Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... et M. D... A... ont demandé, par deux recours distincts, au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 15 mars 2023 par lesquels le préfet du Morbihan les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de ces arrêtés dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
Par un jugement nos 2301759, 2301760 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 juin 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Delilaj, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 mai 2023 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Morbihan du 15 mars 2023 ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de ces arrêtés dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors qu'ils n'ont été mis à même de s'exprimer dans leur langue, par le concours d'un interprète, en application de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à aucune des deux audiences qu'a tenues le magistrat désigné, puisque l'interprète était absent lors de la première et que la parole ne leur a pas été donné par ce magistrat à la seconde ;
- les arrêtés sont insuffisamment motivés ;
- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'exécution des arrêtés doit être suspendue dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile en raison des craintes encourues en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
18 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., de nationalité albanaise, sont entrés régulièrement en France en septembre 2022 selon leurs déclarations et ont demandé l'asile. Par une décision du 31 janvier 2023, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leur demande. Le préfet du Morbihan a, , par des arrêtés du 15 mars 2023, pris à l'encontre de chacun d'eux, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des obligations de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de M. et Mme A.... M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 22 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés et à la suspension de l'exécution de ces arrêtés dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. / L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. / L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. (...)".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... avaient demandé au tribunal dans leurs requêtes introductives d'instance de désigner un interprète en langue albanaise. La circonstance que l'interprète en cette langue qui devait apporter son concours à l'audience du
10 mai 2023, Mme C... B..., et qui avait prêté serment à cet effet, le 5 mai 2023, n'était pas présente est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que l'affaire a été renvoyée pour cette raison à l'audience du 19 mai 2023. Il ressort, de plus, des pièces du dossier que lors de cette dernière audience, après laquelle le jugement attaqué a été rendu, cette interprète a pu apporter son concours aux requérants. Si les requérants font valoir que le magistrat désigné ne leur a pas donné la parole lors de cette audience, ils y étaient représentés par leur avocat. Il ne ressort d'aucun élément du dossier et n'est pas même allégué que ce dernier aurait sollicité en vain du magistrat désigné que les requérants puissent s'exprimer avec le concours de leur interprète au cours de cette audience. La circonstance que font valoir les requérants qu'ils n'auraient pas été invités par le juge à prendre la parole à l'audience n'entache la procédure devant le tribunal d'aucune méconnaissance du principe du contradictoire ni le jugement attaqué d'aucune irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. Les requérants soutiennent qu'ils auraient fait l'objet de menaces en Albanie à la suite d'une tentative d'enlèvement de leur fille. Mais, ils n'apportent en dehors leurs propres déclarations, très sommaires et peu circonstanciées, aucun élément de nature à démontrer la réalité des menaces alléguées. De plus, comme l'Office français de protection des réfugiés et apatrides l'a relevé dans les décisions prises en leur encontre, ils n'étayent, en dehors de leurs propos évasifs, d'aucun élément probant les craintes qu'ils invoquent relatives aux risques de traitement inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté et la demande de suspension de l'exécution des arrêtés en litige doit être rejetée.
6. En deuxième lieu, les requérants reprennent en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux, les moyens invoqués en première instance tirés de ce que les décisions contestées sont insuffisamment motivées, entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
7. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les requérants ne font pas état, en l'espèce, d'éléments sérieux de nature à justifier leur maintien sur le territoire français jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile et la suspension de l'exécution des mesures d'éloignement prises à leur encontre.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes d'annulation et de suspension de l'exécution des arrêtés du 15 mars 2023. Leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023.
Le rapporteur,
X. CatrouxLa présidente,
C. Brisson
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23NT01853