Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, par deux recours distincts, d'annuler, d'une part, les décisions du 21 mars et du 22 novembre 2018 par lesquelles le directeur général du centre hospitalier universitaire régional (CHRU) de Brest a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 11 au 31 décembre 2017 et du 3 janvier au 13 avril 2018 et ses soins du 11 décembre 2017 au 13 avril 2018 et, d'autre part, la décision du 23 décembre 2020 par laquelle il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 19 mars 2020 au 5 février 2021.
Par un jugement nos 1900434, 2100970 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 21 mars et du 22 novembre 2018 et rejeté le surplus des demandes de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 septembre 2022 et 22 février 2023, Mme A..., représentée par Me Potin, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du
8 juillet 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 décembre 2020 et d'annuler cette décision ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin notamment de déterminer si les troubles dont elle souffre depuis le 19 mars 2020 constituent une rechute de son accident de service du 7 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au directeur général du CHRU de Brest de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts et soins du 19 mars 2020 au 5 février 2021, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire régional de Brest la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, dès lors que les arrêts de travail postérieurs au 19 mars 2020 résultent d'une rechute de l'accident de service qu'elle a subi le 7 novembre 2017 et que son état antérieur ne peut être regardé comme la cause exclusive de ces arrêts ;
- à titre subsidiaire, cette décision est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, dès lors qu'aucun médecin spécialisé dans son affection n'a participé aux débats ;
- si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, il conviendra qu'elle ordonne avant dire-droit une expertise médicale afin notamment de déterminer si les troubles dont elle souffre depuis le 19 mars 2020 constituent une rechute de son accident de service du 7 novembre 2017.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2023, le centre hospitalier universitaire régional de Brest, représenté par la Selarl Le Roy, Gourvennec, Prieur, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Plunier, représentant le centre hospitalier universitaire régional de Brest.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., aide-soignante au sein du centre hospitalier universitaire régional (CHRU) de Brest, a été victime d'un accident de service le 7 novembre 2017 survenu à la suite d'une manipulation d'une patiente. Elle a bénéficié d'arrêts de travail pour une lombalgie droite aiguë à compter du 9 novembre 2017, puis une lombo-sciatique droite L5-S1. Par une décision du 20 décembre 2017, le directeur général du CHRU de Brest a reconnu l'imputabilité au service des arrêts de travail dont a bénéficié Mme A... du 9 novembre au 7 décembre 2017 à la suite de son accident de service du 7 novembre 2017. Par des décisions du 21 mars 2018 et du
22 novembre 2018, le directeur général du CHRU de Brest a toutefois refusé de reconnaître l'imputabilité au services des arrêts de travail du 11 au 31 décembre 2017 et du 3 janvier au
13 avril 2018. Mme A... a repris son activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique du
13 novembre 2019 au 11 mai 2020 et a été placée de nouveau en arrêt de travail. Par une décision du 11 mai 2020, le directeur général du CHRU de Brest a reconnu l'imputabilité au service de ces arrêts de travail. A la suite de la réception d'un complément d'expertise du docteur B..., le directeur général du CHRU de Brest a toutefois, par une décision du 22 juillet 2020, retiré sa décision du 11 mai 2020. A la suite d'un avis défavorable de la commission de réforme du 17 décembre 2020, il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail du 19 mars 2020 au 5 février 2021 par une décision du 23 décembre 2020. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, par deux recours distincts, d'annuler les décisions des
21 mars et 22 novembre 2018 ainsi que du 23 décembre 2020. Par un jugement avant dire-droit du 19 mai 2021, le tribunal a ordonné une expertise médicale, confiée à un médecin spécialiste en rhumatologie afin de déterminer notamment si les soins et arrêts de travail dont Mme A... a bénéficié à compter du 11 décembre 2017 présentaient un lien direct avec l'accident de service du 7 novembre 2017, ou s'ils relevaient exclusivement d'un état antérieur. Par un jugement du
8 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 21 mars et du
22 novembre 2018 et rejeté le surplus des demandes de Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision du 23 décembre 2020.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". En vertu des dispositions de l'article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [...] ".
3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.
4. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme disposait lorsqu'elle a, le 15 novembre 2018, examiné le cas de Mme A... de l'expertise médicale du docteur B..., médecin spécialisé notamment en orthopédie, traumatologie, évaluation et traitement de la douleur, rééducation et réadaptation fonctionnelles. Dans ces conditions, il n'est pas manifeste que la commission aurait dû s'adjoindre lors de cette réunion un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par l'intéressée pour rendre un avis éclairé et cette dernière n'a, dès lors, pas été privée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article
L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que la prise en charge par l'administration de l'intégralité de la rémunération ou des frais médicaux découlant de la maladie ou d'un accident de service d'un fonctionnaire est soumise à la condition que l'affection mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. En outre, l'existence d'un état pathologique antérieur, fût-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé.
7. Il ressort des pièces du dossier que, si Mme A... ne souffrait pas de la région lombaire avant son accident de service du 7 novembre 2017, elle présentait déjà alors un état pathologique antérieur consistant en une étroitesse de son canal lombaire, une discopathie dégénérative discarthrosique aux vertèbres L3-L4, L4-L5, L5-S1 et une arthrose inter-apophysaire postérieure. Selon le médecin rhumatologue, désigné par le tribunal, cet état pathologique antérieur aurait probablement continué d'évoluer de façon silencieuse pour se manifester au bout d'un certain temps par des épisodes de lombalgies chroniques, mais a été aggravé par l'accident de service. Il ressort de plus du rapport du même expert que la pathologie de Mme A... pour laquelle elle a été en arrêt de travail à compter du 9 novembre 2017, qui a été causée directement mais non exclusivement par l'accident de service, s'est consolidée le
2 janvier 2019. Si l'intéressée a de nouveau souffert de lombalgies à compter de sa reprise du travail à mi-temps le 13 novembre 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces symptômes présenteraient un lien direct avec l'accident de service survenu plus de deux ans plus tôt et qui avait cessé de produire ses effets. Il en ressort, au contraire, qu'elle résulte exclusivement de l'état de santé antérieur de la requérante. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la réapparition des symptômes constitue une rechute de la pathologie reconnue comme imputable à l'accident de service, alors même que le poste sur lequel Mme A... avait été affecté à la suite de sa reprise du travail en novembre 2019 n'avait pas fait l'objet des adaptations préconisées par le médecin de prévention. Par suite, le directeur général du CHRU de Brest n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... pour la période du 19 mars 2020 au 5 février 2021.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de recourir à l'expertise sollicitée, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire régional de Brest qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme A..., la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... une somme que demande le centre hospitalier universitaire régional de Brest au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire régional de Brest présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au centre hospitalier universitaire régional de Brest.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président assesseur,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023.
Le rapporteur,
X. CATROUXLa présidente,
C. BRISSON
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22NT02929