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15/09/2023 | FRANCE | N°22NT04067

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT04067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du

24 novembre 2022 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur ce territoire pendant trois ans.

Par un jugement no 2206005 du 7 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes auquel le tribunal administratif de Rouen avait transmis cette demande, l'a rejetée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoir

e, enregistrés les 23 décembre 2022 et 25 août 2023,

M. B..., représenté par Me Mazouin, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du

24 novembre 2022 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur ce territoire pendant trois ans.

Par un jugement no 2206005 du 7 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes auquel le tribunal administratif de Rouen avait transmis cette demande, l'a rejetée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2022 et 25 août 2023,

M. B..., représenté par Me Mazouin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 24 novembre 2022 ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français ;

4°) d'enjoindre au préfet du Finistère de réexaminer sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 800 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

6°) de désigner un interprète en langue albanaise pour l'assister lors de l'audience.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- elle méconnaît le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il contribue de façon effective à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, qui sont des ressortissants français ;

- elle méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire est entachée d'une erreur d'appréciation compte tenu de la durée de son séjour et de ses attaches familiales ;

- elle méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

26 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1997 et de nationalité albanaise, a été interpellé à Brest, le

24 novembre 2022, par les services de la police nationale, après une altercation. Par un arrêté du 24 novembre 2022, le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, fixant l'Albanie comme pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 7 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et en particulier des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet, qui n'était pas tenu de faire état expressément de tous les éléments du dossier de l'intéressé, n'a pas omis de procéder à un examen particulier de la situation de ce dernier.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

4. M. B... fait valoir qu'il est père de deux enfants français nés respectivement en octobre 2019 et mars 2021 et que, s'il est séparé de leur mère depuis l'été 2022, il s'occupe d'eux un week-end sur deux et durant la moitié des vacances scolaires selon un accord amiable avec celle-ci. Il ressort du procès-verbal de l'audition du requérant par un officier de police judiciaire du 24 novembre 2022, que l'intéressé a déclaré être domicilié au centre communal d'action sociale de Brest, être sans profession, ni ressources et a affirmé acheter des cadeaux à ses deux enfants en bas âge, lorsqu'il le peut. Ces déclarations et les attestations, dont celles de proches, peu circonstanciées, que produit le requérant, sur les liens qu'il conserve avec ses enfants, ne suffisent pas à établir de façon suffisamment probante qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ces enfants dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans, en l'absence d'autres éléments objectifs de nature à démontrer une contribution effective à leur entretien. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent être écartés.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Si M. B... est père de deux enfants français, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il contribuerait de façon effective à leur entretien et leur éducation et il était, à la date de la décision contestée, séparé de leur mère. S'il se prévaut encore de la présence en France de sa mère et de son frère notamment, sans toutefois produire d'élément sur l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec eux, cette présence ne suffit pas à démontrer qu'il aurait désormais le centre de ses attaches familiales en France, où il se trouve par ailleurs sans travail ni ressources. Il avait déjà fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement les 22 novembre 2017 et

22 février 2020. De plus, M. B... a été condamné entre 2017 et 2021 à cinq reprises pour des délits et en dernier lieu le 28 juin 2021 à une peine d'emprisonnement ferme de cinq mois pour des faits de détention sans déclaration d'arme et trafic de stupéfiants. Il était, en outre, le

24 novembre 2022 à 6 h 25, lors de son interpellation sur la voie publique par les forces de l'ordre, en possession d'une arme blanche de catégorie D2, dont le port est interdit sans motif légitime, malgré l'interdiction judiciaire de porter une arme dont il fait l'objet. Sa présence sur le territoire français représentait donc une menace pour l'ordre public. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait séjourné dix années sur le territoire national comme il le soutient ou qu'il serait dépourvu d'attaches notamment familiales en Albanie où réside notamment son père. Dans ces conditions, en prenant à son encontre l'obligation de quitter le territoire français en litige, le préfet n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise, et n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

7. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas établie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision doit être écarté.

8. En dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 6, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation et ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé dont le respect est protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande, ni, à demander, en tout état de cause, que la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français soit réduite dans sa durée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

Le rapporteur,

X. CatrouxLe président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT04067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT04067
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET CECILIA MAZOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt04067 ?
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