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27/10/2023 | FRANCE | N°23NT01493

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 27 octobre 2023, 23NT01493


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 24 mois.

Par un jugement n° 2206383 du 25 janvier 2023, le tribunal administratif Nantes a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, M. B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 24 mois.

Par un jugement n° 2206383 du 25 janvier 2023, le tribunal administratif Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Pronost, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police de Paris du 9 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de faire procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet de Police de Paris de réexaminer son dossier dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en faveur de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une inexacte application du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour en France est insuffisamment motivée ;

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen d'éventuelles circonstances humanitaires prévu par l'article L.612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2023, le préfet de Police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions au cours de l'audience publique.

Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant camerounais né en octobre 1999, déclare être entré en France en 2014. Il a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire le 12 octobre 2017. Il a ensuite demandé son admission au statut de réfugié mais sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 20 octobre 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 4 octobre 2022. Par arrêté du 10 décembre 2022, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être éloigné d'office, et lui a interdit le retour en France pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 25 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. La décision portant obligation de quitter le territoire français litigieuse vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur lesquelles elle est fondée et indique que la demande d'asile de M. A... a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile sans que l'intéressé ne justifie d'un droit au séjour sur le territoire. Alors qu'il n'avait pas à reprendre de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, l'arrêté litigieux précise en outre que M. A... se déclare père de deux enfants à charge sans en apporter la preuve. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des motifs de l'arrêté litigieux, que le préfet de police de Paris a procédé à un examen particulier de la situation du requérant.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

5. Si M. A... déclare être entré en France en 2014, alors qu'il était mineur, il a déjà fait l'objet d'une première mesure d'éloignement en 2017, qu'il n'a pas exécutée. Bien que M. A... soit le père de deux enfants mineurs nés en France 2021 et 2023, le second étant né quelques mois après l'intervention de l'arrêté en litige, il a déclaré, dans le cadre de son audition par les services de police le 8 décembre 2022, prendre à bail un logement à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) alors qu'il est constant que ses enfants résident avec leur mère à Brest. Les photographies de M. A... avec ses enfants ne suffisent pas, malgré l'attestation établie en ce sens par la mère de ces derniers, à démontrer qu'il contribue à leur éducation et à leur entretien. De même, les deux transferts d'argent de M. A... à la mère de ses enfants, en octobre et novembre 2022, ne permettent pas de caractériser une contribution effective de M. A... à l'éducation et à l'entretien de ses enfants sur une période suffisamment importante d'autant que la mère a elle aussi effectué des transferts à son profit sur la même période. Enfin, M. A... a été interpellé à trois reprises en 2017, 2018 et 2022 en flagrant délit de vol à l'étalage, infractions qu'il explique par son absence de ressources. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'obligation de quitter le territoire français intervenue après le rejet définitif de sa demande d'asile et à l'occasion de son interpellation pour des faits de vol n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ni méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. La mesure d'éloignement litigieuse n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

6. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée par le présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". L'article L. 612-3 du même code dispose que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) /5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...). ".

8. Il ressort des pièces du dossier, précisément du rapport du fichier automatisé des empreintes digitales, que M. A... a fait l'objet depuis 2017 d'une dizaine de procédures pénales en se prévalant d'identités distinctes essentiellement pour des faits de vols simples ou en réunion. Si ce rapport ne permet pas de tenir pour établis ces faits, pour lesquels le requérant n'a fait l'objet d'aucune condamnation, le préfet de police de Paris produit les procès-verbaux d'audition établis en 2017, 2018 et 2022, dans lesquels M. A... reconnaît les vols simples qui lui sont reprochés. Il s'ensuit que le préfet de police a fait une exacte application des dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant, eu égard au caractère répété des vols pour lesquels il a été interpelé et aux différentes identités dont il s'est prévalu, que son comportement constituait une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, alors qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en 2017, et malgré la présence en France d'un enfant né en 2021 et d'un second à naître, avec lesquels il est constant qu'il ne réside pas et dont il ne justifie pas d'une contribution effective et régulière à leur entretien et à leur éducation, le préfet de police a pu lui refuser un délai de départ volontaire sans commettre une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et familiale.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

9. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée par le présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision portant interdiction de retour en France :

10. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée par le présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui interdisant le retour en France pendant une durée de vingt-quatre mois devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. "

12. Il ressort des motifs de la décision litigieuse que le préfet de police de Paris a procédé à un examen particulier de la situation de M. A... pour prendre l'arrêté litigieux.

13. La situation personnelle et familiale de M. A..., telle qu'exposée au point 5, ne caractérise pas des circonstances exceptionnelles pouvant seules faire obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour en France lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger éloigné. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, rien ne faisant obstacle à ce que les enfants du requérants puissent lui rendre visite au Cameroun dont est également originaire leur mère pendant la durée de l'interdiction de retour, et alors que M. A... a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et de plusieurs procédures pour des faits de vol, les moyens tirés de l'inexacte application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette interdiction sur sa situation doivent être écartés. Il en va de même des moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

14. Enfin, la décision d'interdiction de retour en France pour une durée de deux ans a été prise sur le fondement de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne constitue pas une décision de prolongation de l'interdiction de retour en France prévue par l'article L. 612-11 du même code. M. A... ne peut dès lors utilement se prévaloir de l'inexacte application de ces dernières dispositions.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux. Les conclusions à fin d'injonction et la demande présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Police de Paris.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2023.

Le rapporteur,

J. Lellouch

La présidente,

C. Brisson La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°23NT01493


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01493
Date de la décision : 27/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : PRONOST

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-27;23nt01493 ?
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