La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2023 | FRANCE | N°23NT02004

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 novembre 2023, 23NT02004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 du préfet du Morbihan portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi en cas d'éloignement d'office et interdiction de retour en France pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2301709 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 ju

illet 2023, M. C..., représenté par Me Semino, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 du préfet du Morbihan portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi en cas d'éloignement d'office et interdiction de retour en France pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2301709 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Semino, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 du préfet du Morbihan portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de renvoi, et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an et à titre subsidiaire, d'abroger cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et

37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal administratif de Rennes a omis de répondre au moyen opérant invoqué dans son mémoire complémentaire enregistré le 31 mars 2023 tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

- les premiers juges ont statué ultra petita en répondant aux moyens, qui n'étaient pas invoqués, tirés de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée des mêmes illégalités que la mesure d'éloignement ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- à titre subsidiaire, l'arrêté litigieux doit être abrogé du fait de son illégalité au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison du changement dans les circonstances de fait dès lors qu'il est aujourd'hui père d'un enfant dont la mère réside en France de manière régulière sous couvert d'une carte pluriannuelle et dont il contribue matériellement et effectivement à ses besoins.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- les observations de Me Nigues, substituant Me Semino, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant comorien né le 23 août 1997, est entré en France irrégulièrement le 22 juillet 2021 en provenance du Sénégal. Son passeport n'étant pas revêtu du visa réglementaire, il a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français. Par arrêté du 23 juillet 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour en France pendant deux ans. Il s'est maintenu sur le territoire après sa libération de la zone d'attente. A la suite de son interpellation par les gendarmes de Ploërmel (56), le préfet du Morbihan, par un arrêté du 28 mars 2023, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de renvoi et lui a interdit le retour en France pendant un an. M. A... relève appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 mars 2023 du préfet du Morbihan.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des motifs du jugement attaqué, en particulier de son point 12 que les premiers juges ont répondu au moyen opérant tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la base de laquelle elle a été prise, sans qu'y fasse obstacle la circonstance selon laquelle les premiers juges ont qualifié de manière erronée ce moyen d'exception d'illégalité.

3. M. A... avait invoqué, devant les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devait être annulé, par voie de conséquence, de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français. Bien qu'il l'ait qualifié d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, en écartant ce moyen, le tribunal n'a pas, contrairement à ce que M. A... soutient, statué sur un moyen qui n'était pas invoqué. De même, le tribunal a répondu au moyen, invoqué par M. A... dans sa requête sommaire, tiré de ce que le préfet avait méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant. La circonstance que le tribunal aurait, pour rejeter la demande, écarté un moyen qui n'était pas invoqué est, par elle-même, sans incidence sur la régularité du jugement.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. ". Il ressort des pièces du dossier que M. A... relevait de l'hypothèse prévue par ces dispositions dans laquelle l'autorité administrative peut obliger un étranger en situation irrégulière à quitter le territoire.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, il ressort des pièces du dossier que M. A... a tenté de rejoindre la France le 22 juillet 2021. Dépourvu de visa, il a fait l'objet d'un refus d'entrée et a été placé en zone d'attente. Par arrêté du 23 juillet 2021, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination des Comores et lui a interdit le retour en France pendant deux ans. M. A... s'est néanmoins maintenu sur le territoire français. Il se prévaut d'une relation de couple depuis le mois d'août 2021 avec une compatriote titulaire d'une carte pluriannuelle, avec laquelle il a eu un enfant né près d'un mois après l'intervention de l'arrêté litigieux et avec laquelle il a conclu, le 5 avril 2023, postérieurement à cet arrêté, un pacte civil de solidarité. Toutefois, eu égard aux conditions dans lesquelles M. A... a construit sa cellule familiale en France, alors qu'il venait de faire l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Morbihan n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui faisant obligation de quitter le territoire français le 28 mars 2023 ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité de titre de séjour, qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement et qu'il a clairement manifesté, dans le cadre de son audition par les gendarmes de la brigade de Ploërmel le 28 mars 2023, son refus de se conformer à une nouvelle obligation de quitter le territoire français. Eu égard au risque élevé qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement litigieuse, et pour les mêmes motifs que ceux qui ont été rappelés au point 7, le préfet du Morbihan n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire malgré la naissance imminente de son enfant. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

En ce qui concerne l'interdiction de retour en France :

10. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

11. M. A... ne fait valoir aucun motif exceptionnel ou considération humanitaire, seuls susceptibles de justifier que l'autorité administrative n'assortisse pas la mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français. M. A... ne justifie que de deux ans de présence en France et, ainsi qu'il a été dit, il a déjà fait l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français dès son entrée sur le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier que sa compagne, une compatriote en situation régulière, ne puisse pas venir lui rendre visite aux Comores pendant la période au cours de laquelle il est interdit de retour en France. Dès lors, en décidant de lui interdire le retour en France pendant une durée d'un an, le préfet du Morbihan n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

Sur les conclusions subsidiaires à fin d'abrogation :

12. La légalité des décisions contestées, qui ont le caractère de décisions individuelles, s'appréciant à la date à laquelle elles ont été prises, M. A... n'est pas fondé à en demander directement l'abrogation au juge, en s'appuyant sur des changements postérieurs, de fait ou de droit, à leur édiction. Par suite, de telles conclusions, au demeurant présentées pour la première fois en appel, ne peuvent qu'être rejetées.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie sera transmise au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023.

La rapporteure,

J. Lellouch

La présidente,

C. Brisson

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02004
Date de la décision : 17/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SEMINO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-17;23nt02004 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award