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19/09/2023 | FRANCE | N°23NT01376

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 septembre 2023, 23NT01376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 10 février 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de leur demande d'asile.

Par un jugement n° 2303127, 2303128 du 14 avril 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2023, M. D... et Mme E...,

représentés par Me Roulleau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 10 février 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de leur demande d'asile.

Par un jugement n° 2303127, 2303128 du 14 avril 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2023, M. D... et Mme E..., représentés par Me Roulleau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 avril 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 10 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de procéder à un nouvel examen de leur situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés litigieux sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont contraires aux stipulations de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013 ;

- ils sont contraires aux stipulations de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme E..., ressortissants congolais (RDC), relèvent appel du jugement du 14 avril 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 10 février 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de leur demande d'asile.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. M. D... se prévaut du certificat établi le 21 avril 2023 par un médecin du centre hospitalier universitaire d'Angers attestant qu'il est porteur du VIH à un stade d'immunodépresssion très avancé, présentant un risque de complications infectieuses majeur, et d'une infection au niveau de l'oreille gauche. Ce médecin insiste sur la nécessité de surveiller la bonne tolérance du traitement mis en place depuis le 9 février 2023 et évoque l'importance de la relation de confiance qui s'est instaurée avec ce patient. Ces éléments sont de nature à confirmer la vulnérabilité de M. D..., alors même que, lors de son entretien individuel, il a seulement précisé avoir des problèmes de santé. Par ailleurs, le couple justifie de la présence en France de plusieurs membres de leur famille, de leur volonté d'insertion et de la scolarisation de leurs enfants. Par suite, les requérants établissent qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de leur demande d'asile et en prononçant leur transfert aux autorités espagnoles, le préfet de Maine-et-Loire a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 10 février 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution de l'arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire, de délivrer à M. D... et Mme C..., dans un délai de deux mois, une attestation de demande d'asile en procédure normale.

Sur les frais liés au litige :

6. M. D... et Mme E... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Leur avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Roulleau, avocat des requérants, d'une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2303127, 2303128 du tribunal administratif de Nantes en date du 14 avril 2023, ainsi que les arrêtés du 10 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert de M. D... et Mme E... auprès des autorités espagnoles sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à M. D... et Mme C..., dans un délai de deux mois, une attestation de demandeur d'asile en procédure normale.

Article 3 : L'Etat versera à Me Roulleau, conseil de M. D... et Mme E... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et Mme A... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2023.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I.PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01376
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : ROULLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-19;23nt01376 ?
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