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26/01/2024 | FRANCE | N°23NT02199

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 26 janvier 2024, 23NT02199


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 11 mai 2022 par laquelle le préfet de l'Orne a rejeté la demande de regroupement familial qu'il a présentée en faveur de son fils.



Par un jugement n° 2201510 du 2 juin 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juillet et 29 décembre

2023, M. E..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 11 mai 2022 par laquelle le préfet de l'Orne a rejeté la demande de regroupement familial qu'il a présentée en faveur de son fils.

Par un jugement n° 2201510 du 2 juin 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juillet et 29 décembre 2023, M. E..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 2 juin 2023 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de l'Orne du 11 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de réexaminer sa demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de faire droit à sa demande de regroupement familial ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ne pouvaient procéder à une substitution de motifs alors que la décision était entachée d'erreur de droit et de défaut d'examen particulier de sa situation, une telle substitution le privant de la garantie attachée à l'examen particulier de sa situation, d'autant plus que le préfet de l'Orne n'avait fait valoir aucun autre motif devant les premiers juges pour justifier la légalité de la décision litigieuse ;

- la décision litigieuse est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation et d'erreur de droit en ce que le préfet de l'Orne s'est cru en situation de compétence liée pour refuser le regroupement familial en faveur de son fils après avoir constaté qu'il réside en France ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt supérieur de son fils en méconnaissance de l'article 3.1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2023, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par une décision du 20 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... G..., ressortissant péruvien, entré en France le 12 mai 2015, dispose d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 1er septembre 2025. Le 16 novembre 2017, il a sollicité une autorisation de regroupement familial au profit de son fils mineur, F.... Par un arrêté du 28 août 2020, le préfet de l'Orne a rejeté sa demande au motif que son fils résidait déjà en France depuis le mois de février 2017 et qu'il ne se prévalait d'aucun motif exceptionnel justifiant que son enfant, titulaire d'un document de circulation pour étranger mineur valable jusqu'au 6 mars 2022, bénéficie de ce dispositif. Le 29 mars 2022, M. E... a présenté une nouvelle demande de regroupement familial en faveur de son fils. Par une décision du 11 mai 2022, le préfet de l'Orne a rejeté sa demande. M. E... relève appel du jugement du 2 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : 1° par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans,2° et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 434-6 de ce code, alors applicable : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) / 3° Un membre de la famille résidant en France ". L'autorité administrative, qui dispose d'un pouvoir d'appréciation, n'est pas tenue par les dispositions précitées de rejeter la demande de regroupement familial lorsque le membre de la famille du demandeur réside en France.

3. Pour refuser d'accorder à M. E... le bénéfice du regroupement familial qu'il a sollicité en faveur de son fils, le préfet de l'Orne s'est exclusivement fondé sur la circonstance que son fils vivait déjà en France, pour en déduire que sa situation n'était pas éligible au regroupement familial. Il s'ensuit que le préfet de l'Orne, qui s'est cru à tort en situation de compétence liée pour rejeter la demande de regroupement familial de M. E... par le seul constat de la résidence en France de son fils et s'est ainsi mépris sur l'étendue de son pouvoir d'appréciation, a commis une erreur de droit.

4. Pour établir la légalité de la décision litigieuse, le préfet de l'Orne demande à la cour, dans son mémoire en défense, de substituer au motif initial un autre motif qui serait tiré de ce que le refus de regroupement familial ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. E.... Toutefois, en se bornant à faire valoir que le refus de regroupement familial ne porte pas une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, le préfet ne propose pas un nouveau motif pour fonder la décision litigieuse, qui demeure justifiée par la résidence en France du fils de l'appelant, mais tente de remédier à l'erreur de droit qu'il a initialement commise en se croyant à tort en situation de compétence liée pour refuser le bénéfice du regroupement familial après constat de cette situation de fait. Il s'ensuit que la demande de substitution de motif sollicitée ne peut qu'être rejetée.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement, mais nécessairement, que le préfet de l'Orne réexamine la demande de M. E... et prenne une nouvelle décision. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Orne de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision sur la demande de regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25%. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Cavelier de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 11 mai 2022 du préfet de l'Orne et le jugement du tribunal administratif de Caen du 2 juin 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Orne de réexaminer la demande de regroupement familial de M. E... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Cavelier, avocat de M. E..., une somme de 1 200 euros au titre des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02199
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;23nt02199 ?
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