Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2300200 du 20 janvier 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 mars 2023, M. A..., représenté par Me Smati, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée au regard des critères de détermination de l'Etat responsable.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2023, et des pièces communiquées le 1er août 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il indique que M. A... doit être regardé comme étant en fuite de sorte que la validité de son arrêté de transfert est prolongée jusqu'au 20 juillet 2024 et soutient que les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- l'accord signé le 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre ou en Suisse ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 20 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités suisses :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, le moyen invoqué par le requérant, tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée, que l'intéressé réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".
4. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... qu'il a bénéficié le 29 novembre 2022, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue " maninke ", ou malinké, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours d'un interprète de la société ISM Interprétariat dont aucun élément ne permet de douter de la compétence. Il n'est pas établi que M. A... n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées à cette occasion et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation personnelle et familiale. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, le compte-rendu de cet entretien est signé par l'agent de la préfecture de Maine-et-Loire qui l'a conduit, dont le nom et la qualité sont mentionnés. Les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 imposent par ailleurs seulement la communication du résumé du compte rendu de l'entretien, sans mention d'éléments différents de ceux qui figurent sur le résumé présent dans les pièces du dossier. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le résumé de cet entretien n'aurait pas été communiqué au conseil du requérant en temps utile. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Lors de son entretien individuel, M. A... a déclaré avoir des douleurs aux yeux et au ventre. Il se prévaut des convocations à plusieurs rendez-vous médicaux ainsi que d'ordonnances de la permanence d'accès aux soins de santé et du centre de lutte antituberculeuse (CLAT) du centre hospitalier universitaire d'Angers lui prescrivant un traitement médicamenteux à prendre en cas de douleurs abdominales. Le compte-rendu d'un praticien hospitalier du CLAT qu'il produit indique toutefois que si le patient décrit des pertes de sang par la bouche et une toux sèche le matin, il ne présente pas d'antécédent de tuberculose, ni d'altération de son état général. Il ajoute que les résultats de la radiographie thoracique réalisée par M. A... apparaissent normaux. Par ailleurs, si le requérant mentionne pour la première fois en appel la présence en France de sa mère et de sa fratrie, les documents qu'il produit ne permettent pas d'établir la véracité de ces allégations. Par suite, M. A... n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités suisses, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle et familiale de M. A..., et se serait estimé en situation de compétence liée au regard des critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
9. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2024.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00611