Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 16 janvier 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Nantes a refusé de lui accorder le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et celle du 20 février 2018 par laquelle il a rejeté son recours gracieux et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 500 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.
Par un jugement n° 1803748 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions et rejeté le surplus de la demande de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 juillet et 23 décembre 2022, le centre hospitalier universitaire de Nantes, représentée par Me Lesné, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 juin 2022 en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme B... ;
2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande de Mme B... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal a relevé d'office, sans en informer préalablement les parties, le moyen tiré de ce que Mme B... avait droit à la nouvelle bonification indiciaire (NBI) en vertu des dispositions combinées du décret n° 93-92 du
19 janvier 1993 qui conditionne l'attribution de cet élément de rémunération à l'appartenance au corps des aides-soignants et du décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 qui rattache les agents des services hospitaliers qualifiés à ce corps ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que les dispositions combinées de ces deux décrets ouvraient à l'intéressée un droit à l'attribution de la NBI, dès lors que, d'une part, ce droit implique l'exercice effectif des fonctions d'aide-soignant, dont ne peuvent pas se prévaloir les agents des services hospitaliers qualifiés, qui n'ont pas vocation à occuper ces fonctions et que, d'autre part, l'intéressée exerce des fonctions d'auxiliaire de vie ;
- les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... en première instance étaient irrecevable, en l'absence de décision liant à cet égard le contentieux et, en tout état de cause, infondées, en l'absence d'établissement du préjudice allégué.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Lefèvre, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 2 juin 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme de
500 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier universitaire de Nantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;
- le décret n° 93-92 du 19 janvier 1993 ;
- le décret n° 94-139 du 14 février 1994 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Lefèvre, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée à compter du 1er mai 2016 en qualité d'agente des services hospitaliers qualifiée (ASHQ) stagiaire, puis titulaire à compter du 1er mai 2017. Elle exerce depuis le 1er mai 2016 les fonctions d'auxiliaire de vie sociale au sein du pôle de gérontologie clinique du centre hospitalier universitaire de Nantes. Par un courrier du 3 octobre 2017, elle a demandé au directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes de lui accorder le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) dont bénéficient les aides-soignants exerçant leurs fonctions auprès de personnes âgées dépendantes. Par une décision du 16 janvier 2018, le directeur général a rejeté sa demande. Par un courrier du 6 février 2018, Mme B... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision et a demandé le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire rétroactivement à compter du 1er mai 2016. Le
20 février 2018, le directeur général a rejeté cette demande. Mme B... a demandé l'annulation des décisions des 16 janvier et 20 février 2018 ainsi que la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme de 500 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi. Par un jugement du 2 juin 2022, le tribunal a annulé ces deux décisions et rejeté le surplus de la demande de Mme B.... Le centre hospitalier universitaire de Nantes relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, Mme B... demande à la cour d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal a indiqué, au point 5 de son jugement, qu'en application de l'article 3 du décret du 3 août 2007, portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière, le corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés constituait un corps unique, alors que Mme B... n'invoquait pas cette disposition dans sa demande. En se référant à cet article, qui régissait la situation de l'intéressée, il n'a toutefois pas relevé d'office, contrairement à ce que soutient le requérant, un moyen qu'il aurait été tenu de communiquer aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, mais a répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article 1er du décret du 19 janvier 1993, visé ci-dessus, que Mme B... invoquait, dans sa demande. Le moyen tiré de ce que les premiers juges ont méconnu l'article R. 611-7 du code de justice administrative doit, dès lors, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales : " I. - La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret. (...) / IV. - Les dispositions qui précèdent sont étendues dans des conditions analogues, par décret en Conseil d'Etat, aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ". Aux termes de l'article 1er du décret du 14 février 1994 relatif aux conditions de mise en œuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique hospitalière : " La nouvelle bonification indiciaire est attachée à certains emplois comportant l'exercice d'une responsabilité ou d'une technicité particulière. Le droit à la nouvelle bonification indiciaire cesse d'être ouvert à l'agent lorsqu'il n'exerce plus les fonctions au titre desquelles il en bénéficiait ". Aux termes de l'article 1er du décret du 19 janvier 1993 relatif à la nouvelle bonification indiciaire attachée à des emplois occupés par certains personnels de la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable: " Une nouvelle bonification indiciaire dont le montant est pris en compte et soumis à cotisation pour le calcul de la pension de retraite est attribuée mensuellement, à raison de leurs fonctions, aux fonctionnaires hospitaliers ci-dessous mentionnés : (...) / 2° Fonctionnaires nommés dans le corps des aides-soignants exerçant auprès des personnes âgées relevant des sections de cure médicale ou dans les services ou les unités de soins de longue durée auprès des personnes n'ayant pas leur autonomie de vie : 4 points majorés à compter du 1er août 1992. Ce nombre de points sera porté à 7 à compter du 1er août 1993, à 10 à compter du 1er août 1994 (...) ". Il résulte des termes mêmes de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) est lié aux seules caractéristiques des emplois occupés, au regard des responsabilités qu'ils impliquent ou de la technicité qu'ils requièrent. Dans tous les cas, l'administration doit, conformément au principe d'égalité, traiter de la même manière tous les agents occupant les emplois correspondant aux fonctions ouvrant droit à la bonification ou n'y ouvrant plus droit et qui comportent la même responsabilité ou la même technicité particulières.
4. Aux termes de l'article 3 du décret du 3 août 2007 relatif aux conditions de mise en œuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Le corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés comprend : / 1° Les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture, les aides médico-psychologiques et les accompagnants éducatifs et sociaux, spécialité accompagnement de la vie en structure collective ; / 2° Les agents des services hospitaliers qualifiés. ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Les aides-soignants et les auxiliaires de puériculture collaborent aux soins infirmiers dans les conditions définies à l'article R. 4311-4 du code de la santé publique. (...) / Les agents des services hospitaliers qualifiés sont chargés de l'entretien et de l'hygiène des locaux de soins et participent aux tâches permettant d'assurer le confort des malades. Ils effectuent également les travaux que nécessite la prophylaxie des maladies contagieuses et assurent, à ce titre, la désinfection des locaux, des vêtements et du matériel et concourent au maintien de l'hygiène hospitalière. ".
5. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 3 août 2007 que les aides-soignants et les agents des services hospitaliers qualifiés appartenaient, à la date des décisions contestées, à un même corps. Mme B... remplissait donc l'une des conditions prévues par le 2° de l'article 1er du décret du 19 janvier 1993 pour le bénéfice de la NBI et tenant au fait d'avoir été nommée dans le corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'elle exerçait ses fonctions au sein du pôle de gérontologie clinique du CHU de Nantes et remplissait donc également la condition prévue par ces mêmes dispositions et tenant à l'exercice des fonctions auprès des personnes âgées relevant des sections de cure médicale ou dans les services ou les unités de soins de longue durée auprès des personnes n'ayant pas leur autonomie de vie. Si le CHU de Nantes soutient que Mme B... n'exerce pas, au sein de ce pôle de gérontologie, des fonctions d'aide-soignante, mais celles d'auxiliaire de vie et qu'elle ne détient pas, en tant qu'agente des services hospitaliers qualifiée, un grade lui donnant vocation à exercer les missions statutaires d'une aide-soignante, ces circonstances sont sans incidence sur son droit à l'attribution de la NBI, dès lors que les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 19 janvier 1993 ne subordonnent pas cette attribution à l'exercice de ces missions et à la détention d'un grade d'aide-soignant. Le centre hospitalier universitaire de Nantes n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions contestées au motif qu'elles méconnaissaient ces dispositions.
Sur les conclusions présentées par la voie de l'appel incident :
6. Il ne résulte pas de l'instruction que les décisions des 16 janvier et 20 février 2018 refusant de faire droit aux demandes de Mme B... tendant au bénéficie de la NBI lui aient directement causé un préjudice moral ou des troubles dans les conditions d'existence. Mme B... n'est, dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ses conclusions d'appel incident ni sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Nantes à la recevabilité, en première instance, de ces conclusions indemnitaires, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Nantes soit condamné à lui verser la somme de 500 euros en réparation de ces préjudices.
Sur les frais d'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B... qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse au centre hospitalier universitaire de Nantes, la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes une somme de 1 500 à verser à Mme B... au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier universitaire de Nantes est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Nantes versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier universitaire de Nantes.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président assesseur,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 13 octobre 2023.
Le rapporteur
X. CatrouxLa présidente
C. Brisson
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22NT02477