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21/11/2023 | FRANCE | N°22NT01723

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 novembre 2023, 22NT01723


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes :

- d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle le centre expert des ressources humaines et de la solde du ministère des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre le titre de perception du 28 janvier 2020 émis par le directeur départemental des finances publiques du Finistère portant remboursement de 80 % de ses frais de scolarité, soit une somme de 41 098,10 euros ;

- d'annuler la décision du 11

juin 2020 par laquelle la direction départementale des finances publiques du Finistèr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes :

- d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle le centre expert des ressources humaines et de la solde du ministère des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre le titre de perception du 28 janvier 2020 émis par le directeur départemental des finances publiques du Finistère portant remboursement de 80 % de ses frais de scolarité, soit une somme de 41 098,10 euros ;

- d'annuler la décision du 11 juin 2020 par laquelle la direction départementale des finances publiques du Finistère l'a invité à rembourser la somme mise à sa charge par ce titre de perception et de le décharger du remboursement de ses frais de scolarité ;

À titre subsidiaire :

- de réformer les décisions attaquées, dans un sens favorable, en le déchargeant de la totalité du remboursement des frais de scolarité ou, à défaut, en le déchargeant partiellement du remboursement ses frais de scolarité ;

A titre encore plus subsidiaire :

- de renvoyer le litige devant la commission des recours des militaires, pour révision du quantum de ses frais de scolarité au regard de sa situation personnelle, ou directement au ministre des armées.

Par un jugement n°2003580 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2022, le 11 août 2023 et les 5 et 11 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Wolff, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 avril 2022 ;

2°) d'annuler ou de réformer la décision du ministre des armées du 4 novembre 2019 demandant le remboursement de 80 % de ses frais de scolarité et le titre de perception émis le 28 janvier 2020 par le directeur départemental des finances publiques du Finistère ou, à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions la somme mise à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par réformation du jugement de première instance, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'instance d'appel.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le courrier du 11 juin 2020 par lequel l'administratrice générale des finances publiques de la direction départementale des finances publiques du Finistère l'a informé du rejet de son recours par l'ordonnateur, dès lors que cet acte lui fait grief et qu'il est indissociable du titre de perception émis le 28 janvier 2020 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la commission de recours des militaires s'était déclarée à bon droit incompétente pour connaître du recours de M. A..., en raison de l'existence de circonstances de fait particulières et dès lors qu'aucune voie de recours ne lui était ouverte pour faire recalculer ses frais de scolarité au regard des circonstances exceptionnelles entourant sa démission ;

- sa démission doit être requalifiée en démission pour motifs exceptionnels :

* sa visite médicale du 27 août 2019 faisait état d'une inaptitude à la conduite de véhicules légers pendant une durée de 24 mois ;

* il ne pouvait plus partir en opérations extérieures ;

* les barèmes de détermination de son aptitude médicale à servir ont été appliqué de manière erronée ;

* sa dernière visite médicale du 28 octobre 2021 démontre qu'il est inapte définitivement à servir, malgré le fait quelle conclue à son inaptitude temporaire à servir pour une durée de deux ans ;

* sa démission présente un caractère exceptionnel au sens du décret du 12 septembre 2008 ;

* il souffrait d'hypersomnies et d'apnées du sommeil au moment de sa dernière évaluation médicale faite au moment de sa démission et il a subi de nombreux traumatismes physiques lors de son enseignement à saint-Cyr ;

- il a subi un harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique direct à Mourmelon.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2022, le directeur départemental des finances publiques du Finistère conclut à ce qu'il soit mis en cause dans la présente instance en qualité d'observateur.

Il soutient qu'il n'est chargé que du recouvrement du titre de perception du 28 janvier 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 aout 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est irrecevable car elle méconnaît les dispositions de l'article R. 414-5 du code de justice administrative et soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2008-947 du 12 septembre 2008 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure public,

- et les observations de Me Joyeux, substituant Me Wolff, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a intégré l'école spéciale militaire de Saint-Cyr le 1er septembre 2014 en qualité d'élève-officier de l'armée de terre. Il a demandé son admission à l'état d'officier de carrière le 19 novembre 2014 et s'est engagé à servir pour une période de six ans à compter de sa nomination dans le corps des officiers de carrière, qui est intervenue le 1er août 2017. Le 18 janvier 2019, il a présenté sa démission qui a été agréée par un arrêté du 6 mars 2019. Par ce même arrêté, il lui a été indiqué qu'une fois radié des cadres, il serait tenu de rembourser les frais de sa scolarité supportés par l'État pour assurer sa formation. M. A... a été radié des cadres le 1er septembre 2019. Le centre expert des ressources humaines et de la solde du ministère des armées l'a alors informé, par lettres des 18 octobre 2019 et 4 novembre 2019, que compte-tenu de son temps de service de deux ans et un mois, il devait rembourser 80 % de ses frais de scolarité, soit une somme de 41 098,10 euros. Le 28 janvier 2020, la direction départementale des finances publiques du Finistère a émis un titre de perception afin de recouvrer cette somme. Le 25 mars 2020, M. A... a formé un recours administratif auprès de la commission des recours des militaires ainsi qu'auprès de la direction départementale des finances publiques du Finistère, qui, au titre de service comptable chargé du recouvrement d'une créance non fiscale, a transmis ce recours à l'ordonnateur, en l'occurrence aux services du ministère des armées. Le 17 avril 2020, la commission des recours des militaires s'est déclarée incompétente pour connaître du recours de M. A.... Le 8 juin 2020, le centre expert des ressources humaines et de la solde a rejeté le recours de M. A... en lui indiquant que sa décision pouvait être contestée devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois. Le 11 juin 2020, l'administratrice générale des finances publiques du Finistère a notifié à M. A... la décision du 8 juin 2020 rejetant son recours et l'a invité à acquitter la somme de 41 098,10 euros mis à sa charge par le titre de perception du 28 janvier 2020. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 avril 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juin 2020 et du courrier du 11 juin 2020.

Sur la recevabilité :

2. Les conclusions de M. A... dirigées contre la lettre par laquelle l'administration informe un militaire qu'il doit rembourser une somme indument payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, un titre de perception lui sera notifié sont nouvelles en appel et, à ce titre, irrecevables dans la présente instance. La lettre en cause constituant une mesure préparatoire qui n'est pas susceptible de recours, les conclusions demandant son annulation étaient à ce titre irrecevables devant le premier juge. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation du courrier du ministre des armées du 4 novembre 2019 sont irrecevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le courrier du 11 juin 2020 par lequel l'administratrice générale des finances publiques de la direction départementale des finances publiques du Finistère a informé M. A... du rejet de son recours par l'ordonnateur, lui a notifié à nouveau cette décision et lui a rappelé qu'il devait lui verser la somme mis à sa charge par le titre de perception en litige, ne comporte aucun caractère décisoire et est purement informatif. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le courrier du 11 juin 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, il convient d'écarter le moyen selon lequel c'est à tort que la commission de recours des militaires s'est à bon droit déclarée incompétente pour connaître du recours de M. A... dirigé contre le titre de perception du 28 janvier 2020, par adoption des motifs retenus par le jugement attaqué dans ses paragraphes 4 à 8.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 12 septembre 2008 fixant certaines dispositions applicables aux élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière : " Lors de leur admission en école, les élèves officiers de carrière présentent une demande en vue d'être admis à l'état d'officier de carrière à l'issue de leurs études et s'engagent à servir en cette qualité pour une période, fixée par arrêté du ministre de la défense, (...), comprise entre six et huit ans. Au cours de cette période, la démission des intéressés ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels. L'acceptation de la démission de l'état d'officier de carrière est prononcée par un arrêté du ministre de la défense (...). ". Aux termes de l'article 16 de ce même décret : " I. Sont tenus à remboursement : / (...) / 2° dans les conditions fixées à l'article 18, les officiers de carrière. / II. - Toutefois : / (...) 2° Sur décision du ministre de la défense (...) le remboursement n'est pas dû si l'inexécution totale ou partielle de l'engagement de servir n'est pas imputable aux intéressés. ". Aux termes de l'article 18 de ce décret : " Les officiers de carrière ne satisfaisant pas à l'engagement prévu à l'article 5 sont tenus au remboursement des frais de formation. / (...) / Le remboursement que doivent effectuer, le cas échéant, officiers de carrière varie en fonction du temps passé au service de l'État et porte (...) sur la totalité ou sur une fraction de la somme des rémunérations perçues au cours de la scolarité (...) ". Ce même article comporte un tableau indiquant le pourcentage de la rémunération devant être remboursé en fonction, d'une part, de la durée de l'engagement souscrit et, d'autre part, du temps passé au service de l'État après la nomination au premier grade d'officier.

6. La rupture de l'engagement de servir motivant la demande de remboursement des frais exposés par l'État durant la scolarité de M. A... en qualité d'élève officier de l'armée de terre au sein de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr, résulte de la démission de M. A..., demandée par celui-ci le 18 janvier 2019 et agréée par un arrêté de la ministre des armées du 6 mars 2019. Cette demande de démission, au vu des motifs alors avancés, est sans lien avec l'état de santé de M. A... et avec ses pathologies, présentées par le requérant comme constituant un obstacle au déroulement de sa carrière. Le requérant se borne à faire état de restrictions d'emploi figurant sur un certificat médico-administratif d'aptitude, établi à la suite d'une visite médicale qui s'est déroulée le 27 août 2019, à faire valoir les répercussions qu'auraient pu avoir ces restrictions sur ses perspectives de carrière, sur sa notation et sur les missions qui pouvaient lui être confiées, et de la probabilité que ces restrictions soient reconduites à l'expiration de ce certificat d'aptitude valable vingt-quatre mois, alors que ce document est postérieur de sept mois à sa demande de démission. La dernière visite médicale du 28 octobre 2021 du requérant, qui conclut à l'inaptitude temporaire à servir de l'intéressé pour une durée de deux ans, n'est pas davantage de nature à démontrer que la démission de M. A... présenterait un caractère exceptionnel, au sens des dispositions précitées du décret du 12 septembre 2008. M. A... n'établit donc pas avoir été contraint de démissionner en raison de son état de santé. Enfin, à supposer que M. A... soutienne que sa démission résulterait d'un harcèlement moral subi de la part de son supérieur hiérarchique direct à Mourmelon, il ne produit aucun élément de nature à faire présumer le harcèlement moral allégué.

7. Le remboursement des frais de sa scolarité supportés par l'État pour assurer la formation des élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière ne constituant pas une sanction, au sens des dispositions précitées, et M. A... ne faisant valoir aucun élément, tenant notamment à sa situation financière, familiale ou professionnelle, constitutive d'une erreur de fait de nature à induire la réduction, par application du tableau évoqué au point 5, de la somme mise à sa charge par le titre de perception en litige, les conclusions subsidiaires du requérant tendant à réduire à de plus justes proportions la somme mise à sa charge par le titre de perception en cause ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre des armées fondée sur l'article R. 414-5 du code de justice administrative, que M. A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.

Une copie en sera adressée pour information à la direction départementale des finances publiques du Finistère.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- Mme Gélard, première conseillère

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT01723


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01723
Date de la décision : 21/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : WOLFF

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-21;22nt01723 ?
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