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21/07/2023 | FRANCE | N°23NT00471

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 juillet 2023, 23NT00471


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination, lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'informant de son signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen.

Par un jugement n° 2204843 du 22 décembre 2022, le tribunal adm

inistratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination, lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'informant de son signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen.

Par un jugement n° 2204843 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2023, M. B..., représenté par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 décembre 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 24 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou "étudiant" ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui ne répond pas au moyen tiré de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour au regard de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui ne répond que de façon lacunaire aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entaché d'une insuffisance de motivation et, par suite, d'irrégularité ;

- en s'abstenant de saisir les autorités compétentes pour connaître les suites judiciaires données aux signalements le concernant figurant au fichier du traitement des antécédents judiciaires, le préfet a entaché sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour d'un vice de procédure ;

- en opposant à sa demande de titre de séjour la réserve de la menace pour l'ordre public prévue par l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de fait et a méconnu ces dispositions ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance de l'article L. 423-23 du même code ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- et les observations de Me Neve pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 22 décembre 2003, est entré irrégulièrement en France en août 2019, selon ses déclarations. Le président du conseil départemental du Finistère ayant refusé sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance de ce département par une décision du 19 octobre 2019, l'intéressé a fait l'objet, par un arrêté du 10 janvier 2020 du préfet du Finistère, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... a ensuite été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Finistère en qualité de mineur étranger isolé par un arrêt du 6 septembre 2021 de la cour d'appel de Rennes infirmant un jugement du 13 février 2020 du juge des enfants du tribunal judiciaire de Brest. Par un nouvel arrêté du 22 octobre 2021, le préfet du Finistère a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... a sollicité le 11 janvier 2022 la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des articles L. 423-23 ou L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 mai 2022, le préfet du Finistère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen. L'intéressé relève appel du jugement du 22 décembre 2022 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a répondu, au point 19 de ce jugement, aux moyens soulevés par M. B... au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prise à son encontre et tirés, au visa des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de son caractère disproportionnée et de l'atteinte à sa vie privée et familiale. En renvoyant aux motifs qu'il a particulièrement développés au point 12 du même jugement, le tribunal n'a pas, contrairement à ce que soutient le requérant, entaché son jugement d'une insuffisance de motivation, alors même que les décisions portant refus de titre de séjour et interdiction de retour sur le territoire français n'ont pas la même portée.

4. En second lieu, toutefois, les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, invoqué par M. B... et tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet en n'usant pas de son pouvoir discrétionnaire pour lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le jugement attaqué, entaché d'une omission de réponse à un moyen en tant qu'il porte sur la décision portant refus de titre de séjour, est, pour ce motif, irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée M. B... devant le tribunal administratif de Rennes contre la décision portant refus de titre de séjour en tant qu'elle porte sur la demande présentée sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions présentées par l'intéressé contre les autres décisions contenues dans l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet du Finistère.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 mai 2022 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

6. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Finistère s'est fondé pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B.... Cet arrêté vise en particulier les dispositions de l'article L. 422-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait état des principaux éléments caractérisant la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressé, tels que portés à la connaissance du préfet et pris en compte par celui-ci pour examiner sa demande de titre de séjour au regard des stipulations et dispositions précitées. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté portant refus de titre de séjour serait entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. B... doivent être écartés.

7. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., le préfet du Finistère a tout d'abord opposé à l'intéressé l'irrecevabilité de sa demande, faute de justification formelle de son identité.

8. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité (...) ". L'article L. 811-2 du même code prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil, lequel dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité (...) ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fourni à l'appui de sa demande de titre de séjour un certificat de nationalité ivoirienne et un extrait du registre des actes de l'état civil pour l'année 2019 de la commune d'Abobo comportant transcription, le 11 juillet 2019 sous le n° 18594, d'un jugement supplétif du 4 mai 2018 du tribunal de première instance d'Abidjan Plateau tenant lieu d'acte de naissance de l'intéressé au 22 décembre 2003. Ces documents ont fait l'objet, le 2 septembre 2019, d'un avis défavorable du service de la fraude documentaire de la police aux frontières aux motifs que la date de délivrance de l'extrait précité, sur la base duquel a été établi le certificat de nationalité, n'était pas mentionnée en toutes lettres, que le jugement supplétif correspondant n'était pas produit et que le délai de transcription de ce jugement n'était pas conforme à la législation applicable. Toutefois, ces irrégularités, à les supposer même établies, et alors que le requérant a produit par ailleurs le jugement supplétif du 4 mai 2018 à l'encontre duquel le préfet n'invoque aucun caractère frauduleux, ne font pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations que contiennent ces actes. Si le préfet fait en outre valoir que le discours de M. B... comporte des incohérences, au demeurant sans en préciser la nature et que les examens osseux et dentaire réalisés le 10 janvier 2020 ont abouti à des estimations d'un âge supérieur à dix-huit ans, ces circonstances ne suffisent pas, compte tenu notamment de la marge d'erreur mentionnée par les comptes rendus de ces examens, à remettre en cause les mentions des actes d'état civil quant à l'identité et l'âge dont se prévaut le requérant. Dans ces conditions, M. B..., qui a également été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par un arrêt du 6 septembre 2021 de la cour d'appel de Rennes, doit être regardé comme ayant justifié de son état-civil et de sa nationalité, comme l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en rejetant la demande de titre de séjour de l'intéressé au motif qu'il ne justifiait pas de son état civil par des documents probants, le préfet du Finistère a fait une inexacte application de ces dispositions.

10. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., le préfet du Finistère s'est également fondé sur la menace pour l'ordre public que représentait le comportement de l'intéressé au vu des cinq interpellations dont il avait fait l'objet entre le 4 janvier 2019 et le 2 février 2022 pour des faits relatifs à des vols, à la cession et la consommation de stupéfiants et à des violences en état d'ivresse.

11. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes (...) de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers (...) ".

12. En l'espèce, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que les signalements dont a fait l'objet M. B... auprès des services de police pour les faits mentionnés ci-dessus ont été portés à la connaissance des services de la préfecture à la suite de la consultation du fichier dénommé " traitement des antécédents judiciaires ". Toutefois, les seules mentions figurant sur ce fichier ne sauraient suffire à établir la matérialité des faits susceptibles de caractériser la menace à l'ordre public que constituerait l'intéressé. Il s'ensuit que le préfet ne pouvait, pour prendre la décision en litige, se fonder sur un tel motif.

13. Toutefois, d'une part, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".

14. M. B... se prévaut d'une présence en France depuis le mois d'août 2019, d'une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance au cours de sa dix-huitième année en qualité de mineur isolé, puis dans le cadre d'un contrat jeune majeur, ainsi que de la préparation d'un certificat d'aptitude professionnelle en électricité, suivie, postérieurement à l'arrêté contesté, d'une inscription en classe de première professionnelle. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne justifie ni de liens particulièrement intenses sur le territoire français, ni de l'absence de telles attaches dans son pays d'origine, où il a vécu l'essentiel de son existence. Le requérant, dont l'entrée irrégulière en France est relativement récente, ne justifie ni d'une autonomie dans ses conditions d'existence ni, ainsi qu'il ressort notamment des mentions relatives à son comportement que comporte la note sociale du 21 novembre 2022 le concernant, d'une particulière intégration. Dans ces conditions, la décision contestée refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. D'autre part, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ".

16. Si M. B..., qui ne conteste pas ne pas remplir les conditions de délivrance d'un titre de séjour "étudiant" prévues par les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se prévaut du sérieux et de l'assiduité avec lesquels il suit ses études, telles que mentionnées au point 18, il ne ressort des pièces du dossier que le préfet du Finistère, en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, aurait entaché la décision refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention "étudiant" d'une erreur manifeste d'appréciation.

17. Il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qui a été dit aux points 13 à 16 et eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, que le préfet du Finistère aurait pris la même décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour s'il ne s'était pas fondé sur les motifs erronés mentionnés aux points 8 à 12.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

18. En l'absence d'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français.

19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

20. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

21. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté du 24 mai 2022 que, pour interdire à M. B... un retour sur le territoire français pour la durée maximale de deux ans prévue par les dispositions précitées de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Finistère a retenu que l'entrée en France de l'intéressé, en août 2019, était récente, qu'il ne justifiait pas de lien personnels et familiaux sur le territoire, qu'il avait fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement et que sa présence constituait une menace pour l'ordre public. Toutefois, d'une part, les deux obligations de quitter le territoire français précitées ont été prises les 10 janvier 2020 et 22 octobre 2021, alors que M. B..., né le 22 décembre 2003, était mineur. D'autre part, le préfet n'établit pas, ainsi qu'il a été dit, que la présence de l'intéressé en France représenterait une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet ne pouvait, sans erreur d'appréciation, fixer à deux ans la durée de l'interdiction de retour prononcée en l'espèce. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par M. B..., que ce dernier est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne le signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen :

22. Aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006. / Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article R. 613-7 du même code : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement ".

23. Lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2022 en tant qu'il porte refus de titre de séjour. Il est en revanche mais seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

25. Le présent arrêt qui annule la seule décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'implique ni qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet du Finistère de délivrer un titre de séjour à M. B..., ni de procéder à un nouvel examen de sa situation, ni de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Les conclusions en ce sens de la requête doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

26. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me Maony dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il porte sur les conclusions de M. B... dirigées contre l'arrêté du 24 mai 2022 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant.

Article 2 : L'arrêté du 24 mai 2022 du préfet du Finistère est annulé en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Article 3 : L'Etat versera à Me Maony la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes et dirigée contre l'arrêté du 24 mai 2022 en tant qu'il porte refus de titre de séjour ainsi que le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.

La rapporteure

C. Brisson Le président

D. Salvi

Le greffier,

A Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT004712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00471
Date de la décision : 21/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-21;23nt00471 ?
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