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26/01/2024 | FRANCE | N°23NT00375

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 26 janvier 2024, 23NT00375


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé la Géorgie comme pays de destination.



Par un jugement n° 2205044 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de M. B....



Procédure devant la cour : >


Par une requête enregistrée le 10 février 2023, M. A... B..., représenté par

Me Le Strat, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé la Géorgie comme pays de destination.

Par un jugement n° 2205044 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2023, M. A... B..., représenté par

Me Le Strat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé la Géorgie comme pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaissait la dimension procédurale de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle ne dissipait pas toute crainte de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour dans son pays d'origine ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il entend soulever, par la voie de l'exception, les moyens tirés de l'inconventionnalité des dispositions qui lui sont appliquées au regard des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de leur inconstitutionnalité au regard de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- l'arrêté méconnaît les articles L. 425-9 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- et les observations de Me Berthaut, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant géorgien né le 15 février 1961, est entré en France le 13 octobre 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 27 décembre 2018. Il a sollicité en septembre 2021 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 18 mai 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui a repris à son compte l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 1er avril 2022 estimant que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire et voyager sans risque vers ce pays, a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 29 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de la motivation du point 13 du jugement attaqué que les premiers juges, qui se sont référés à leur appréciation, déjà exposée aux points 6 et 7 de ce jugement, concernant le droit de M. B... à bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, appréciation elle-même fondée sur l'avis, non valablement contesté, du collège des médecins de l'OFII, ont considéré que, " en se bornant à alléguer des risques pour sa santé sans apporter aucun élément quant à leur nature ", le requérant " n'établit pas que son retour en Géorgie aurait des conséquences néfastes sur sa situation personnelle au point d'emporter violation des droits garantis par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". Ils ont ainsi suffisamment répondu au moyen de légalité interne, dont ils étaient saisis, tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaissait ces stipulations internationales. Si le requérant fait valoir que ce moyen comportait deux branches, la seconde relative à la " violation de l'obligation substantielle de l'article 3 de la C.E.D.H. ", à laquelle le tribunal a répondu, et la première, à laquelle il n'aurait pas répondu, relative à la méconnaissance de ce même article 3 " dans son volet procédural ", tenant à l'obligation incombant selon lui à la juridiction de " dissiper ses craintes " ou ses " doutes " quant au risque d'être soumis à des traitements inhumains par une démonstration en ce sens suffisamment développée et étayée, la motivation rappelée ci-dessus répond de manière satisfaisante à l'argumentation de M. B... prise dans son ensemble. Le moyen tiré de ce que le jugement du 29 décembre 2022 du tribunal administratif de Rennes serait irrégulier faute de répondre à un moyen soulevé et qui n'était pas inopérant doit donc être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

4. L'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions précitées prévoit que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

5. En premier lieu, l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine vise ou cite les dispositions des articles L. 425-9, L. 611-1, L. 611-3, L. 612-1, et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application et mentionne la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressé et l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Cette motivation et l'ensemble des considérants de l'arrêté préfectoral permettent de vérifier que le préfet, qui a pris en compte la situation de l'intéressé au regard de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a procédé à un examen suffisant de la demande de M. B.... Si, lors du dépôt de la demande de titre du requérant, le préfet a communiqué à celui-ci l'information, destinée à garantir le secret médical, que les documents médicaux devaient être transmis, non à ses services, mais au seul OFII, il ne peut être déduit de cette circonstance que le requérant aurait été privé de la possibilité de faire valoir auprès de l'autorité administrative compétente l'ensemble des éléments caractérisant sa situation. De même, la circonstance que le préfet n'a mentionné dans sa décision, ni les précédents titres de séjour dont l'intéressé a bénéficié, qualifiant au contraire inexactement la demande de M. B... de " première demande de titre pour raisons de santé ", ni les sources documentaires concernant la disponibilité des traitements médicaux dans le pays d'origine de l'intéressé, ne suffit pas à caractériser une insuffisance de l'examen par l'autorité administrative de la demande portée devant lui. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier ne peuvent être accueillis.

6. En deuxième lieu, M. B... invoque le moyen tiré de ce que les dispositions précitées, notamment celles de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, méconnaissent, d'une part, l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, garantissant le droit d'accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires et l'obligation pour l'administration de motiver ses décisions, et, d'autre part, l'article 47 de la même charte ainsi que l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme garantissant à toute personne le droit à un recours effectif devant un tribunal impartial. Il expose qu'il est dans l'impossibilité de pouvoir connaître et discuter les motifs ayant amené le collège de médecins de l'OFII, puis l'autorité préfectorale, à estimer qu'il pourrait bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine, ce qui porte atteinte au principe du contradictoire et à celui de l'égalité des armes. Il fait également valoir que le demandeur d'un titre de séjour pour raisons de santé qui se voit opposer un refus de séjour au motif que des soins seraient disponibles dans son pays d'origine n'a pas accès aux données et ressources documentaires qui fondent l'avis du collège des médecins, dont la motivation est succincte, ce qui préjudicie d'autant plus au principe du contradictoire et aux droits de la défense que, au plan contentieux, le juge administratif accorde une valeur probante présumée à l'avis des médecins. Il en déduit que la procédure ayant conduit à l'arrêté litigieux est irrégulière, car contraire aux principes de l'égalité des armes et du procès équitable.

7. Toutefois, la motivation de l'avis du collège médical de l'OFII, telle qu'elle est prévue par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 cité ci-dessus, assure une conciliation, qui n'est pas déséquilibrée, entre l'obligation pour l'administration de motiver ses décisions et donner accès aux intéressés à leur dossier administratif et le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et, en particulier, du secret médical. L'article 6 susmentionné n'a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle au droit des intéressés de connaître les motifs des décisions ou d'accéder aux dossiers qui les concernent. Il n'empêche pas, en effet, les demandeurs d'une admission au séjour pour raisons de santé de lever le secret médical les concernant, de verser au débat contradictoire tous les éléments pertinents concernant leur état de santé et d'obtenir la communication, après l'avoir sollicitée, de leur dossier médical devant l'OFII. Si le requérant fait valoir, en outre, que les données d'information médicale sur lesquelles s'est fondé le collège de médecins de l'OFII pour prendre son avis, en particulier en ce qui concerne les soins disponibles pour les étrangers concernés dans leurs pays d'origine et la possibilité pour eux d'en bénéficier effectivement ne sont pas accessibles, en sorte qu'ils ne pourraient pas être utilement discutés dans le cadre du débat contentieux, il n'est pas démontré que l'OFII disposerait à ce sujet de documents d'information confidentiels ou secrets à caractère non public, dont l'inaccessibilité au justiciable mettrait celui-ci dans l'incapacité de se défendre ou créerait à son détriment une inégalité contraire au principe d'égalité des armes applicable devant les juridictions. Il est au demeurant loisible au justiciable de produire à l'instance tout document utile de nature à établir l'inaccessibilité dans son pays d'origine des soins qui lui sont nécessaires, et au juge, saisi de ces éléments, de diligenter, s'il le juge utile, toute mesure d'instruction, telle que la production par l'OFII de l'entier dossier médical de l'étranger ou la communication de la procédure à cet office pour d'éventuelles observations. Le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la procédure d'instruction prévue par les textes cités au point 4 ayant conduit à la décision litigieuse méconnaîtrait les articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 16 de la Constitution ne peut, en tout état de cause, être accueilli.

8. En troisième lieu, d'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 3 que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège des médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

9. D'autre part, s'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment, l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, dont il peut demander la communication s'il estime utile cette mesure d'instruction au regard des éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

10. En l'espèce, il ressort d'un avis du 1er avril 2022 que le collège des médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié.

11. Pour contester ce dernier point de l'avis, M. B... expose qu'il " souffre de nombreuses pathologies, dont une cirrhose virale C compliquée d'une hypertension pulmonaire majeure, une hypertension artérielle et un diabète de type 2 ", qu'il est suivi pluri-disciplinairement en France depuis 2018 " et que, " en 2020, il a subi une opération chirurgicale pour la pose d'un TIPS dans le but de faire cesser des hémorragies et d'irriguer le foie ". S'il produit des comptes-rendus médicaux faisant état d'une stabilisation de son état de santé dès 2020 et d'un suivi au long cours tous les six mois en 2022, ainsi que des ordonnances médicamenteuses, et s'il évoque de prochains examens médicaux, il ne remet pas en cause l'appréciation du collège des médecins de l'OFII sur la disponibilité en Géorgie des soins qui lui sont nécessaires, et n'apporte aucun élément circonstancié quant à l'impossibilité alléguée de bénéficier de soins appropriés à son état dans son pays d'origine. Les documents médicaux qu'il produit en cause d'appel avant la clôture de l'instruction, témoignant de la persistance des soins et du suivi qui lui sont apportés par plusieurs services spécialisés du centre hospitalier universitaire de Rennes, notamment en hépatologie et en pneumologie, et par le centre médical Louis Guilloux de Rennes, ne permettent pas non plus d'établir l'impossibilité d'une prise en charge adéquate en Géorgie. Ainsi, en estimant que l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, sans qu'il soit besoin de solliciter l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour méconnaît ces dispositions doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré par le requérant de ce que, en décidant de l'obliger à quitter le territoire, le préfet aurait méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. En se bornant à alléguer qu'il encourt un " risque pour sa vie en cas de défaut de soin ", M. B... n'établit pas, eu égard à ce qui a déjà été dit ci-dessus au point 11, que son retour dans son pays d'origine aurait sur sa situation personnelle des effets constitutifs d'une situation contraire aux droits garantis par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré d'une méconnaissance de ces stipulations par la décision fixant la Géorgie comme pays où le requérant sera susceptible d'être reconduit s'il n'exécute pas lui-même la mesure d'éloignement prise à son encontre doit donc être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes s a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet d'Ille-et-Vilaine lui refusant un titre de séjour pour raison de santé, l'obligeant à quitter le territoire et fixant la Géorgie comme pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

15. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction dont elles sont assorties ne sauraient être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par l'avocate de M. B... ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00375
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET GAELLE LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;23nt00375 ?
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