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02/02/2024 | FRANCE | N°23NT02993

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 02 février 2024, 23NT02993


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 juin 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Italie.



Par un jugement n° 2310266 du 7 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2023, M. A..., représenté pa

r Me Guinel-Johnson, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 juin 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Italie.

Par un jugement n° 2310266 du 7 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Guinel-Johnson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 7 août 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juin 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

sur la régularité du jugement attaqué :

- c'est à tort que le premier juge a requalifié le courrier du préfet enregistré le 1er août 2023 comme un mémoire en défense contenant des conclusions et des moyens ;

- les pièces produites par le préfet en annexe de ce courrier devront être écartées dès lors que cinq pièces n'ont pas de numérotation, que la plupart des libellés sont incompréhensibles et que des pièces sont produites sous le même signet sans inventaire précis ;

- en tenant compte de ces pièces irrégulières, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, en rompant le principe de " l'égalité des armes " entre les parties devant la juridiction et en contrevenant au principe du procès équitable ;

sur la légalité de l'arrêté contesté :

- le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent ;

- il n'est pas établi qu'il se soit effectivement vu délivrer dès le début de la procédure, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 a été méconnu ;

- il n'a pas bénéficié d'un entretien dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article 10 du règlement CE 1560/2003 ;

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la décision contestée méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de Maine-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen, né le 3 avril 1994, déclare être entré en France le 10 avril 2023. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 10 avril 2023. Lors de la consultation du fichier "Eurodac" pour la comparaison des empreintes digitales, régi par le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, il a été constaté que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été enregistrées en Italie. Les autorités de cet Etat ont été saisies le 22 juin 2023 par les autorités françaises au titre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A.... Les autorités italiennes ont implicitement accepté de se considérer responsables de cette demande. Par un arrêté du 28 juin 2023, sur le fondement de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert vers l'Italie de M. A.... L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 7 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes. " Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ".

3. Au regard des termes du courrier du préfet de Maine-et-Loire enregistré au greffe du tribunal administratif de Nantes le 1er août 2023, qui mentionnait que les pièces annexées " justifiaient la légalité " de l'arrêté du 28 juin 2023, c'est à bon droit que le premier juge l'a regardé comme un mémoire en défense contenant des conclusions à fin de rejet de la demande de première instance.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. / L'inventaire détaillé présente, de manière exhaustive, les pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite. ". Aux termes de l'article R. 611-8-5 du même code : " Le défendeur transmet chaque pièce par un fichier distinct sous peine de voir ces pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. / Chaque fichier transmis au moyen de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 porte un intitulé commençant par le numéro d'ordre affecté à la pièce qu'il contient par l'inventaire détaillé. Lorsque le défendeur recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application, l'intitulé de ce fichier décrit également le contenu de cette pièce de manière suffisamment explicite. Chaque pièce transmise au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 porte un intitulé décrivant son contenu de manière suffisamment explicite. / Les obligations fixées au précédent alinéa sont prescrites au défendeur sous peine de voir la pièce écartée des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. / Par dérogation aux dispositions des deuxième et troisième alinéas, lorsque le défendeur entend transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène eu égard à l'objet du litige, il peut les regrouper dans un ou plusieurs fichiers, à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que l'ordre de présentation, au sein de chacun d'eux, des pièces qu'ils regroupent soient conformes à l'énumération, figurant à l'inventaire, de toutes les pièces jointes à la requête. Le défendeur ne peut alors bénéficier de la dispense de transmission de l'inventaire détaillé prévue au premier alinéa. Ces obligations sont prescrites au défendeur sous peine de voir les pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. (...) ".

5. Il ressort de ces dispositions que le non-respect des obligations qu'elles prescrivent aux parties n'entraîne pas le rejet de leurs écritures comme irrecevables, mais implique seulement d'écarter des débats les pièces qui ne satisfont pas à leurs exigences.

6. Si M. A... soutient que plusieurs des pièces produites par le préfet de Maine-et-Loire en première instance ne respectent pas les dispositions citées au point 4, ce qui a eu pour effet de rompre le principe de " l'égalité des armes " entre les parties devant la juridiction et de méconnaître le principe du procès équitable, il n'établit pas ni même n'allègue que le premier juge se serait fondé sur ces pièces pour rendre le jugement attaqué.

7. Il résulte des points 2 à 6 que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour méconnaissance du caractère contradictoire de l'instruction, doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'arrêté attaqué :

8. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge les moyens tirés de ce que le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent et de ce que l'arrêté contesté ne serait pas suffisamment motivé, que M. A... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... et des conséquences de son transfert en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et la prise en compte de son état de santé.

10. En troisième lieu, l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend: / a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant; / b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives; / c) des destinataires des données; / d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées; / e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. / 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) 3. Une brochure commune, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du présent article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 est réalisée conformément à la procédure visée à l'article 44, paragraphe 2, dudit règlement. / La brochure est rédigée d'une manière claire et simple, et dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. / La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres peuvent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces informations spécifiques aux États membres portent au moins sur les droits de la personne concernée, sur la possibilité d'une assistance de la part des autorités nationales de contrôle, ainsi que sur les coordonnées des services du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle (...) ".

11. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Il suit de là que ce moyen doit être écarté comme étant inopérant.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, (...) ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. (...) Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 14 avril 2023, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture et à l'occasion de son entretien individuel, soit en temps utile, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressé le 14 avril 2023, sont rédigés dans une langue qu'il a déclaré comprendre, et dont le contenu lui a également été communiqué oralement lors de l'entretien du même jour où il était assisté d'un interprète en langue soussou, via les services de l'association ISM, agréée par le ministère de l'intérieur, qui a assuré l'interprétariat par téléphone, ainsi qu'en témoignent les cases cochées sur le compte-rendu d'entretien individuel par M. A..., qui a ainsi déclaré avoir compris les informations communiquées, et qui établit que l'intéressé a pu répondre aux questions qui lui étaient posées. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / (...) ". Aux termes de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. (...) /(...) ".

16. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié de l'entretien individuel mentionné à l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui s'est déroulé le 14 avril 2023 à la préfecture de la Loire-Atlantique, mené avec le concours d'un interprète en langue soussou. Aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions garantissant la confidentialité ou par une personne qualifiée en vertu du droit national. Par ailleurs, il ressort du compte rendu d'entretien, signé par l'intéressé, que M. A... a été interrogé de manière approfondie sur sa situation personnelle, notamment médicale et familiale, ainsi que sur son parcours migratoire. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article 10 du règlement (CE) de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343-2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers : " 1. Lorsque, en vertu de l'article 18, paragraphe 7, ou de l'article 20, paragraphe 1, point c), du règlement (CE) no 343/ 2003, selon le cas, l'État membre requis est réputé avoir acquiescé à une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, il incombe à l'État membre requérant d'engager les concertations nécessaires à l'organisation du transfert. / 2. Lorsqu'il en est prié par l'État membre requérant, l'État membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse. L'État membre responsable est tenu de prendre dans les meilleurs délais les dispositions nécessaires pour déterminer le lieu d'arrivée du demandeur et, le cas échéant, convenir avec l'État membre requérant de l'heure d'arrivée et des modalités de la remise du demandeur aux autorités compétentes ".

18. M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 10 du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, qui a pour seul objet de permettre l'organisation de l'exécution d'une décision de transfert en cas d'acceptation implicite des autorités responsables de l'examen de la demande d'asile.

19. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

20. Si M. A... invoque, sans les mentionner, les différentes pathologies dont il souffre, l'ordonnance et la fiche de prise de rendez-vous dans un centre de soins dentaires produites à l'appui de ses allégations ne suffisent pas à démontrer qu'il se trouverait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Il ne ressort pas non plus de l'examen de ces pièces que l'état de santé du requérant serait incompatible avec son transfert en Italie. En tout état de cause, il n'est aucunement établi que le requérant n'aurait pas accès en Italie aux traitements requis par son état de santé. Il n'est pas davantage établi que sa demande d'asile ne serait pas prise en charge en Italie. Le requérant ne démontre pas davantage qu'il serait exposé au risque de subir en Italie des traitements contraires aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, alors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers la Guinée, M. A... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait dû prendre en compte les risques auxquels il serait exposé dans ce pays.

21. Dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément de vulnérabilité, le requérant n'est fondé à soutenir ni que la décision de transfert méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que le préfet de Maine-et-Loire, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juin 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Guinel-Johnson et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Derlange, président,

- Mme Picquet, première conseillère,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2024.

La rapporteure

P. PICQUET

Le président

S. DERLANGELe greffier

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02993
Date de la décision : 02/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DERLANGE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CABINET ALTG19 GUINEL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-02;23nt02993 ?
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