Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé de le transférer aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ensuite, d'enjoindre à cette autorité à titre principal, de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile, et à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision sur sa demande d'admission au séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2304719 du 28 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2023, M. A..., représenté par Me Chatelais, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités bulgares ;
3°) d'enjoindre à cette autorité à titre principal, de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile, et à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision sur sa demande d'admission au séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert aux autorités bulgares est insuffisamment motivé ;
- les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- l'arrêté de transfert méconnait les dispositions de l'article 3.2 et du b) de l'article 18.1 du règlement n°604/2013 ;
- l'arrêté de transfert méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il bénéficie en France de la présence de son frère, qui y réside depuis plus de treize ans sous couvert d'une carte de séjour pluriannuel portant la mention " vie privée et familiale " ; il réside actuellement chez lui, lequel l'a aidé à fuir l'Afghanistan à la suite de l'arrivée des Talibans ; il ne dispose d'aucune famille en Bulgarie, où il sera totalement isolé.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan, né le 22 mars 1999 et entré irrégulièrement en France le 30 janvier 2023, a sollicité l'asile le 7 février suivant. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait déjà présenté une demande de protection internationale en Allemagne, Autriche et Bulgarie, les 17 octobre 2022, 20 septembre 2022 et 31 août 2022. Saisies par les autorités françaises le 9 février 2023, les autorités autrichiennes, par une décision du 9 février 2023, et les autorités allemandes, par une décision du 13 février suivant, ont refusé leur responsabilité. Toutefois, les autorités bulgares, également saisies le 9 février 2023, ont accepté de reprendre en charge M. A... par un accord explicite du 22 février 2023. Par un arrêté du 13 mars 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de le transférer aux autorités bulgares. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 28 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :
2. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
4. M. A... soutient qu'il n'a jamais déposé de demande d'asile en Bulgarie, que le système d'asile dans ce pays souffre de failles systémiques en matière de procédure et de conditions d'accueil des demandeurs d'asile pouvant conduire à des mauvais traitements, dans un contexte d'arrivée massive de migrants en Bulgarie compte tenu de sa frontière terrestre avec la Turquie et qu'il risque d'être renvoyé vers son pays d'origine.
5. Toutefois, d'une part, si M. A... soutient à nouveau en appel qu'il n'aurait jamais déposé de demande d'asile en Bulgarie, il ressort toutefois des pièces du dossier que ses empreintes ont été relevées sous le numéro " BG 1 BE111C2208310006 " et que la Bulgarie a explicitement accepté de reprendre en charge l'intéressé sur le fondement du c) de l'article 18. 1 du règlement, de sorte que, si l'intéressé a sollicité le retrait de sa demande d'asile auprès de ces autorités, il a nécessairement été informé du dépôt de sa demande d'asile. D'autre part, la décision de transfert aux autorités bulgares contestée de M. A... n'a ni pour objet et ne saurait avoir pour effet de l'éloigner vers son pays d'origine. Par ailleurs, aucun élément produit au dossier, en particulier les rapports émanant d'Amnesty International pour les années 2017-2018 et de l'OSAR du 30 août 2019 qui sont généraux et ne sont pas contemporains de l'arrêté contesté, ne permet de tenir pour établi qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Bulgarie et que sa demande d'asile ne serait pas instruite par les autorités bulgares dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 sera écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes, d'une part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". D'autre part, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. M. A... soutient que l'arrêté contesté méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que son frère serait présent en France depuis treize ans sous couvert d'une carte de séjour pluriannuel portant la mention " vie privée et familiale ", et que ce dernier l'aurait aidé à fuir l'Afghanistan. Toutefois, en se bornant à produire une attestation sur l'honneur ainsi qu'un titre de séjour d'un ressortissant afghan se disant être son frère, l'intéressé ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance d'une relation intense et stable avec ce dernier, alors qu'il soutient être présent en France depuis treize ans et que rien n'indique qu'ils soient restés en contact durant cette période. Par ailleurs, le lien de filiation n'est pas établi au dossier, notamment au regard des noms de familles divergents des deux personnes en cause. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant de le transférer aux autorités bulgares responsables de l'examen de sa demande d'asile, le préfet de Maine-et-Loire aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de la situation personnelle du requérant. Enfin, et pour les mêmes motifs, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire la demande d'asile en France que lui offrait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. En troisième et dernier lieu, pour le surplus, M. A... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 13 mars 2023 décidant son transfert aux autorités bulgares, qui énonce de façon précise les motifs de droit et les considérations de fait qui lui servent de fondement, est suffisamment motivé, que cet arrêté ne méconnait pas l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas fait une inexacte application des critères de détermination de l'État membre responsable énoncés par ce règlement, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le transfert vers la Bulgarie de l'intéressé, lequel avait présenté pour la première fois le 17 décembre 2020 une demande d'asile dans ce pays, est intervenu sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement n°604/2013.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2023 décidant son transfert aux autorités bulgares. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.
Le rapporteur, Le président,
O. COIFFET O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23NT01467 2
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