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15/09/2023 | FRANCE | N°22NT04033

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT04033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

23 novembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2205935 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 23 novembre 2022.

Procédure devant la cour

:

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

23 novembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2205935 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 23 novembre 2022.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour d'annuler ce jugement du 29 novembre 2022 du tribunal administratif de Rennes et de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'arrêté contesté méconnaissait les dispositions du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à M. A... B... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., alias D..., a déclaré être entré en France irrégulièrement le 23 mars 2021. A la suite de son interpellation par des fonctionnaires de police de Palaiseau le 9 mars 2022 pour offre et détention de produit stupéfiants, il a fait l'objet, le 10 mars 2022, d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai. A la suite d'une nouvelle interpellation par les services de police le 18 juin 2022, il a été condamné le 20 juin 2022 par le tribunal correctionnel d'Angers à huit mois d'emprisonnement pour des faits de vol, certains aggravés ou en réunion, et d'escroquerie commis au cours des mois de mai et juin 2022. Il a été écroué à la maison d'arrêt d'Angers le 18 juin 2022, avec une levée d'écrou prévue le

24 novembre 2022. Par un arrêté du 23 novembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 29 novembre 2022, dont le préfet de Maine-et-Loire relève appel, le tribunal a fait droit à cette demande.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'intimé s'est présenté aux autorités françaises sous plusieurs identités : celle A... Hadmi, ressortissant tunisien né le 16 juillet 2004, de Sédi Ghazel, ressortissant tunisien né le 16 janvier 2004, A... B..., ressortissant libyen né le

16 janvier 2005, identité qu'il a également déclarée lors de ses interpellations des 14 mai, 9 et

16 juin 2022. Lors de son audition administrative du 21 novembre 2022, il a déclaré être nommé A... B..., ressortissant libyen né le 16 janvier 2003. Il a été condamné le 20 juin 2022 par le tribunal correctionnel d'Angers puis incarcéré sans contester sa majorité. En outre, l'intéressé n'a produit aucun élément de nature à établir son identité, a fortiori sa minorité, et notamment aucun acte d'état civil. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les dispositions citées au point précédent.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté contesté. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens soulevés contre l'arrêté contesté :

5. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. C... E..., chef du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, à la préfecture de Maine-et-Loire, qui bénéficiait de la part du préfet de ce département d'une délégation consentie le 31 août 2022, régulièrement publiée, à effet de signer notamment les actes à l'égard des ressortissants étrangers en matière lutte contre l'immigration irrégulière. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ne peut, dès lors, qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui le fondent. Il est, par suite, suffisamment motivé.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

8. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage d'éloigner un étranger du territoire national, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences exceptionnelles sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait une éventuelle interruption des traitements suivis en France.

9. L'intimé n'a fait valoir au cours de l'audition du 21 novembre 2022 aucun élément sur son état de santé. S'il soutient qu'il est suivi par un psychologue et un psychiatre et bénéficie d'un traitement médicamenteux dont il ne peut pas se passer, il n'étaye cette allégation d'aucune précision ou d'aucun élément probant. Il ne ressort dans ces conditions d'aucune pièce du dossier que l'éloignement prononcé à son encontre et l'interruption du traitement qu'il allègue suivre en France pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ".

11. Le requérant qui n'a pas la qualité de réfugié ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Si l'intimé, qui n'a pas, par ailleurs, formé de demande d'asile, soutient qu'il craint être exposé à l'insécurité, à des conflits et à un mariage forcé en cas de retour dans son pays d'origine, il n'étaye ces allégations d'aucun élément probant. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées ne peuvent donc qu'être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 23 novembre 2022.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 novembre 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

Le rapporteur

X. Catroux

Le président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT040332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT04033
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt04033 ?
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