Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a refusé le rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile. Par une requête distincte, il a également sollicité l'annulation de la décision du 19 octobre 2020 prise par l'Office français de l'immigration et de l'intégration confirmant ce refus.
Par un jugement n°s 2010647, 2010944 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 avril 2023, M. B..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 mars 2023 ;
2°) d'annuler la décision litigieuse ;
3°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui verser l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) à laquelle il aurait pu prétendre depuis la cessation de ses versements dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire de réexaminer ses droits ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- il n'a pas bénéficié d'un nouvel entretien d'évaluation de sa vulnérabilité avant la décision du 19 octobre 2020 ;
- il n'est pas établi que la personne qui a procédé à son entretien au mois de juin 2020 avait reçu une formation spécifique à cette fin ;
- il n'est pas établi qu'il a été informé préalablement et dans une langue qu'il comprend des conséquences de l'acceptation ou du refus de l'hébergement proposé ;
- la décision contestée est entachée d'illégalité dès lors que la France s'est reconnue compétente pour instruire sa demande d'asile ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que les dispositions des articles L. 744-1 et L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas la possibilité de retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;
- elle est également entachée d'une erreur de droit au motif que les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018, qui lui sont applicables, prévoyaient seulement la suspension des conditions matérielles d'accueil et non leur retrait ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le requête est irrecevable, à défaut de comporter des moyens d'appel, et que les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 7 juillet 2020, M. B..., ressortissant érythréen, a sollicité auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile. Il a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation du rejet implicite de sa demande. Par une requête distincte, il a également sollicité auprès du tribunal l'annulation de la décision du 19 octobre 2020 prise par l'OFII rejetant sa demande. Il relève appel du jugement du 7 mars 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 octobre 2020 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : /1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...) ". Si les termes de cet article ont été modifiés par différentes dispositions du I de l'article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l'article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur ensemble qu'à compter du 1er janvier 2019 et ne s'appliquent qu'aux décisions initiales, prises à compter de cette date, relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil proposées et acceptées après l'enregistrement de la demande d'asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018. Il ressort des pièces du dossier que les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile ont été accordées à M. B... le 30 mai 2018. Par suite, c'est à juste titre que le tribunal administratif a jugé que seules les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction antérieure à la loi du 10 septembre 2018 étaient applicables à la situation de l'intéressé.
3. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens invoqués par le requérant, tirés de ce que la décision du 19 octobre 2020 serait insuffisamment motivée, serait intervenue sans entretien d'évaluation de sa vulnérabilité et sans qu'il soit préalablement informé dans une langue qu'il comprend des conséquences de l'acceptation ou du refus de l'hébergement proposé, et de ce que cette décision serait entachée d'illégalité au motif que la France s'est reconnue compétente pour instruire sa demande d'asile et enfin de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, que l'intéressé réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " (...) L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin (...) ". Il ressort des pièces du dossier que, le 29 juin 2020, lors du dépôt de sa demande de rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, M. B... a bénéficié d'un entretien en langue tigrigna par l'intermédiaire d'un interprète. Cet entretien a été conduit par un agent dont les initiales ainsi que le cachet de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont c'est la principale mission, et la mention " auditeur asile " figurent sur la fiche d'évaluation de sa vulnérabilité. Si le requérant soutient qu'il n'est pas établi que la personne qui a procédé à cet entretien avait reçu une formation spécifique à cette fin, aucune disposition n'impose que soit portée la mention, sur ce compte-rendu, de l'identité de l'agent qui a conduit l'entretien, lequel en l'absence d'élément contraire, doit être regardé comme ayant reçu la formation spécifique mentionnée à l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière à raison de ce motif, ne peut qu'être écarté.
5. En quatrième lieu, la décision contestée indique que M. B... a sollicité le rétablissement des conditions matérielles d'accueil à la suite de la décision du 23 janvier 2019 lui retirant le bénéfice de ces aides. Cette dernière décision, qui mentionne les voies et délais de recours, a été notifiée à l'intéressé. Il ne n'est pas contesté que M. B... n'a ni présenté un recours administratif préalable obligatoire, ni saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de cette décision du 23 janvier 2019. En soulevant le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit au motif que les dispositions des articles L. 744-1 et L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction antérieure à la loi du 10 septembre 2018 ne prévoyaient pas la possibilité de retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, le requérant doit être regardé comme excipant de l'illégalité de cette décision. Celle-ci étant toutefois, devenue définitive, le moyen ainsi allégué ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
7. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. B... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2024.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01179