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26/01/2024 | FRANCE | N°23NT00266

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 26 janvier 2024, 23NT00266


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 25 octobre 2021 par laquelle le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2201090 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de Mme D....



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistré

e le 1er février 2023, Mme B... D..., représentée par

Me Le Verger, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 25 octobre 2021 par laquelle le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2201090 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de Mme D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2023, Mme B... D..., représentée par

Me Le Verger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 décembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 25 octobre 2021 par laquelle le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'insuffisance de motivation, en ce qu'il s'abstient de distinguer, dans sa motivation, ce qui relève de la décision initiale et ce qui relève de la décision prise sur recours gracieux, alors que les demandes correspondantes ne reposaient pas sur les même pièces justificatives, la seconde étant fondée sur un élément nouveau et déterminant, soit la saisine du juge aux affaires familiales, laquelle justifiait que l'autorité administrative sursoie à statuer dans l'attente de la décision rendue par ce juge ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'un défaut d'examen particulier et d'une insuffisance de motivation, notamment au regard des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui ne sont même pas visés ;

- le préfet a méconnu l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ses trois enfants résident chez elle, qu'elle s'en occupe quotidiennement et qu'elle a engagé une procédure afin d'obtenir un jugement fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale ;

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation familiale et méconnaît les stipulations des articles 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant

Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22,

R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- et les observations de Me Gaidot, représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., ressortissante comorienne née en 1988, mère de cinq enfants dont deux de nationalité française, est entrée en France métropolitaine le 12 novembre 2020 munie d'un titre de séjour " vie privée et familiale " qui lui a été délivré à C.... Le 3 juin 2021, elle a sollicité son admission au séjour en sa qualité de parent d'enfant français sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui lui a été refusé par une décision du 25 octobre 2021 du préfet du Finistère contre laquelle elle a formé un recours gracieux qui a été implicitement rejeté. Elle relève appel du jugement du 12 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des écritures de première instance de Mme D... que, comme l'ont retenu les premiers juges, cette requérante demandait tant l'annulation de la décision expresse de refus de titre de séjour prise le 25 octobre 2021 par le préfet du Finistère que celle de la décision implicite de la même autorité rejetant le recours gracieux de l'intéressée. Toutefois, ces écritures ne comportaient pas de moyens spécifiques dirigés contre la seconde de ces décisions, mais une argumentation commune, explicitement dirigée contre la seule décision initiale, et fondée sur le défaut de motivation de celle-ci, le défaut d'examen particulier, la violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et

3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et l'erreur manifeste d'appréciation, tous moyens auxquels les premiers juges ont répondu par une motivation commune et suffisante. Le moyen tiré par la requérante de l'irrégularité du jugement attaqué pour défaut de motivation ne peut donc qu'être écarté. Mme D... ne peut, par ailleurs, utilement faire valoir, à l'encontre de ce jugement, qu'il est entaché d'un " défaut d'examen sérieux ", un tel moyen étant relatif au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. La décision attaquée vise les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet du Finistère a fait application et mentionne l'absence de preuves suffisantes de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant français de Mme D... par celle-ci ou le père de cet enfant, l'absence d'attaches sur le territoire français de l'intéressée et la présence des autres enfants à C.... La décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par la suite, suffisamment motivée, même si le préfet n'a pas cité la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la convention internationale relative aux droits de l'enfant au regard desquelles il a examiné la situation de la famille. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 de ce code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est mère de cinq enfants dont deux sont de nationalité française, ayant été reconnus par leurs pères français dans le cadre de l'article 316 du code civil. Si, contrairement à ce qu'a retenu le préfet du Finistère au regard des éléments justificatifs qui lui étaient fournis, Mme D... établit vivre avec ses enfants français et doit être regardée, dans ces conditions, comme s'occupant d'eux, elle n'établit pas, par les documents qu'elle produit, que les pères de ces deux enfants dont aucun ne réside avec l'intéressée, contribuent à leur éducation et à leur entretien. D'autre part, il est constant qu'aucune décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de ces enfants n'avait été rendue à la date de la décision litigieuse. Il suit de là que les conditions posées au premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour que

Mme D... bénéficie d'un titre de séjour par application de l'article L. 423-7 du même code ne sont pas remplies. Par ailleurs, il ressort des termes de la décision attaquée que, comme le prévoit le deuxième alinéa de l'article L. 423-8 de ce code, le droit au séjour de l'intéressée a été apprécié au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de ses enfants, le préfet ayant retenu que Mme D... ne justifiait d'aucune attache sur le territoire métropolitain et que le reste de la fratrie vivait à C.... Dans ces conditions, le second motif retenu par le préfet justifie la décision attaquée et le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

7. Ainsi qu'il a été dit, Mme D... est entrée très récemment en France métropolitaine, elle est célibataire et mère de cinq enfants dont trois sont présents sur le territoire métropolitain, le reste de la fratrie résidant à C.... A l'exception de ses trois enfants vivant en France métropolitaine avec elle, la requérante n'apporte aucune preuve de liens d'une particulière intensité sur le territoire. Par ailleurs, Mme D... conserve de fortes attaches à C..., où résident ses autres enfants, ainsi que les pères des enfants vivant avec elle sur le territoire métropolitain. Enfin, la décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme D... de ses enfants, ni, notamment, d'empêcher la poursuite de la prise en charge médicale du jeune A..., qui fait l'objet d'un suivi médico-psychologique dont il n'est pas établi qu'il ne pourrait s'effectuer à C..., département dans lequel les enfants peuvent être scolarisés. Il s'ensuit que le préfet du Finistère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son refus de titre de séjour sur la situation de Mme D... et des enfants présents avec elle en France, ni méconnu les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2021 par laquelle le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que de la décision par laquelle cette même autorité, en gardant le silence sur le recours gracieux de l'intéressée, a rejeté implicitement celui-ci.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction dont elles sont assorties ne sauraient être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par l'avocate de Mme D... ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00266
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE VERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;23nt00266 ?
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