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26/01/2024 | FRANCE | N°23NT02138

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 26 janvier 2024, 23NT02138


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination



Par un jugement n° 2301268 du 18 avril 2023 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée l

e 16 juillet 2023, M. A..., représenté par

Me Le Strat, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 18 avr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination

Par un jugement n° 2301268 du 18 avril 2023 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2023, M. A..., représenté par

Me Le Strat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 avril 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 18 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours suivant l'arrêt à intervenir ou subsidiairement de procéder à un nouvel examen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 800 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen opérant tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le jugement est infondé :

- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : son droit à être entendu a été méconnu en violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de destination : elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 16 mai 2023, M A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les observations de Me Berthaut, représentant M. A...

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1981, ressortissant de Géorgie, est entré en France le 4 juillet 2022, et y a sollicité, le 25 juillet 2022, le bénéfice du statut de réfugié. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a, par une décision du 21 décembre 2022, rejeté cette demande. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a, par un arrêté du 20 février 2023 pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décidé de l'obliger à quitter le territoire français dans les trente jours et a fixé la Géorgie comme pays de destination d'une mesure d'éloignement. Aux termes d'un jugement du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. A... qui relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Devant le premier juge, le requérant a soutenu que n'ayant pas été placé devant la possibilité de présenter ses observations à l'autorité préfectorale avant qu'elle ne prenne sa décision, il n'a pu être mis à même d'exposer sa situation personnelle et familiale de sorte que la décision querellée était entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation en méconnaissance des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

3. Si le tribunal a répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de cette charte, il a omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation du requérant. Par suite M. A... est fondé à soutenir que le jugement en litige est entaché d'une insuffisance de motivation et qu'il doit, pour ce motif, être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de se prononcer sans délai sur la demande de l'intéressé.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Aux termes de l'article L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. " et aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° / (...). ".

6. Lorsqu'un étranger sollicite la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile, il ne saurait ignorer, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un tel titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter toutes les précisions qu'il juge utile et il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande par les instances chargées de l'asile, de faire valoir toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne leurs décisions, n'impose pas à l'autorité préfectorale de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui fait suite au refus de titre de séjour au titre de l'asile.

7. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français et de fixer le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en exécution de cette obligation, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour et la décision fixant le pays de renvoi découle nécessairement de l'obligation de quitter le territoire français. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur ces deux décisions, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

8. M. A..., qui doit être regardé comme ayant entendu solliciter son admission au séjour en qualité de réfugié disposait de la faculté pendant l'examen de sa demande d'asile de faire valoir devant le préfet tous éléments d'information ou arguments susceptibles d'influer sur le sens de la décision qu'il est amené à prendre y compris celles relatives à sa situation personnelle et familiale. Il ne ressort pas du dossier que le requérant aurait sollicité en vain un entretien ou aurait été empêché de présenter spontanément des observations sur sa situation avant que ne soit prise la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté comme manquant en fait. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet, qui a procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, ainsi qu'il ressort de l'énoncé précis des circonstances de fait et de droit sur lesquelles repose la décision en litige, se serait estimé lié par la décision prise par l'OFPRA.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme du 4 novembre 1950 " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un État pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet État, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'État de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

10. Si le requérant fournit une documentation générale relative au trafic de drogue sévissant dans son pays d'origine, la circonstance que le port de Poti dans lequel il travaillait serait particulièrement concerné ne suffit pas, à elle seule, à établir l'existence des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Géorgie ; l'OFPRA a d'ailleurs rejeté sa demande d'asile.

11. Il s'ensuit que les conclusions présentées à titre principal par le requérant ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions subsidiaires à fin de suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 752-11 du même code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile ".

13. L'appelant ne produit aucun élément sérieux justifiant son maintien sur le territoire français dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur son recours. Par suite ses conclusions tendant à la suspension de l'obligation de quitter le territoire prise à son égard doivent être rejetées.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le rejet des conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Il s'ensuit que les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en l'espèce, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... ne peuvent dès lors être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2301268 du 18 avril 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

La présidente-rapporteure,

C. BRISSON

Le président-assesseur,

GV. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02138


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02138
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET GAELLE LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;23nt02138 ?
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