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26/01/2024 | FRANCE | N°23NT02636

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 26 janvier 2024, 23NT02636


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2022 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un certificat de résidence.



Par un jugement n° 2201999 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 septembre et 29 décembre 2023, M. A... C... B..

., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2022 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un certificat de résidence.

Par un jugement n° 2201999 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 septembre et 29 décembre 2023, M. A... C... B..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 3 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2022 du préfet du Calvados ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision litigieuse porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de son fils.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 octobre 2023 et le 9 janvier 2024 (ce dernier non communiqué), le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête et demande, à titre subsidiaire, à la cour de minorer la somme réclamée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 9 avril 1994 à Mostaganem (Algérie), est entré en France le 7 février 2016 muni d'un visa de court séjour. Il a bénéficié en 2020 d'un certificat de résident en qualité de parent d'enfant français valable jusqu'au 29 juin 2021. Par un arrêté du 31 mai 2021, le préfet du Calvados a refusé de renouveler son certificat de résident, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an. Le tribunal administratif de Caen, par un jugement du 10 novembre 2021, a annulé cet arrêté pour défaut de consultation de la commission du titre de séjour et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. B.... Le préfet du Calvados a pris, le 29 juillet 2022, un arrêté portant refus de titre de séjour. M. B... relève appel du jugement du 3 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. ".

3. Il est constant que M. B..., entré en France en avril 2016, est le père d'un enfant de nationalité française né en 2017 dont il subvient effectivement à l'éducation et à l'entretien depuis sa naissance. A la date de la décision litigieuse, M. B... vivait seul avec son fils, qui était placé sur décision du juge des enfants à son domicile et il ressort du jugement en assistance éducative rendu en juin 2022 que l'appelant permettait à son enfant d'évoluer dans un cadre familial stable et structurant. La mère de l'enfant, de nationalité française, bénéficiait à cette même date d'un droit de visite en lieu neutre afin de permettre le maintien du lien avec l'enfant. L'extrait du bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressé porte trace de cinq condamnations pénales prononcées entre 2016 et décembre 2020 pour des faits de vols en réunion commis les 13 février 2016 et 16 juillet 2018, de détention frauduleuse et usage de plusieurs faux documents administratifs commis le 21 octobre 2016, d'usage de stupéfiants commis les 23 janvier 2017, de port sans motif légitime d'armes de catégorie D commis les 26 juillet 2018, et de violences sans incapacité sur concubin et de menaces de mort réitérées par concubin commis du 1er janvier 2017 au 1er mars 2019. M. B... a enfin été condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement, et non de deux ans comme indiqué par erreur dans le jugement attaqué, assortie du sursis probatoire pendant deux ans pour des faits d'usage de stupéfiants et de port sans motif légitime d'un briquet-couteau commis le 6 octobre 2021. Malgré le caractère réitéré des infractions commises, et alors que le refus de séjour opposé à M. B... fait obstacle à ce que M. B... puisse travailler régulièrement pour subvenir aux besoins de son enfant, en refusant de renouveler le certificat de résidence d'un an de M. B... au motif que sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le préfet du Calvados a méconnu l'intérêt supérieur de ce dernier protégé par les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de ce tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Eu égard à ces motifs, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet du Calvados de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention vie privée et familiale, dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition de l'arrêt à intervenir, et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu, à ce stade, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Cavelier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 3 juillet 2023 et l'arrêté du préfet du Calvados du 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention vie privée et familiale, dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition de l'arrêt à intervenir, et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Me Cavelier la somme de 1 200 euros au titre des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02636


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02636
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;23nt02636 ?
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