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17/11/2023 | FRANCE | N°22NT03550

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 novembre 2023, 22NT03550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Gounit Kerjecal et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er juin 2021 prise par le préfet de la région Bretagne rejetant leur demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles d'une superficie totale de 9 hectares, 38 ares et 78 centiares situées à Combrit (Ille-et-Vilaine).

Par un jugement no 2106273 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

P

rocédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 novembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Gounit Kerjecal et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er juin 2021 prise par le préfet de la région Bretagne rejetant leur demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles d'une superficie totale de 9 hectares, 38 ares et 78 centiares situées à Combrit (Ille-et-Vilaine).

Par un jugement no 2106273 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 novembre 2022 et 8 juin 2023, l'EARL Gounit Kerjecal et M. B..., représentés par Me Barthe, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du Préfet de la région Bretagne du 1er juin 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée, dès lors que le préfet s'est borné à se référer à l'avis de commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA), sans mentionner les circonstances justifiant de ne pas prendre en compte l'existence d'un agrandissement excessif pour refuser l'opération ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3, I, a) du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne, dès lors qu'elle se fonde sur l'autorisation d'un agrandissement excessif en dépit de l'existence d'une autre demande relevant d'une priorité définie par ce schéma directeur ;

- à supposer même que l'article 3, I, a) du SDREA doive être interprété en ce qu'un agrandissement excessif peut être autorisé en l'absence d'une candidature par un projet d'agriculture biologique ou par un établissement de recherche, d'enseignement ou d'insertion, une telle disposition serait contraire à l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et entacherait d'un défaut de base légale la décision contestée ;

- la décision contestée méconnaît les orientations du SDREA.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de la méconnaissance des orientations du SDREA est inopérant,

- les autres moyens soulevés par l'EARL Gounit Kerjecal et M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 fixant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Gounit Kerjecal a formé, le

4 janvier 2021, une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles d'une superficie totale de 9 hectares 38 ares et 78 centiares situées sur la commune de Combrit (Finistère). Une demande d'autorisation d'exploiter a été faite pour les mêmes parcelles, le 29 mars 2021, par M. C..., exploitant agricole pratiquant en particulier l'élevage. Par une décision du

1er juin 2021, notifiée le 30 juin 2021, le préfet de la région Bretagne a rejeté la demande d'autorisation d'exploiter de l'EARL Gounit Kerjecal. Cette décision a fait l'objet d'un recours gracieux qui a été implicitement rejeté. L'EARL Gounit Kerjecal ainsi que son unique associé ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er juin 2021. Par un jugement du 22 septembre 2022, le tribunal a rejeté cette demande. L'EARL Gounit Kerjecal et M. B... relèvent appel de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 (...) ; / 3° Si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l'article

L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l'article L. 312-1, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat à la reprise de l'exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place ; (...). ".

3. D'autre part, aux termes du I de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Bretagne : " Règles et dispositions particulières : / a) règles s'appliquant à toutes les priorités : En cas de demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, les candidatures sont classées au regard des critères et règles fixés à l'article 5. / Si ce classement ne permet pas de les départager, des autorisations sont délivrées pour chacune d'elles. / Au sein d'une même priorité, on départagera les demandes en fonction des sous-priorités. / Tout demandeur exploitant ses terres en mode de production biologique ou en conversion et demandant des terres en agriculture biologique (parcelles déjà converties ou en cours de conversion) pour les maintenir en agriculture biologique est prioritaire par rapport aux autres demandeurs relevant du même rang de priorité. / Les candidats ayant un projet d'installation en agriculture biologique bénéficient également de cette sous-priorité. (...). / En cohérence avec les orientations du SDREA, une priorité pourra être accordée, après avis motivé de la CDOA, aux demandes d'autorisation d'exploiter présentées par des établissements de recherche, d'enseignement ou d'insertion à caractère agronomique, économique, social ou environnemental n'ayant pas le caractère d'une exploitation agricole familiale, du fait de leur rôle important dans la formation des agriculteurs et le développement agricole. (...). / Les agrandissements et concentrations d'exploitations excessifs tels que défini au point 4 de l'article 5, peuvent être autorisés, si et seulement si, aucune demande concurrente ne relève des priorités décrites ci-dessus. (...) ". Aux termes du II du même article : " Les priorités : / Priorité 1 : maintien de l'exploitation du preneur en place (...) / Priorité 2 : échanges de parcelles ou parcelles ou îlot de parcelles de proximité de bâtiment d'élevage du demandeur (...) / Priorité 3 : réinstallation d'agriculteur avant perdu plus de 2/3 de son exploitation. (...) / Priorité 4 : / 4-1 Reprise de l'exploitation par le conjoint (...). / 4-2 Installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal ou agrandissement d'une société par l'installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal (...). / Priorité 5 : Zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE) (...). / Priorité 6 : compensation des surfaces perdues de l'exploitation (...). / Priorité 7 : attribution de parcelle ou d'îlot de parcelles enclavé(e) ou de parcelle de liaison (...) / Priorité 8 : consolidation d'exploitation avant un IDE/UTA composé à plus de 70% de productions animales ou de fruits et légumes frais (...). / Priorité 9 : réunion d'exploitations ou agrandissement : (...) / Réunion d'exploitations tel que définie à l'article 1. Agrandissements d'exploitations se situant au-delà du seuil de viabilité avant l'opération projetée. Agrandissement à raison de surfaces au-delà de l'application de la priorité 8 en cas de plafonnement (...). / Priorité 10 : Autres cas d'installation (...). / Priorité 11 : autres cas. ".

4. L'article 5 du SDREA de Bretagne définit, à son point 4, les agrandissements et concentrations d'exploitations excessifs comme ceux qui concernent les exploitations, dont : " / la surface par UTA est supérieure à 4 fois le seuil de déclenchement défini à l'article 3 ; et / l'IDE par UTA exploitant est supérieur à 200 % de la moyenne régionale ".

5. En premier lieu, la décision contestée comporte les visas des dispositions qu'elle applique. Elle mentionne la circonstance, qui ressort des pièces du dossier, que la demande d'agrandissement de M. C..., concurrente de celle de l'EARL Gounit Kerjecal, relevait, alors même que cet agrandissement présente un caractère excessif au regard des critères fixés par le point 4 de l'article 5 du SDREA, du rang de priorité 9 du SDREA supérieur à celui de la demande de l'EARL Gounit Kerjecal, qui avait pour objet une installation à titre secondaire de son unique associé, qui relevait du rang de priorité 10. Elle observe, pour justifier l'autorisation d'exploiter accordée à M. C..., en dépit du caractère excessif de l'agrandissement envisagé, que l'une des orientations du SDREA est de maintenir l'élevage. Par suite, et alors même qu'elle ne fait pas état de la teneur de l'avis de la CDOA concernant les demandes d'autorisations d'exploiter en litige, elle comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui la fondent.

6. En deuxième lieu, l'administration a relevé que l'agrandissement projeté par M. C... présentait un caractère excessif au regard des dispositions citées ci-dessus de l'article 5 du SDREA. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, si les dispositions précitées de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime permettent au préfet de refuser de délivrer une autorisation d'exploiter des terres agricoles au demandeur dont le projet d'agrandissement présente un caractère excessif lorsqu'il existe une demande concurrente, elles ne lui interdisent pas de délivrer une autorisation dans ces conditions. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime doit, dès lors, être écarté.

7. En troisième lieu, les dispositions précitées du a) du I de l'article 3 du SDREA de Bretagne ont pour effet d'interdire au préfet de délivrer une autorisation d'exploiter au demandeur dont le projet d'agrandissement présente un caractère excessif, lorsqu'une demande concurrente relève, par rapport à la première, d'une priorité définie par le SDREA et d'un rang supérieur. En prenant la décision contestée, le préfet de la région Bretagne n'a pas méconnu ces dispositions ou commis d'erreur de droit à leur égard, dès lors notamment que le projet d'agrandissement de M. C... présentait un caractère prioritaire comparativement à celui de l'EARL Gounit Kerjecal qui consistait dans une installation à titre secondaire.

8. En quatrième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 6, l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime n'oblige pas l'administration à opposer un refus d'autorisation d'exploiter pour toute demande d'agrandissement présentant un caractère excessif au regard des critères fixés par le SDREA en présence d'une demande concurrente, quel que soit le rang de priorité de cette dernière. Les dispositions précitées du a) du I de l'article 3 du SDREA de Bretagne ne sont, dès lors, pas contraires à l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, en ce que ces dispositions du SDREA ont pour effet d'obliger le préfet à rejeter les demandes d'autorisation d'exploiter pour des agrandissements présentant un caractère excessif dans les seules hypothèses de demandes concurrentes relevant de rangs de priorité supérieurs. Le moyen tiré, par voie d'exception de l'illégalité du a) du I de l'article 3 du SDREA de Bretagne doit, par suite, être écarté.

9. En dernier lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des orientations du SDREA, qui ne constituent pas la base légale des décisions prises par l'autorité administrative sur les demandes d'autorisation d'exploiter. Par suite, et alors qu'au demeurant le maintien de l'élevage figure tout comme la favorisation de l'installation des exploitations parmi ces orientations, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de ce qui précède que l'EARL Gounit Kerjecal et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que, c'est à tort, que par le jugement attaquée le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de la décision du préfet de la région Bretagne du 1er juin 2021. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être écartées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EARL Gounit Kerjecal et de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'exploitation agricole à responsabilité limitée Gounit Kerjecal, à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président assesseur,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023.

Le rapporteur,

X. CATROUXLa présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03550
Date de la décision : 17/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LEMONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-17;22nt03550 ?
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