Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 2200405 du 21 janvier 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 février 2022 et 25 mai 2023, M. B..., représenté par Me Larre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 janvier 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 6 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné a rejeté sa demande dès lors que le préfet qui n'a pas produit de mémoire en défense, doit être réputé acquiescer aux faits ;
- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; il n'a pas bénéficié d'un interprète en pachto lors de son entretien avec un représentant de l'Office français de l'immigration et de l'intégration tendant à apprécier sa vulnérabilité ; il a ainsi été privé d'une garantie ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire dans la mesure où il n'a pas été invité à présenter ses observations ;
- le préfet a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; cette décision n'est ni justifiée, ni adaptée, ni nécessaire ; elle présente un caractère disproportionné ;
- la décision déterminant ses obligations de pointage n'est pas motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par un courrier du 8 août 2022, le préfet de Maine-et-Loire a demandé à la cour de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête présentée par M. B... contre la décision de transfert le concernant, laquelle n'a été ni exécutée, ni prolongée.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 21 janvier 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté de transfert :
2. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure de remise. Quel que soit le sens de la décision rendue par le premier juge, ce délai court à compter du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution.
4. Il ressort des pièces du dossier que le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer M. B... aux autorités bulgares a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 21 janvier 2022 rendu par ce dernier et n'a fait l'objet d'aucune prolongation ainsi qu'il ressort du courrier adressé à la cour le 8 août 2022 par le préfet. Par suite, l'arrêté de transfert du 6 janvier 2022 est devenu caduc sans avoir reçu de commencement d'exécution et les conclusions de M. B... aux fins d'annulation de cette décision sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
5. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant été exécuté, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision d'assignation à résidence :
6. Aux termes de l'article L. 573-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 peut être assigné à résidence selon les modalités prévues aux articles L. 751-2 à L. 751-7. ". Aux termes de l'article L. 751-2 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable (...) ".
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été entendu dans le cadre d'un entretien individuel qui s'est déroulé le 13 décembre 2021 à la préfecture des Yvelines avec l'assistance d'un interprète en langue pachto, qu'il a déclaré comprendre. A cette occasion, l'intéressé a pu faire valoir ses observations. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté portant assignation à résidence pris à son encontre le 6 janvier 2022 serait intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire.
8. En deuxième lieu, l'arrêté contesté précise que M. B... a fait l'objet d'une décision du même jour ordonnant son transfert à destination de la Bulgarie. Elle indique qu'il est nécessaire de s'assurer de sa disponibilité pour répondre aux convocations de l'administration réalisées dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de transfert vers l'Etat-membre requis. Elle oblige l'intéressé à se présenter tous les lundis à l'exception des jours fériés à 8h au commissariat central de Nantes " pour y confirmer sa présence " dans l'attente de son transfert. Par suite, la décision contestée, ainsi que l'obligation de présentation qu'elle contient, qui comportent par ailleurs les motifs de droit sur lesquelles elles se fondent, sont suffisamment motivées.
9. En troisième lieu, M. B... se prévaut pour la première fois en appel d'une ordonnance du 5 janvier 2022 lui prescrivant un traitement médicamenteux contre la gale. Il produit également un certificat d'un médecin de la Permanence d'accès aux soins de santé (PASS) du centre hospitalier de Saint-Nazaire en date du 11 février 2022, indiquant qu'il présente des troubles du sommeil avec des symptômes d'hyper-vigilance nocturne. Ce médecin indique qu'un traitement constitué d'un somnifère et d'un anxiolytique lui est alors prescrit. Ces seuls éléments ne suffisent toutefois pas à établir qu'à la date de l'arrêté contesté, l'exécution de la décision de transfert prise le même jour ne demeurait pas une perspective raisonnable. Ils ne sont pas davantage de nature à démontrer qu'à cette date l'intéressé se trouvait dans l'incapacité de se présenter une fois par semaine à 8h au commissariat de Nantes, ville où il était alors hébergé. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée révèlerait une erreur manifeste d'appréciation de sa situation. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut dès lors qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence prise à son encontre.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. B... dirigées contre la décision d'assignation à résidence, n'appelle aucune mesure d'exécution autre que celle résultant de la caducité de la décision de transfert prise à son encontre le 6 janvier 2022. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte sont devenues sans objet et doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au profit de son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant transfert.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juillet 2023.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00520