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26/01/2024 | FRANCE | N°23NT01813

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 26 janvier 2024, 23NT01813


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.



Par un jugement n° 2300060 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

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Par une requête enregistrée le 19 juin 2023, Mme B... A..., représentée par Me Le Strat, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2300060 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2023, Mme B... A..., représentée par Me Le Strat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la mise à disposition de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation en la munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, en ce que les premiers juges ont statué ultra petita en écartant le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme étant inopérant à l'encontre de la mesure d'éloignement, alors qu'elle n'avait pas invoqué ce moyen au soutien de ses conclusions ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- les observations de Me Berthaut, substituant Me Le Strat, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante angolaise née le 5 février 1982, déclare être entrée en France le 19 janvier 2019 avec deux de ses enfants. Elle a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 16 mars 2022, confirmée le 20 septembre suivant par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 20 décembre 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai. Mme A... relève appel du jugement du 9 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2022.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La circonstance que le tribunal a, pour rejeter la demande de Mme A..., écarté un moyen qui n'était pas invoqué est sans incidence sur la régularité du jugement. Dès lors, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont écarté comme étant inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'il n'était pas invoqué au soutien des conclusions à fin d'annulation de cette mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en janvier 2019 avec deux de ses enfants nés en 2009 et 2013, scolarisés au collège et en école primaire à la date de l'arrêté litigieux. Les travaux ménagers qu'elle justifie avoir réalisés au domicile de particuliers entre septembre et décembre 2022 ne suffisent pas à caractériser une insertion sociale et professionnelle particulière sur le territoire français. Si elle se prévaut de sa relation de couple avec un ressortissant angolais en situation régulière, elle se borne à produire les résultats positifs d'un test sanguin de grossesse établi à son nom le 1er février 2023 ainsi que la copie intégrale d'une reconnaissance anticipée de paternité du 27 mars 2023. Toutefois, ces éléments sont postérieurs à l'arrêté litigieux et ne suffisent pas, en toute hypothèse, à établir la réalité de la vie commune dont elle se prévaut. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la fille aînée de Mme A..., née en 2007, ne réside pas en France. Dès lors, à défaut de justifier de l'existence d'une insertion sociale et de liens personnels suffisamment intenses, stables et anciens en France, et alors que rien ne fait obstacle à ce que la scolarité de ses enfants se poursuive hors de France, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

5. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. ".

6. Mme A... soutient avoir été menacée en Angola par des clients de la banque dans laquelle elle était employée qui la tenaient responsable des détournements de fonds dont ils ont été victimes de la part du directeur des ressources humaines de l'entreprise " Cambo e Xinde " avec laquelle elle avait conclu un contrat de partenariat, bien qu'elle ait été innocentée par la justice de son pays. Elle allègue, en outre, avoir été victime d'une tentative d'assassinat à son domicile le 21 novembre 2018, ce qui l'aurait conduite à fuir son pays pour se réfugier en France. Toutefois, alors que les instances en charge de l'asile ont estimé, après audition de l'intéressée, que certains de ses propos étaient évasifs, voire non crédibles, s'agissant des évènements ayant conduit à son départ d'Angola et quant à ses craintes en cas de retour, dans la mesure où elle a été acquittée par la justice de son pays, et où elle indique avoir déposé plainte à la suite de la tentative d'assassinat alléguée et avoir été toujours soutenue par son employeur qui lui a proposé une mutation dans une autre province, Mme A... n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément probant permettant d'établir la réalité des risques dont elle se prévaut en cas de retour en Angola. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et la demande présentée au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées, par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01813
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET GAELLE LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;23nt01813 ?
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