'accueil, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté portant transfert aux autorités autrichiennes. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

16. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la demande de l'intéressé.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ".

18. M. D... soutient que le préfet aurait dû déroger aux critères de responsabilité au regard des motifs humanitaires qu'il fait valoir, à savoir la présence en France de son frère, bénéficiaire de la protection subsidiaire depuis 2016, qui travaille en France et grâce auquel il a pu fuir de l'Afghanistan où il encourrait des risques pour sa vie et sa sécurité. Toutefois, en se bornant à produire le titre de séjour de M. C... D..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1998, le requérant n'établit pas le lien de parenté avec cette personne, chez qui il est constant qu'il ne réside pas à ce jour, ni l'intensité de leurs liens familiaux. Par ailleurs, s'il fait valoir que la présence de son frère à ses côtés est indispensable au quotidien en raison des troubles psychiques dont il souffre à la suite du parcours migratoire particulièrement traumatisant qu'il allègue avoir vécu, il ne produit aucun document médical ni aucune pièce de nature à attester de l'existence de tels troubles En l'absence de production de toute pièce justificative d'une vulnérabilité particulière du requérant en raison notamment de son état de santé, le moyen tiré de ce que, en ne dérogeant pas aux critères de détermination de A... responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités autrichiennes, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, doit être écarté.

19. En dernier lieu, au terme de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

20. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 18 du présent arrêt, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas méconnu les stipulations susmentionnées en décidant le transfert de M. D... aux autorités autrichiennes, responsables de sa demande d'asile.

En ce qui concerne la légalité propre de l'arrêté portant assignation à résidence :

21. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités autrichiennes n'étant pas établie, le moyen tiré de l'illégalité de cet arrêté, soulevé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence, ne peut qu'être écarté.

22. En deuxième lieu, la décision contestée du 25 février 2022 assignant M. D... à résidence pendant quarante-cinq jours dans le département de Maine-et-Loire comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La décision susvisée est ainsi suffisamment motivée.

23. En troisième lieu, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision d'assignation à résidence contestée doit être rejetée pour les mêmes motifs que ceux relevés au point 8 du présent arrêt.

24. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 peut être assigné à résidence selon les modalités prévues aux articles L. 751-2 à L. 751-7. (...) / L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article (...) ". Et aux termes de l'article L. 751-5 du même code : " L'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 751-2 se présente aux convocations de l'autorité administrative (...) ".

25. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 751-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'un défaut de base légale, assortir sa décision d'assignation à résidence de l'obligation pour l'intéressé de se présenter au commissariat central de police à Angers tous les mardis sauf jours fériés à 8 heures. Contrairement à ce qui est allégué par le requérant, ce dernier pouvait sortir du département sur autorisation, ainsi que le prévoit la décision contestée. En outre, M. D... a déclaré être domicilié dans la structure du premier accueil des demandeurs d'asile (SPADA) d'Angers, et non à la Roche-sur-Yon, ainsi qu'il ressort des informations communiquées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait informé les services de la préfecture ou ceux de l'Office d'un changement de domiciliation et le requérant n'a émis aucune observation sur ce point lors de la notification de l'arrêté d'assignation à résidence, qui s'est faite avec l'appui d'un interprète en pachto. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait disproportionnée. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que le premier juge n'a pas examiné ce point manque en fait à la lecture des motifs développés au point 19 du jugement.

26. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 mars 2022 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 février 2022 du préfet de Maine-et-Loire l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

27. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés au litige :

28. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT01582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01582
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : CABINET ALTG19 GUINEL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22nt01582 ?
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